RUGBYLe public français va-t-il snober la fin de la Coupe du monde de rugby ?

Coupe du monde de rugby : A quel point le public français se désintéresse-t-il de cette fin de Mondial ?

RUGBYL’élimination du XV de France, dimanche dernier en quart de finale contre l’Afrique du Sud, a incontestablement marqué un énorme coup d’arrêt concernant l’engouement national pour ce Mondial, alors qu’il reste quatre matchs décisifs à disputer
Rideau pour les supporteurs du XV de France sur cette Coupe du monde de rugby 2023 ?
Rideau pour les supporteurs du XV de France sur cette Coupe du monde de rugby 2023 ? - David Winter//SIPA / SIPA
Jérémy Laugier

Jérémy Laugier

L'essentiel

  • Les deux demi-finales de la Coupe du monde de rugby, Argentine – Nouvelle-Zélande et Angleterre – Afrique du Sud, vont respectivement se disputer ce vendredi et samedi (21 heures) au Stade de France.
  • Si ce Mondial en France s’est accompagné d’un énorme engouement jusque-là, l’élimination du pays hôte, dimanche dernier contre les Springboks (28-29), provoque un désintérêt dans l’Hexagone pour les neuf derniers jours/quatre derniers matchs de la compétition.
  • Environ 8.000 places sont notamment apparues depuis dimanche sur la plateforme de revente officielle du site de l’événement pour les demi-finales et le match pour la troisième place.

Matthieu Jalibert semble être le parfait reflet du sentiment qui domine en France depuis dimanche dernier à 23 heures. « Pour moi, cela va être trop dur de voir les équipes qui sont en demi-finales du Mondial, a annoncé le demi d’ouverture des Bleus, mercredi sur RMC Sport. Là, je vais couper avec le rugby et me vider la tête pendant dix ou quinze jours. » Jusqu’au terme de cette Coupe du monde donc, que tout un pays rêvait de remporter à domicile, pour la première fois de son histoire. La cruelle élimination du XV de France, au terme d’un quart de finale épique contre l’Afrique du Sud (28-29), n'est pas sans conséquences sur l’engouement autour de la fin de la compétition.

« Nous avons constaté qu’environ 4.000 billets ont été déposés sur notre plateforme de revente dans la nuit de dimanche à lundi, indiquait cette semaine Jacques Rivoal, président du comité d’organisation France 2023. Mais sitôt déposés, la majorité de ces billets ont été rachetés par d’autres fans. » Pourtant, ce vendredi matin, respectivement 600 et surtout 2.513 billets (de 350 à 550 euros) cherchent encore preneur pour les demies Argentine – Nouvelle-Zélande (ce vendredi) et Angleterre – Afrique du Sud (samedi) au Stade de France. Autant dire que l’enceinte de Saint-Denis devrait être assez loin ce week-end des 79.486 spectateurs ayant vibré pour l’ultime quart de finale de folie. Il faut dire que depuis cinq jours, des milliers de fans irlandais sont rentrés à la maison, et le public français reconnaît bouder l’épilogue de cette Coupe du monde. De même, les deux nations désormais ultra-favorites, la Nouvelle-Zélande et l’Afrique du Sud, ne sont pas accompagnées d’une foule de supporteurs en région parisienne.

« On n’a pas envie de se fader un Argentine-Angleterre »

A 26 ans, Adam fait partie des 2.100 amateurs d’ovalie qui espèrent se voir racheter leur billet du match pour la troisième place, même s’il sera à Paris le 27 octobre : « Plusieurs potes ont eu la même réaction que moi : on n’a pas envie de se fader un Argentine-Angleterre, ça a déjà été le match le plus horrible de la phase de poules ». C’est pourquoi ce Lyonnais croise les doigts pour avoir un acheteur de sa place à 120 euros, afin de se « faire un bon resto » pendant ce temps dans la capitale. Le jour suivant, il honorera par contre son précieux sésame (à 450 euros) pour la finale. « Je me retrouve dans le désintérêt global français depuis dimanche soir mais je vais quand même assister à cet événement que reste une finale de Coupe du monde, précise Adam. Avec mon père, on pensait vivre le match d’une vie, le 12 juillet 1998 du rugby, donc c’est difficile à avaler. Ça n’aura pas du tout la même saveur que si les Bleus en étaient, mais ça sera quand même une belle affiche. »

En attendant, World Rugby a beau se démener côté marketing, en faisant la promotion par mail de « deux rencontres de prestige à ne rater sous aucun prétexte », celles-ci souffriront presque de la concurrence dans le même temps de la programmation de la Ligue 1, avec Nice-Marseille samedi (21 heures), et même Le Havre-Lens ce vendredi soir. L’effervescence provoquée par le choc France-Afrique du Sud, au succès d’audience historique pour un match de rugby en France (16,5 millions de téléspectateurs sur TF1), semble bien loin. Là, ces deux demies perçues comme extrêmement déséquilibrées devraient avoir un chiffre bien inférieur à France-Uruguay (11,7 millions de téléspectateurs), et même au quart Irlande – Nouvelle-Zélande (9,3 millions).

La déception était immense côté français, dimanche soir, comme ici dans un bar à Paris.
La déception était immense côté français, dimanche soir, comme ici dans un bar à Paris. - Thomas Padilla/AP/SIPA

« Des amateurs de rugby ou des supporteurs exclusifs du XV de France ? »

Autre élément symbolique du désintérêt acté en France vis-à-vis de ces neuf derniers jours/quatre derniers matchs de ce Mondial : on a appris jeudi que les dernières principales fan zones fermaient dans tous les sens, à Bordeaux, Nice et Toulouse (la plus grande de l’Hexagone avec près de 200.000 visiteurs accueillis depuis le 8 septembre dans la ville rose). Autres victimes du maudit grattage décisif du deuxième ligne des Springboks Eben Etzebeth : les bars et restaurants ayant misé sur la diffusion des matchs sur écran géant, à Paris comme dans toute la France.

NOTRE DOSSIER SUR LA COUPE DU MONDE DE RUGBY 2023

« On ne va évidemment pas se le cacher : nous sommes dégoûtés d’avoir été éliminés aussi pour des raisons commerciales, glisse ainsi Charles Louette, directeur de The Place to… Wagram, à Paris XVIIe. Autant on était full de chez full avec 140 clients pour France-Afrique du Sud, autant on n’a quasiment pas eu de réservations pour cette fin de semaine. On a des craintes sur l’affluence pour les deux prochains week-ends : a-t-on avant tout en France de grands amateurs de rugby ou des supporteurs exclusifs du XV de France ? » Il n’y a guère de doute sur la réponse, quand on voit à quel point tout tend à faire de ces deux demies un flop d’audience et d’engouement. Enfin, sauf pour les rois du déni, qui jubilent à l’idée de savourer un Crunch samedi soir.


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