énergiePeu chère, pérenne, efficace… Cette plante chauffe un village d’Alsace

Peu chère, pérenne, efficace… Cette plante chauffe un village d’Alsace

énergieDepuis 2011, Amertzwiller, désormais fusionnée avec Bernwiller (Haut-Rhin), a planté du miscanthus. Grâce à la récolte annuelle de ce roseau, de nombreux bâtiments communaux sont chauffés, ainsi que des particuliers. A moindre prix…
Le miscanthus peut atteindre trois mètres. Il se récolte fin mars, début avril.
Le miscanthus peut atteindre trois mètres. Il se récolte fin mars, début avril. - T. Gagnepain / 20 Minutes
Thibaut Gagnepain

Thibaut Gagnepain

L'essentiel

  • En Alsace, un village de 1.200 habitants se chauffe… avec une plante. Le miscanthus.
  • Celle-ci présente de nombreux avantages : elle repousse toute seule, a un haut pouvoir calorifique et est peu onéreuse.
  • De nombreuses autres villes, collectivités etc. sont venues se renseigner pour y venir également.

De longues tiges vertes avec de légers plumeaux aux reflets marrons… Les parcelles de myscanthus ne sont pas difficiles à trouver autour de Bernwiller, dans le Haut-Rhin. Logique, cette commune d’environ 1.200 habitants située à une quinzaine de kilomètres au sud-ouest de Mulhouse a une particularité : elle a été la première en France à se servir de cette graminée rhizomateuse pour… se chauffer !

« A l’origine, on en avait planté en 1993 avec plusieurs agriculteurs du coin pour fixer les sols », retrace Mathieu Ditner, l’ancien maire d’Amertzwiller désormais fusionnée avec le voisin. « En 2008, on a vu une détérioration de la qualité de notre eau au puits de captage. Le taux de nitrate était passé de 20 à 40 mg/l en dix ans… On savait que le miscanthus n’avait pas besoin d’intrants (engrais, pesticides) alors on en a mis sur le bassin de récupération d’eau de pluie. » Soit 27 hectares, financés par le syndicat des eaux.

Mais l’idée de l’utiliser dans la chaudière communale n’est venue que plus tard. « J’avais déjà un peu essayé avec ma propre culture et ça marchait avec un très bon pouvoir calorifique, supérieur de 5 % au bois, précise l’ex-élu. Alors, je l’ai proposé. » Et en 2011, la machine était lancée. Sans que personne ne la regrette aujourd’hui… « Le miscanthus repousse tout seul chaque année et est utilisé en circuit court, c’est parfait », apprécie l’édile actuel, Patrick Baur, entre deux visites de représentants de collectivités, régions, villes, villages etc. Tous venus découvrir cette plante pérenne et peu onéreuse.

« Ça marche nickel »

Car c’est bien là son autre gros avantage, surtout en période d’inflation : son prix. La commune a fixé son achat aux agriculteurs participants à 110 euros la tonne. Ils ne se chargent de rien puisque la récolte, fin mars début avril, est gérée par des prestataires, tout comme le stockage sous deux grands hangars. Au bout de la chaîne, le kilowattheure est aujourd’hui facturé « 0,077 euro » aux habitants. Contre au minimum 0,19 euro celui d’électricité…

« Il faut aussi payer un abonnement », précise Marie, dont la maison construite il y a une douzaine d’années a été reliée au réseau de chaleur de quelque trois kilomètres. « Ça fonctionne du 15 septembre au 15 mai. Jamais je n’ai plus de 100 euros à régler par mois. Au total, on a largement de 1.500 euros de facture annuelle pour environ 120 m². Ça marche nickel, on ne regrette pas du tout. »

Un réseau de chaleur d'environ trois kilomètres a été aménagée et est reliée à la chaufferie de Bernwiller.
Un réseau de chaleur d'environ trois kilomètres a été aménagée et est reliée à la chaufferie de Bernwiller. - T. Gagnepain

Tous les habitants n’ont pas pu en bénéficier. « Seulement ceux qui étaient à proximité de la route principale et ce nouveau lotissement », précise Patrick Baur, également ravi des économies réalisées pour sa commune. Car les écoles maternelle et primaire, la salle des fêtes, l’église, le presbytère y sont reliées. Tous via les deux chaudières, une à l’ancien Amertzwiller et l’autre à Bernwiller. Cette dernière a été aménagée spécialement en 2018 afin de brûler la plus grosse partie des quelque 300 tonnes récoltées.

D’une manière simple : juste à côté, un silo accueille environ cinq tonnes de miscanthus coupé en petits bouts d’environ cinq, six centimètres. Puis les brins sont amenés automatiquement jusqu’au corps de chauffe. « Un ouvrier vient recharger le silo tous les quinze jours, voire moins s’il fait très froid », ajoute le maire en concédant néanmoins un petit défaut à la plante miracle. « Ça fait un peu de poussière, il faut balayer après. »

Patrick Baur avec les tonnes de miscanthus coupées en petits morceaux et stockées sous hangar.
Patrick Baur avec les tonnes de miscanthus coupées en petits morceaux et stockées sous hangar. - T. Gagnepain

Pas de quoi le refroidir… Mieux, il cherche à augmenter la production. « Parfois, en fin de saison, il nous en manque. Ce serait bien qu’on ait une dizaine d’hectares supplémentaires, à raison de 10 à 15 tonnes par hectare. On va faire une réunion en novembre pour voir qui serait disposé à en mettre sur ses terres. » Ce ne sera pas sûrement chez Mathieu Ditner et son fils, Jérémy. Ils ont développé une autre filière pour le miscanthus, utilisé comme paillage horticole. Avant d’être plus tard brûlé ?

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