temoignageUne guerre entre Israël et le Liban ? « Ça pourrait éclater sans préavis »

Guerre Hamas-Israël : « Ça pourrait éclater sans aucun préavis »… Waël, Libanais, nous parle de ses craintes

temoignagePour l’heure, le conflit entre Israël et le Hamas ne se répercute que sur le sud du Liban. Mais à Beyrouth, la crainte grandit. « 20 Minutes » a recueilli le témoignage de Waël, professeur dans la capitale
Une évacuation d'une personne touchée par le conflit entre Hezbollah et Israël, dans le sud du Liban.
Une évacuation d'une personne touchée par le conflit entre Hezbollah et Israël, dans le sud du Liban.  - Bilal Hussein/AP/SIPA / SIPA
Jean-Loup Delmas

Jean-Loup Delmas

L'essentiel

  • Au fil des jours, la crainte que le conflit entre Israël et le Hamas n’enflamme tout le Proche-Orient grandit.
  • Premier pays à craindre les secousses de ce conflit, le Liban. Les conflits avec Israël ont déjà émaillé l’histoire du pays, et le Hezbollah échange déjà des tirs à la frontière sud.
  • 20 Minutes a recueilli le témoignage de Waël, professeur à Beyrouth.

De France, on pourrait imager le Liban comme un pays maudit. Une Nation marquée par de multiples guerres, le terrorisme, des crises politiques, une économie ravagée… Ce narratif, Waël*, Libanais de 40 ans, le réfute dans un pragmatisme somme toute classique chez un professeur d’université. « Je n’ai pas l’impression que nous soyons un pays maudit. On subit juste le poids de notre géographie. Sur la scène régionale, à l’exception de certains pays du Golfe qui ont su développer prospérité économique et stabilité politique, qui s’en sort mieux ? Le chaos, les tensions et les conflits sont omniprésents. »

Ici donc, même quand on rejette la malédiction, le pragmatisme se teinte de fatalisme. Et ce n’est pas les combats entre Israël et la bande de Gaza, à la suite de l’attaque du Hamas le 7 octobre sur le territoire de l’Etat Hébreu, qui est de nature à rassurer. Surtout quand le Hezbollah, mouvement islamiste libanais, échange des tirs nourris avec l’armée israélienne à la frontière. Installé à Beyrouth, Waël se trouve loin des conséquences directes de la guerre. « Cela n’a pas un impact direct sur ma vie quotidienne, à part que je suis d’une manière régulière le déroulement du conflit, à Gaza ou dans le sud du Liban. »

« On a jamais vécu en paix. C’est une illusion »

Mais dans un pays où les confrontations avec Israël sont fréquentes, Waël le sait, l’embrasement rôde, même dans la capitale. « Il y a un risque accru de guerre avec Israël. Cela pourrait éclater sans aucun préavis », redoute-t-il. Des proches à lui ont déjà quitté le pays ces derniers jours. Pour le moment, Waël reste.

Dans ce conflit, il y a le cœur – « comme beaucoup de Libanais, je condamne la guerre contre la population civile à Gaza et soutiens le peuple palestinien ». Et la raison – « Comme une bonne partie de la population, je ne souhaite pas que le Liban entre en guerre ». Avec Waël, c’est toujours le principe de réalité qui l’emporte, et celui-ci est limpide : « L’armée israélienne est connue pour sa force destructrice. Il suffit de regarder ce qu’il se passe à Gaza en ce moment. Et durant la guerre de 2006, Israël a lourdement bombardé les infrastructures libanaises ».

Une guerre, ou plutôt des guerres, encore dans toutes les mémoires : « Comme beaucoup des gens de mon âge, on a connu et survécu à plusieurs épisodes de guerre avec Israël, mais aussi à la guerre civile, entre 1975 et 1990. ». C’est le sort du Liban. « On n’a jamais vécu en paix, et dans cette région du monde, cela reste une illusion ». Ni romantisme ou connotation épique dans ses propos. « Ce n’est pas une balade, la guerre est horrible pour tout le monde. »

Le Hezbollah, objet de division au pays

« Je ne suis pas partisan du Hezbollah, reprend Waël. Les Libanais sont divisés vis-à-vis de son rôle dans le jeu politique intérieur, et sur son implication dans les conflits de la région. Une partie de la population a haussé la voix, réclamant la neutralité du Hezbollah vis-à-vis de la guerre à Gaza ». Des forces politiques opposées au Hezbollah ont adopté le slogan suivant : « Solidarité avec Gaza et les Palestiniens mais contre l’extension du conflit au Liban », renseigne Waël. Mais d’autres partis, notamment le Courant patriotique libre, ont déclaré ouvertement leur support à Hezbollah dans le cas d’une guerre éventuelle.

Le Liban, vraiment pas maudit ? « Il est vrai qu’avec la crise économique et l’explosion du port de Beyrouth, en août 2020, les sentiments de déception et de frustration sont forts. Mais le pays a le potentiel de sortir. Plusieurs événements dramatiques ont déjà eu lieu depuis l’indépendance en 1943. A chaque fois, on a réussi toujours à se reconstruire. »

* A la demande de notre interlocuteur, son prénom a été modifié.