Palestine« Il n’y a pas une heure sans bombardement », témoigne un habitant de Gaza

Guerre Hamas - Israël : « Nous ne quitterons jamais notre pays »… Les Gazaouis, terrifiés mais résolus

PalestineJehad Abu Hassan, père de famille franco palestinienne de 53 ans, et Ahmad Abureida, trentenaire Gazaoui, racontent à « 20 Minutes » leur quotidien sous les frappes aériennes israéliennes ayant débuté samedi
Des Palestiniens sur les décombres d'habitations détruites par des frappes aériennes isréaliennes, à Rafah, au sud de la bande de Gaza, au sixième jour du conflit, le 12 octobre 2023.
Des Palestiniens sur les décombres d'habitations détruites par des frappes aériennes isréaliennes, à Rafah, au sud de la bande de Gaza, au sixième jour du conflit, le 12 octobre 2023.  - Ahmed Tawfeq apaimages / SIPA
Lise Abou MansourLina Fourneau

Lise Abou Mansour, Lina Fourneau

L'essentiel

  • Jehad Abu Hassan, père de famille franco palestinienne de 53 ans, et Ahmad Abureida, trentenaire Gazaoui, racontent à 20 Minutes leur quotidien sous les frappes aériennes israéliennes ayant débuté samedi.
  • « Les bombardements sont si intenses qu’ils font trembler les meubles, témoigne le père de famille. C’est terrifiant pour mes enfants. On arrive à peine à dormir car il n’y a pas une heure sans bombardement. »
  • Aujourd’hui, aucun des deux hommes ne compte quitter Gaza. Pour Ahmad, pas question de laisser Israël occuper Gaza. « Nous avons confiance en la résistance palestinienne et nous ne quitterons pas notre pays, même si les gens vivent dans des conditions très difficiles ».

Mise à jour du 13 octobre 2023 à 10h25 : Ajout au dernier paragraphe de l'ordre d'évacuation de Gaza par l'armée israélienne ce vendredi matin.

Un tremblement de terre. C’est ainsi que Jehad Abu Hassan compare l’impact des missiles envoyés par les soldats israéliens sur Gaza en réponse à l’attaque du Hamas survenue samedi sur le territoire israélien. Le Franco palestinien de 53 ans vit avec sa femme et leurs triplés de six ans dans le quartier de Rimal, au nord-ouest de Gaza. « Depuis que les tirs ont commencé, ça ne s’est pas arrêté. Lorsque la mosquée à côté de chez nous a été bombardée, la fumée est rentrée jusque dans la maison. »

Jehad a peur, « comme tout le monde ». Habitant à quelques pas de l’hôpital de Shifa, il entend le flux continu des sirènes des ambulances. « On ne sait pas quand les frappes vont arriver sur nous, quand ça va être notre tour. Les bombardements sont si intenses qu’ils font trembler les meubles. C’est terrifiant pour mes enfants. On arrive à peine à dormir car il n’y a pas une heure sans bombardement. » Si le Franco palestinien a vécu les précédents conflits, il considère que les récents événements sont complètement différents. « Je n’ai jamais vu ça. Il s’agit vraiment d’un blocus total de Gaza avec des bombardements partout. »

Au sud de l’enclave palestinienne, dans la ville de Khan Younès, plusieurs bombardements ont été entendus. Mercredi, un établissement bancaire a été touché par une frappe aérienne et dans la nuit de mercredi à jeudi, sept Palestiniens ont dû être extraits des décombres. Parmi les habitants de la ville, Ahmad Abureida a dû quitter son foyer samedi pour être hébergé chez un ami dans une zone plus sécurisée. Mais cette nuit, la maison où il vivait a été ciblée par des tirs. « Nous avons miraculeusement échappé à la mort ».

