Interview« Je reçois des offres en millions d'euros pour Jolene », confie Ayache

JO de Paris 2024 : « On reçoit des offres en millions d’euros »… Alexandre Ayache ne veut pas se séparer de sa jument

InterviewLe spécialiste de dressage Alexandre Ayache se prépare pour les Jeux olympiques de Paris avec sa jument, Jolene
Alexandre Ayache avec Jolene.
Alexandre Ayache avec Jolene. - AFP / AFP
Propos recueillis par Antoine Huot de Saint Albin et Aymeric Le Gall

Propos recueillis par Antoine Huot de Saint Albin et Aymeric Le Gall

L'essentiel

  • Chaque jeudi, « 20 Minutes » reçoit un athlète qui rêve de podium aux JO 2024 dans son émission Twitch LCTC. Cette semaine, il s’agit d’Alexandre Ayache.
  • Le cavalier, qui a déjà participé aux Jeux de Rio et de Tokyo, évoque sa relation avec sa jument Jolene, qui suscite des convoitises de riches, très riches propriétaires.
  • Pour le Niçois, le cheval est aujourd’hui un athlète à part entière.

Si vous voulez faire plaisir à Alexandre Ayache, il suffit de lui dire un seul mot : Jolene, du nom de la jument qu’il monte depuis bientôt trois ans et qui devrait l’accompagner aux Jeux olympiques de Paris, en 2024. Le cavalier de 41 ans, spécialiste de dressage, est tombé par hasard sur ce cheval et, depuis, c’est une « relation fusionnelle » qui a commencé entre Jolene et lui, comme « un vrai couple ».

Alors qu’il faut, en temps normal six, sept ans de travail commun, pour que les résultats commencent à venir, Alexandre Ayache et Jolene ont, en moins de trois ans commencé à monter sur les podiums. Dans l’émission « Les croisés tu connais », diffusée tous les jeudis, le Niçois a raconté son parcours et les convoitises que suscitent Jolene. Avec des offres compliquées à refuser.

Comment s’est passée la rencontre avec Jolene ?

Il y a trois ans, une dame, qui vit entre Marbella et Saint-Tropez, que je ne connais pas, m’appelle en me demandant si je pouvais accueillir ses trois chevaux dans mon écurie. Et elle ne s’entendait pas avec Jolene, et cherchait à la vendre. Je monte Jolene, et je tombe amoureux d’elle dès le premier essai. On a fait une proposition, et on l’a achetée. La jument n’était pas dressée, et n’avait jamais fait de concours. Mais tout a été très vite, et c’est là où on voit la qualité mentale et physique de la jument. Normalement, pour arriver à son niveau actuellement de concours, il faut six, sept ans. Il y a deux ans, Jolene n’avait jamais fait une épreuve. Le deuxième Grand Prix qu’elle a fait, elle l’a gagné. Son histoire n’est vraiment pas commune. Aujourd’hui, elle est sur le très haut niveau en n’étant pas finie. Il reste une marge de manœuvre énorme. L’avenir risque d’être très sympa pour elle et pour moi.

Comment qualifieriez-vous la relation que vous avez avec votre cheval ?

Quand on a un cheval qui arrive à ce niveau-là, la relation ne peut être que fusionnelle. On partage notre quotidien, mais on partage aussi toutes les émotions qui vont avec le quotidien et les émotions qui vont avec le sport de haut niveau. C’est vraiment une relation de couple, de vrai couple, avec les bons et les mauvais moments. Mais j’ai la chance d’avoir une jument assez incroyable, qui est très facile à vivre, et qui fait tout ce qu’elle peut pour me faire plaisir, tout le temps.

Vous avez eu plusieurs chevaux, comment se fait le choix de passer d’un cheval à un autre ?

Moi, je n’ai pas trop le choix. Je suis issu d’une famille modeste et le seul moyen que j’ai trouvé pour faire du très haut niveau, c’est de dresser des chevaux, les amener à des concours, les rendre très performants et, malheureusement, après, je suis obligé de les vendre pour continuer à faire du sport. Tous mes chevaux qui ont fait du très haut niveau, à part Zo What, ont été vendus pour que je continue à alimenter l’écurie et la compétition de très haut niveau. Je rêverais d’avoir une autre solution.

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

Combien a coûté Jolene ?

On l’a payée 90.000 euros. Quand on sait ce que ça vaut maintenant, les offres que je reçois quand elle finit deuxième ou remporte un Grand Prix, on parle en millions d’euros. C’est un sport qui s’approche énormément du sport mécanique, au niveau tarif, ce que la compétition coûte, ce que les chevaux coûtent, ce que l’entretien coûte. C’est pour ça que je n’ai pas le choix de les vendre pour continuer.

Est-ce qu’il y a un phénomène où certaines nations proposent des ponts d’or pour racheter des chevaux avant les grandes compétitions ?

