TERRORISMEPourquoi Mohammed M., l’assaillant du lycée d’Arras, n’était pas expulsable

Attaque au couteau à Arras : Pourquoi le principal suspect, Mohammed M., en situation irrégulière n’était pas expulsable

TERRORISMEMohammed M., arrivé en France avant l’âge de 13 ans, bénéficiait d’une protection absolue contre l’éloignement. Une mesure qui toutefois peut être levée dans certains cas
Attaque au couteau à Arras : Qui est le suspect, Mohammed M.?
Caroline Politi

Caroline Politi

L'essentiel

  • Un jeune Russe de 20 ans, Mohammed M., est le principal suspect de l’attaque au couteau dans un lycée d’Arras qui a coûté la vie à Dominique Bernard, un professeur de Français.
  • Mohammed M. n’était pas en situation régulière en France mais bénéficiait de la protection contre l’éloignement car il était arrivé sur le territoire avant d’avoir 13 ans.
  • Cette mesure compte cependant des exceptions, notamment d’activités « à caractère terroriste ».

Après la stupeur, viennent les questions. Si Mohammed M., le principal suspect de l’attaque au couteau dans le lycée Gambetta d’Arras, garde le silence en garde à vue, les enquêteurs s’attellent à retracer le parcours de ce Russe de 20 ans, arrivé en France en 2008. Une enquête minutieuse pour tenter de comprendre pourquoi cet ancien élève de l’établissement a décidé d’y perpétrer une attaque terroriste. Dominique Bernard, un professeur de lettres, a été poignardé à mort et trois autres membres de la communauté éducative blessés.

Les enquêteurs remontent ainsi le fil de cette famille russe, arrivée en France en 2008 et dont un autre membre - Mosvar, le frère aîné de Mohammed M. - est actuellement détenu pour des faits de terrorisme. Originaires d’Ingouchie, une petite république du Caucase, le couple et ses quatre enfants – une cinquième naîtra dans l’Hexagone – a d’abord déposé une demande d’asile en Pologne, affirmant fuir des persécutions. Une demande rejetée qui entraînera à nouveau la famille sur les routes de l’exil. Après un temps en Allemagne puis en Belgique, les M. posent leurs valises dans l’Ouest de la France. En Vendée d’abord, puis dans la région rennaise. Nouvelle demande de droit d’asile. Et nouveau rejet.

Une obligation de quitter le territoire en 2014

Au début de l’année 2014, la famille, en situation irrégulière, fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire (OQTF). Un matin de février, à l’aube, ils sont contraints d’embarquer dans un avion en direction de Roissy. Ils doivent ensuite prendre un second vol qui les reconduira en Russie. Mais cette expulsion suscite l’indignation à Rennes. Une intense mobilisation s’organise autour de la famille. On est à peine quatre mois après l’affaire Leonarda - une jeune Kosovare dont l’expulsion programmée avait provoqué une intense contestation dans tout le territoire – le sujet est particulièrement sensible. Finalement, au dernier moment, les M. sont conduits dans le centre de rétention du Mesnil-Amelot, en Seine-Saint-Denis.

Le ministère de l'Intérieur a finalement suspendu la mesure devant l'ampleur de la mobilisation. Interrogé par Le Télégramme à ce sujet, Manuel Valls qui était à l'époque Place Beauvau a indiqué qu'il n'était « pas intervenu directement ». Et de préciser: « Mon cabinet a alors examiné le dossier et a considéré que cette expulsion ne respectait pas la circulaire dite Valls. La famille était en effet sur le sol français depuis plus de cinq ans et les enfants, dont une en bas âge, étaient scolarisés et parlaient français. »

C’est juste après cette affaire qu’ils prennent la direction d’Arras. En 2021, tout juste majeur, Mohammed M. fait une demande d’asile afin de régulariser sa situation. Son père, lui, a été expulsé en 2018. Son frère aîné est déjà mis en examen dans deux affaires de terrorisme : un projet d’attaque de l’Elysée et une seconde affaire d’apologie. Sa demande est rejetée. Tout comme son recours, à l’été 2022, devant la Cour nationale du droit d’asile. Pour autant, le jeune Russe n’est pas expulsable. « Il est entré en France avant l’âge de 13 ans et bénéficie donc de la protection absolue contre l’éloignement », précise une source proche du dossier.

La protection absolue et ses exceptions

Cette mesure de protection peut toutefois être levée lorsque la personne, devenue majeure, se prête à certaines pratiques. Trois exceptions sont recensées par la loi : le fait d’avoir un comportement de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État, de réaliser des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence ou d’avoir des activités à caractère terroriste. Mohammed M., fiché S. et connu pour sa radicalisation ne pouvait-il donc pas entrer sous le coup de ces exceptions ?

« Sa détection est extrêmement récente », insiste une source proche du dossier. Mohammed M. a été fiché S. et inscrit au Fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation au tout début du mois d’octobre. Sa radicalisation a été repérée cet été à la suite de propos jugés « très inquiétants ». « Il était sur écoute, a fait l’objet de multiples surveillances physiques », confiait vendredi à 20 Minutes une source des services de renseignements. Il avait, jeudi encore, été contrôlé sans que rien ne laisse présager de projet de passage à l’acte. Jusqu’à présent aucune infraction n’avait pu être caractérisée. Son casier était, par ailleurs, vierge. Jusqu’à cet automne, le jeune homme ne pouvait donc pas être sous le coup d’une obligation de quitter le territoire.

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