REPORTAGELa Nupes se fracasse (encore) sur le Hamas

Assemblée nationale : La Nupes se fracasse (encore) sur la question du Hamas

REPORTAGEUne déclaration de la députée LFI Danièle Obono, considérant le Hamas comme un mouvement de résistance, a de nouveau enflammé la coalition de gauche
Les députés LFI Matilde Panot and Arnaud Le Gall en conférence de presse ce mardi.
Les députés LFI Matilde Panot and Arnaud Le Gall en conférence de presse ce mardi. - Jacques Witt/SIPA / SIPA
Thibaut Le Gal

Thibaut Le Gal

L'essentiel

  • Danièle Obono a indiqué ce mardi sur Sud Radio que le Hamas était « un mouvement de résistance, qui se définit comme tel », réfutant une fois encore son caractère « terroriste ».
  • A l’Assemblée, cette déclaration a ébranlé une nouvelle fois la fragile alliance de la Nupes.
  • Au sein même des insoumis, des critiques se font entendre sur l’emprise de Jean-Luc Mélenchon sur la coalition des gauches.

A l’Assemblée nationale,

« Bon, je suppose que vous voulez qu’on parle encore de la Nupes… » Las, le député PS Arthur Delaporte tente une note d’humour, ce mardi matin, au moment de lancer sa conférence de presse. Car chaque semaine, la question de la survie de la coalition de gauche est posée.

Cette fois, c’est Danièle Obono qui a mis le coup de boutoir. Interrogée à plusieurs reprises sur Sud Radio pour savoir si le Hamas était « un mouvement de résistance », la députée insoumise a répondu que « oui », et qu’il « se définit comme tel », réfutant une fois encore son caractère « terroriste », malgré les attaques en Israël il y a dix jours. Suffisant pour relancer les controverses et ébranler un peu plus la fragile alliance concoctée par Jean-Luc Mélenchon au printemps 2022.

« J’enrage »

Comme ils en ont désormais l’habitude, c’est d’abord sur X (ex-Twitter) que les responsables de gauche ont réglé leurs comptes. « Abjecte complaisance ! », a réagi Yannick Jadot, l’ancien candidat écologiste à la présidentielle. « Désormais l’implicite transparent devient explicite révulsant », a abondé le député PS Jérôme Guedj. « La gauche ce n’est pas ça. Le programme de la NUPES ce n’est pas ça. Ces déclarations scandaleuses rendent invisibles et inaudibles nos positions sur le cessez-le-feu, sur le siège de Gaza, la solution à deux États. J’enrage », a pesté le patron du PS, Olivier Faure.

En fin de matinée, Danièle Obono a vite envoyé un communiqué pour tenter d’éteindre l’incendie, sans vraiment changer de ligne. « Assez de manipulations ! J’ai dit que le Hamas était un groupe politique islamiste qui déclare inscrire son action dans la résistance à l’occupation de la Palestine ». En vain. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, annonçait au même moment qu’il saisissait le procureur de la République « pour apologie du terrorisme ». Un peu plus tard, lors des questions au gouvernement, Elisabeth Borne a condamné ces propos : « La justice est saisie, elle tranchera. Pour moi, vous vous excluez du champ républicain ».

« Si Mélenchon aime la gauche, il doit s’effacer »

Dans les travées de l’Assemblée, les alliés socialistes font la grimace, recentrant leurs critiques contre le patron de La France insoumise et son emprise sur la Nupes, suivant la flèche décochée plus tôt par Olivier Faure. « Si Mélenchon aime la gauche, il doit s’effacer et laisser ceux qui sont en responsabilité. Il n’est plus député, qu’il nous laisse construire une alternative », cingle Christine Pires-Beaune, députée et porte-parole du groupe PS, alors que la tension ne cesse de grimper entre les deux partis depuis quelques jours.

« Nous avons des désaccords, nous ne les nions pas. Ce qui s’est passé est intolérable. Il y a eu de la part de Jean-Luc Mélenchon et son entourage des propos inacceptables. Quand on refuse de dire qu’une organisation terroriste est terroriste, ce n’est pas possible », abonde son collègue Arthur Delaporte, confirmant que les élus PS devraient acter un « moratoire » sur leur participation à l’intergroupe. Dimanche, déjà, le parti communiste a voté une résolution constatant l'« impasse » de la Nupes, appelant à en « tourner la page ».

Un peu plus loin, Eric Coquerel s’agace des atermoiements de ses alliés. « Un moratoire, c’est quoi ? C’est une rupture, au moins temporaire non ? », soupire le président insoumis de la Commission des finances. « Derrière les attaques contre Jean-Luc, certains en profitent en réalité pour en finir avec la Nupes, car ils n’ont jamais accepté que la gauche se rassemble sur un programme de rupture ». Même tonalité chez Mathilde Panot : « Le PS est en train de prendre un prétexte pour essayer de rompre sur des questions internationales. Je trouve que c’est indigne ».

Les insoumis font mine d’oublier que les critiques se font aussi entendre au sein de leurs propres rangs. « En décembre dernier, Jean-Luc Mélenchon avait le choix d’aider à faire mieux, comme il nous y avait invités après la présidentielle, ou de nuire. Je dois constater qu’il n’a fait que nuire depuis dix mois », a osé dimanche la députée LFI Raquel Garrido dans le Figaro. Ce tacle – inédit en interne – est-il le signe d’un bouleversement à venir à gauche, ou le énième épisode d’une série qui n’en finit pas ? Jusqu’ici, la Nupes a montré qu’elle était un roseau qui plie, mais ne rompt pas.


Sujets liés