RUGBYDurs au mal et fougueux, a-t-on retrouvé les All Blacks qu'on aime?

Irlande - Nouvelle-Zélande : Durs au mal et fougueux, a-t-on retrouvé les All Blacks qu'on aime?

RUGBYVainqueurs de l’Irlande (28-24) en quarts de finale de la Coupe du monde de rugby 2023, les All Blacks sont de retour et en forte progression. Sauf surprise, ils seront en finale. Les a-t-on enterrés trop vite ?
Richie Mo'unga dans ses oeuvres
Richie Mo'unga dans ses oeuvres - David Winter//SIPA / SIPA
William Pereira

William Pereira

Au Stade de France,

Nouveau record d’apnée collective établi samedi soir à Saint-Denis. Ça s’est passé aux alentours de 23h, entre la 77e et la 83e minute de jeu, et une action à 37 phases qui terminera de faire basculer cet Irlande-Nouvelle-Zélande dans le surnaturel, s’il n’y était pas déjà. A vrai dire, il n’y a guère eu la place pour respirer qu’à la mi-temps, tout le reste n’étant qu’un empilement de séquences à très haute intensité, de coups de génie, de « oh », « ah », jusqu’à la délivrance des uns et la damnation des autres. Le rugby dans tout ce qu’il a de mieux à offrir. Une pensée émue au passage à tous les spectateurs d’Argentine-pays de Galles passés sur le match du soir sans avoir pris le temps de se mouiller la nuque, le choc thermique a dû être terrible. Qui peut croire que les Pumas auront une chance de réaliser l’exploit du siècle le week-end prochain après le spectacle dont nous avons été témoins au Stade de France ? Certainement pas nous.

Le seul bénéfice à concéder aux Sud-Américains sera celui de la fatigue. La bataille contre l’Irlande a marqué physiquement les Néo-Zélandais, qui ont perdu cinq ou dix ans d’espérance de vie dans les rucks comme à peu près tous les adversaires du XV du Trèfle depuis le début du Tournoi. Pour Beauden Barrett, revoir le chiffre à la hausse : on se revoit encore tirer la grimace sur notre perchoir en observant l’élégant arrière se faire désosser sur l’action du premier essai. « C’est clair qu’il va falloir récupérer sur les prochains jours parce que ça a piqué, a déclaré à chaud le capitaine Sam Cane. On va se remettre et on va se préparer. » Mais un poncif du sport veut que la fatigue se digère mieux avec la victoire. Sans oublier que la confiance engrangée par les All Blacks depuis leur défaite contre la France en fait à nouveau l’équipe redoutable que nous avions eu l’audace de penser qu’elle n’était plus. Savea, Mo’unga et la dynastie Barrett sur le toit du monde le 28 octobre ? Pourquoi pas ? Les arguments sont là.

Tranchants dès le départ

Valeur sûre qu’il pleuve, neige, ou vente, les entames néo-zélandaises sont une véritable marque déposée. Les Bleus avaient goûté à la clim' d’entrée de Mondial sur un essai prématuré de Telea, les Irlandais ont perdu gros en faisant cadeau de six points sous la pression néo-zélandaise. « Ils sont très forts quand il s’agit de prendre les commandes d’un match. Ils nous ont mis sous pression », reconnaît le sélectionneur de l’Irlande, Andy Farrell. Un détail pour vous, mais pour la Nouvelle-Zélande, ça veut dire beaucoup : c’est là que se joue la qualif (quatre points d’écart au final, souvenez-vous). En dehors de ce premier quart d’heure de domination kiwi, les stats sont dignes d’un match nul.

  • Trois essais chacun
  • Deux transformations chacun
  • 88 % de plaquages réussis des deux côtés
  • 10 pénalités concédées partout

Hyper solides même à 14

Les All Blacks ont été réduits par deux fois à 14, et l’Irlande en a à peine profité : rien à se mettre sous la dent à part un essai de Gibson-Park. Mieux, sur certaines séquences, on en est même venus à oublier leur infériorité numérique, dont le sélectionneur Ian Foster se serait tout de même bien passé. « J’aurais préféré qu’on ne prenne pas de carton jaune parce qu’on sait qu’ils sont bons quand ils jouent contre une équipe en infériorité numérique. » Sam Cane : « Personne ne veut jouer à 14, nous, il a fallu qu’on le fasse deux fois. Mais les mecs sont allés encore plus loin dans l’effort et on a défendu comme des fous ce soir. On a réussi à les contenir sur de longues périodes, c’est ce qui nous a permis de gagner. »

Une solidité défensive retrouvée

L’idée globale est celle d’une performance défensive de haut standing, qui n’est pas pour déplaire au capitaine néo-zélandais. « C’est notre défense qui nous fait gagner ce soir. Ce match va nous servir de référence. Pour être champions du monde, il faut une grosse défense. » C’était aussi l’avis d’Andy Farrell après la victoire irlandaise contre l’Ecosse. Comme preuves de la ténacité des All Blacks on citera les 15 plaquages réussis sur 17 tentés par Ardie Savea, les mains dans le cambouis de Jordie Barrett pour stopper miraculeusement l’irréfrénable avancée du maul irlandais dans l’en-but et, donc, cette fameuse séquence à 37 phases de jeu, où les Kiwi défendaient sur un fil.

« On s’accrochait, c’était un match dur, souffle le 2e ligne Brodie Retallick. J’essayais juste de bien plaquer. C’est une bonne fin de match. Le groupe a montré beaucoup de détermination pour s’accrocher. (Au coup de sifflet final) J’étais soulagé pour être honnête. » Il faudra remercier Sam Whitelock, auteur du grattage salvateur. « Ça a été une longue période à défendre, complète Cane. La capacité des gars à toujours être là les uns pour les autres a été cruciale. »

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De la vitesse, de la magie et des retours de blessure

S’ils ont su faire le dos rond une bonne partie de la rencontre (45 % de possession et une occupation territoriale en faveur de l’Irlande), les triple champions du monde ont été bien inspirés de retrouver une vitesse d’exécution digne de leur nom à la fois dans les transmissions et individuellement. Sur le premier essai et au-delà du coup de folie de B.Barrett, il faut retenir le une-deux foudroyant façon football entre Fainga’anuku et Ioane sur la ligne de touche pour échapper au plaquage de Bundee Aki, le genre de trucs qu’on ne voit que chez les All Blacks. Et puis quels adjectifs pour qualifier le franchissement dingue de Mo’unga en seconde période, sur l’essai de Will Jordan ? Là encore c’est allé vite, très vite.

Enfin, on ne terminera pas sans un mot sur le trio de revenants Cane, Fritzell et Jordie Barrett. Les trois étaient absents face aux Bleus, et tous ont été bons à très bons contre le XV d’Irlande. « Les gens oublient parfois qu’on a eu des blessés et qu’on a dû faire quelques changements », rappelle Foster, l’air de dire, « vous nous avez pris pour des peintres, mais on était même pas à 100 %. » Johnny Sexton, grand perdant du soir, croit désormais beaucoup dans ses bourreaux. « Les All Blacks se jugent sur la Coupe du Monde donc on saura ce qu’il en est sur les deux prochaines semaines. Mais c’est clair qu’avec Joe [Schmidt, entraîneur adjoint de la Nouvelle-Zélande], ils ont pas mal progressé. Ils sont sur une pente ascendante. Tout peut arriver désormais. » Y compris gagner une quatrième Coupe du monde ?

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