COUCOUFace au RN, les autres partis ne savent toujours pas sur quel pied danser

Assemblée : Face au RN, les autres partis ne savent toujours pas sur quel pied danser

COUCOULa niche parlementaire du Rassemblement national, ce jeudi, s’annonce comme un condensé de la très grande diversité des attitudes face à l’extrême droite dans l’Hémicycle
Marine Le Pen, présidente du groupe RN à l'Assemblée, aux côtés de Sébastien Chenu, vice-président de l'Assemblée nationale, et Philippe Ballard, député RN.
Marine Le Pen, présidente du groupe RN à l'Assemblée, aux côtés de Sébastien Chenu, vice-président de l'Assemblée nationale, et Philippe Ballard, député RN. - BERTRAND GUAY / AFP / AFP
Rachel Garrat-Valcarcel

Rachel Garrat-Valcarcel

L'essentiel

  • La niche parlementaire du Rassemblement national de ce jeudi est truffée de pièges pour ses adversaires.
  • Pour éviter d’y tomber - sans toujours beaucoup de succès –, les autres partis tirent toujours à hue et à dia.
  • Si bien que chaque camp cultive ses plus ou moins grosses incohérences face au RN.

Depuis que le Rassemblement national a son groupe parlementaire à l’Assemblée, il a droit à sa « niche » : une journée par an où chaque groupe a la main sur l’ordre du jour de la chambre basse, et peut donc tenter de faire passer ses textes et des idées. Ce jeudi, c’est sa deuxième depuis les législatives. La première avait été ratée dans les grandes largeurs, le RN se faisant bananer sur chacun de ses textes. Cette fois-ci, le parti de Marine Le Pen veut mettre en évidence ce qu’il considère être le « sectarisme » de ses adversaires qui, pour beaucoup, ont pour principe de ne jamais voter un texte venu de l’extrême droite, quel qu’il soit. En présentant certaines propositions très consensuelles, il espère briser le « cordon sanitaire » qui le sépare encore de la respectabilité politique visée.

Cet objectif passe cette fois par la présentation d’une proposition de loi sur l’endométriose, qui reprend globalement un vœu porté par Clémentine Autain en janvier 2022, et voté à l’unanimité de l’Assemblée à l’époque : mettre l’endométriose sur la liste des affections longue durée de l’Assurance maladie. Ce qui ne relève d’ailleurs pas de la loi, mais du réglementaire : le gouvernement aurait pu prendre un simple décret depuis longtemps sur le sujet. Cette stratégie du « coucou » (en gros, reprendre les textes d’autres ayant de bonnes chances de passer, à l’instar d’un coucou pondant dans un nid qui n’est pas le sien) trouble le reste de l’Hémicycle qui, globalement, a toujours bien du mal à trouver la bonne stratégie face à un RN. Aussi bien dans la majorité qu’à gauche et à droite, on a bien du mal à savoir sur quel pied danser.

Dans la majorité

La scène est sans précédent : mardi après-midi, plusieurs députés d’Horizons (le parti d’Edouard Philippe) et du MoDem ont applaudi le discours de Marine Le Pen sur l’attaque terroriste du Hamas contre Israël. Quelques heures plus tard, l’état-major de Renaissance s’activait pour bien préciser qu’aucun de ses députés et députées n’avait participé à ses applaudissements. L’illustration que face au Rassemblement national, le parti présidentiel et ses partenaires ne sont pas forcément alignés.

Côté MoDem, on estime qu’il faut « regarder les textes et les étudier », d’après les mots du président du groupe, Jean-Paul Mattei. La vice-présidente de l’Assemblée, Élodie Jacquier-Laforge, va même plus loin : « Les députés RN ont été élus comme nous, ils ont la même légitimité que nous. Je combats leurs idées mais les Français ont choisi. Au groupe, on est d’accord pour dire que l’important, c’est le fond. Si la proposition du RN permet d’accélérer les choses, tant mieux ! » La normalisation vitesse grand V.