Ça a toujours existé. Des chevaux comme Jolene, c’est très rare. Et comme tout ce qui est très très rare, c’est très très très cher. C’est un sport qui coûte de l’argent, donc des gens qui n’ont pas d’argent il y en a très peu. Quand on a de l’argent et qu’on veut se faire plaisir, on propose des grosses sommes. Comme il y a plus de demandes que d’offres, les prix sont souvent rocambolesques.

Comment réagiriez-vous si une « offre saoudienne » vous parvient pour vous racheter Jolene, vu la relation que vous avez avec elle.

C’est déjà arrivé. Après Lyon, l’année dernière, on a eu une proposition, c’était du grand n’importe quoi. J’ai appelé mon partenaire, Karim, pour lui parler de l’offre que j’avais reçue. Il m’a dit de me boucher les oreilles et qu’il ne se passera rien. J’étais soulagé qu’il me dise ça, mais aussi angoissé.

« Refuser des sommes comme ça… Je ne peux même pas en parler à mes parents. Le premier cheval que j’ai vendu, j’étais à table avec eux, quand mon père a entendu le prix qu’on me proposait, il a failli s’étouffer. Il m’a pris par l’oreille quand j’ai dit que je ne voulais pas le vendre. Ce sont des situations très difficiles à gérer. Mais je n’ose même pas imaginer le départ de Jolene des écuries. » »

Si Jolene venait à s’en aller, est-ce que vous savez ce qu’elle ressentirait ?

C’est une relation super forte, et c’est pour ça que je ne préfère pas y penser tant que ça n’arrive pas. J’y pense que le jour où les chevaux s’en vont. Ça me rend malade personnellement, même si le cheval part pour beaucoup d’argent. Certainement que les premiers moments, ça doit leur faire bizarre. Et c’est pour ça que j’aimerais réellement que ça puisse changer, d’avoir les moyens de garder mes chevaux, de ne pas leur faire subir, pour une question économique, des choix humains. Mais je n’ai pas le choix.

Alexandre Ayache lors des JO de Tokyo.
Alexandre Ayache lors des JO de Tokyo. - AFP

Peut-on faire le parallèle entre le dressage et le patinage artistique ?

Oui, c’est totalement ça. Il y a une reprise imposée, avec des figures notées de 1 à 10 par des juges humains. Donc on a les mêmes avantages et les mêmes problématiques que dans le patinage artistique. L’humain juge, avec ses états d’âme, ses favoris et tout ce qui va avec. Ça crée ce sport qui est le nôtre, qui n’est pas toujours facile à avaler, mais c’est en train d’évoluer. Mais c’est assez régulièrement insupportable, il y a tout un tas de trucs assez bizarres. Une dernière étude faite par une scientifique sur un an de Grand Prix montrait qu’il y avait beaucoup trop de subjectivité pour que ça soit complètement honnête. Mais on va finir comme avec le patinage artistique, avec l’intelligence artificielle au milieu, en enlevant la meilleure et la pire note.

Est-ce qu’on peut parler de gains marginaux aussi dans l’équitation pour gagner certains points lors d’une compétition ?

Dans le sport de très haut niveau, il n’y a pas de hasard, tout est géré au millimètre. Si on veut que ça dure, c’est comme ça qu’il faut faire. La jument, de nous deux, c’est elle la vraie athlète, elle mange rarement des pizzas et de burgers. Elle est pesée toutes les semaines, un vétérinaire la voit régulièrement. La nutrition est gérée, elle a une prise de sang tous les deux mois, elle voit le dentiste deux fois par an, elle voit le maréchal toutes les quatre semaines… Tout est géré millimétriquement.

Quelles sont les maladies que vous craigniez le plus pour votre cheval avant les JO ?

Le pire qui puisse arriver, c’est une blessure, comme une tendinite. C’est d’avoir exagéré sur des concours et d’avoir blessé le cheval. C’est pour ça qu’il faut de phases de récupération après les compét. J’ai la chance de côtoyer de vrais athlètes de très haut niveau, qui font de leurs corps leur outil de travail, et depuis de nombreuses années, j’ai pris leurs manières de récupérer, de se soigner, et je l’ai adapté à mes chevaux. Et, pour le moment, ça marche bien.

Est-ce que le fait de ne pas avoir à transporter les chevaux à l’autre bout de la planète pour les Jeux vous donne un avantage ?

Ça ne change rien. Quand un cheval part pour Tokyo ou Rio, il a douze ou treize heures d’avion. Quand je vais à Budapest, le cheval a deux jours de camion. En camion, ça freine, ça tourne à droite et à gauche. En avion, il y a juste le décollage et l’atterrissage, le reste c’est une promenade pour lui. Le vol, c’était ma grosse crainte avant Rio, mais finalement il était frais. Le seul qui a eu le contrecoup, c’est moi.

Sujets liés