« On essaie de calmer les enfants même si on est terrifiés »

Contrairement aux Israéliens qui possèdent des abris, qu’ils soient individuels, collectifs ou publics, il n’en est pas de même pour les Palestiniens. Quand il entend les missiles tomber à proximité de sa maison, Jehad cache ses enfants dans la cuisine, loin des fenêtres. « C’est terrifiant pour les enfants. On leur dit "c’est quelque chose qui frappe, il ne faut pas avoir peur, ça va passer" ». Hier, ses enfants lui ont demandé « pourquoi on nous frappe comme ça ? ». « On ne peut pas leur expliquer alors on essaie de les calmer tant qu’on peut même si on est tendus et terrifiés par ce qu’il se passe. » Le père de famille essaie de tenir le coup « parce qu’il faut une personne au sein de la famille qui aide les autres. »

Jehad sort très peu de chez lui. Seulement pour faire quelques courses dans l’épicerie à 50 mètres de sa maison. Les rues sont quasi désertes. « Les gens ont très peur de sortir. » Sur le chemin, il passe devant une école qui abrite de nombreux déplacés, des Palestiniens des quartiers Jabalya ou Beit Hanoun, au nord de la ville. « Ils ont reçu des messages automatiques de l’armée israélienne leur disant de quitter la zone car il allait y avoir une frappe. Alors ils partent à la hâte, sans pouvoir prendre leurs affaires. Mais parfois, ils n’ont pas le temps de s’échapper ». Pour Ahmad Abureida, l’habitant de Khan Younès, les alertes restent encore trop insuffisantes et n’empêchent pas un nombre élevé de victimes civiles.

Les écoles gérées par l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) sont censées être des lieux épargnés par les bombardements. « Mais même des écoles sont touchées », se désole le Franco palestinien. Plus de 260.000 Gazaouis ont dû fuir leur domicile et se déplacer à l’intérieur de la bande de Gaza, selon l’ONU. Et leur nombre continue d’augmenter. Ahmad en fait partie et après l’explosion de jeudi soir, se trouve désormais dans une école. Après avoir été déplacé plusieurs fois, il en est conscient : « A Gaza, il n’y a malheureusement plus un seul endroit sûr ».

L’espoir d’une trêve humanitaire

Lundi, le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a annoncé la suspension des livraisons vers la bande de Gaza. « Nous avons encore de l’eau dans le réservoir sur le toit de notre immeuble mais ça ne va pas durer », assure Jehad. L’électricité, elle aussi, risque de manquer. « Elle a été complètement coupée dans la bande de Gaza en raison d’une pénurie de carburant », ajoute Ahmad. La seule centrale du territoire a en effet cessé son activité ce mercredi et ne risque pas de redémarrer de sitôt.

La pénurie alimentaire inquiète également. La majorité des produits étant importés vers la Palestine, le risque d’un manque de nourriture est immense à très court terme. « Pour l’instant, il y a encore des aliments, mais ça ne va tenir que quelques jours », se désole le père de famille. Pour lui, une trêve humanitaire est nécessaire avec un corridor pour acheminer de la nourriture, de l’eau, du fuel. Pour combler les pertes, Ahmad - qui se considère comme « activiste humanitaire » - tente de récolter des fonds via une cagnotte en ligne. « Afin de me tenir aux côtés de mon peuple ».

« Ce qu’il se passe est vraiment cruel »

Pour les prochains jours, Jehad redoute une opération terrestre des soldats israéliens. « Il risquerait d’y avoir des massacres partout. Ce qu’il se passe est vraiment cruel. On doit protéger les civils des deux côtés. J’espère que la communauté internationale va se rendre compte que ce sont des civils, des enfants, des femmes qui n’ont pas pris part au conflit qui paient le prix lourd dans cette guerre ».

Aujourd’hui, aucun des deux hommes ne compte quitter Gaza. Jahed, en tant que Franco Palestinien, s’est vu proposer par le consulat un endroit de l’ONU pour se mettre en sécurité. Il a refusé. « Je ne pourrais pas partir avec ma femme et mes enfants et laisser mes sœurs et leur famille ici. On reste ensemble et on subit le même sort ». Il en est de même pour Ahmad, mais pour des raisons diplomatiques cette fois : pas question de laisser Israël occuper Gaza. « C’est notre pays. Nous ne le quitterons jamais, même si les gens vivent dans des conditions très difficiles ». Ce vendredi matin, l'armée israélienne a ordonné l'évacuation de tous les civils de la ville de Gaza vers le sud, ce que le Hamas a refusé.