Finalement, Horizons et le MoDem ont voté contre la proposition de loi (PPL) endométriose du RN lors de l’examen en commission, considérant qu’il s’agissait d’un recul par rapport à ce qui existe déjà. Mais si cela avait été mieux disant, pourquoi pas ? « C’est une fausse question, rassure Erwan Balanant, député MoDem du Finistère. En fait, ça n’arrive jamais qu’on ait vraiment à se poser la question de voter un texte RN. On le voit bien sur tous leurs amendements, qui révèlent la nature nauséabonde de leur idéologie, quand ce n’est pas simplement fainéant en reprenant les propositions d’autres. »

Chez Renaissance, le vote contre a fini par l’emporter : « Il ne faut jamais rien faire avec le RN. Ils pourraient avoir la meilleure idée du monde qu’il ne faudrait quand même pas la voter », assure un député francilien. Mais certains voulaient éviter « un refus par principe ». Considérant qu’il fallait « répondre sur le fond », l’idée était de profondément réécrire le texte du RN. « Le problème, c’est qu’on tombe dans la coproduction législative avec le RN, et ça ne va pas non plus, explique un tenant de cette position. Le groupe se pose beaucoup de questions sur le sujet. On n’a pas de réponses sur comment faire, mais personne ne l’a ».

A gauche

Concernant la PPL endométriose, les écologistes ont voté contre en commission, et les autres ont oscillé entre cette position et une non-participation. Une non-participation risquée : s’il n’y a pas assez de contre face aux pour, eh bien le texte passera. « Les chances sont tout de même faibles », juge-t-on par exemple chez les communistes. Bref, la question de principe l’emporte.

Cela a été beaucoup plus compliqué sur la remise en cause des vice-présidences de l’Assemblée détenues par le RN. Chaque année en début de session, les postes clés du Palais-Bourbon sont remis en jeu, et les écologistes ont voulu profiter de l’occasion pour évincer les deux vice-présidents d’extrême droite. Mais personne dans la Nupes n’a suivi : chez les socialistes par exemple, on se dit choqué par les deux vice-présidences RN mais… on renvoie la balle vers la majorité, qui a offert ces deux postes aux lepénistes en juin 2022.

« Si la gauche avait présenté des candidats, une partie de la majorité, révulsée par les deux vice-présidences RN, aurait pu voter pour… Ça aurait été la guerre sur tous les postes, on y aurait beaucoup perdu », explique un cadre de la majorité qui le dit à mots couverts : « Merci LFI ! » Car la France insoumise, craignant pour sa propre vice-présidente (Caroline Fiat) mais encore plus pour la présidence de la stratégie commission des finances (Éric Coquerel), était contre tout changement. D’après nos informations, le règlement de comptes à gauche a même été « saignant » en conférence des présidents entre l’insoumise Caroline Fiat et la présidente du groupe écolo, Cyrielle Châtelain.

A droite

Existe-t-il encore un « cordon sanitaire » entre Les Républicains et le Rassemblement national ? « On vote quand c’est utile à l’intérêt des Français, il n’y a pas de cordon sanitaire autour de nos idées », a en tout cas déclaré le 3 octobre le président du groupe de la droite classique, Olivier Marleix. Sous entendu : pas de raison que LR ne vote pas des textes qui correspondent à son programme. Les députés de droite pourraient ainsi soutenir ce jeudi la proposition de loi du RN sur les tests osseux pour les migrants et migrantes mineures isolées (en clair, si un mineur dont on veut vérifier qu’il a bien moins de 18 ans refuse de s’y soumettre, on lui appliquera une « présomption de majorité » et le droit qui va avec). Problème, les tests osseux sont considérés comme non fiables par la plupart des spécialistes, la Ligue des Droits de l’Homme les considérant même anticonstitutionnels.

Cette position ne fait néanmoins pas que des heureux. Notamment parmi les élus réputés plus proches de la majorité, comme Alexandre Vincendet : « Le RN nous tend un piège et nos chefs sautent les pieds joints dedans », déplore l’élu du Rhône dans Libération. Au final, il ne devrait pas réellement y avoir de vote sur ces textes très très droitiers : la majorité et la gauche ont suffisamment de cartes en main pour les torpiller.

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