Ils sont fous ces économistesAstérix tombe dans la potion de l’économix

Astérix tombe dans la potion de l’économix

Ils sont fous ces économistesAlors que le prochain Astérix, « L’iris blanc », sort le 26 octobre, une exposition temporaire vient d’ouvrir à la Cité de l’économie à Paris, autour de l’économie dans les BD de l’irréductible Gaulois
La Cite de l'économie (Citeco) propose une thématique spéciale Astérix et Obélix pendant quelques mois, à compter de ce samedi 21 octobre.
La Cite de l'économie (Citeco) propose une thématique spéciale Astérix et Obélix pendant quelques mois, à compter de ce samedi 21 octobre. - Lionel Urman/SIPA / SIPA
Jean-Loup Delmas

Jean-Loup Delmas

L'essentiel

  • Le saviez-vous ? Astérix et Obélix ne raconte pas juste l’histoire de Gaulois qui pètent la gueule aux Romains, il s’agit d’une œuvre qui aborde les circuits courts, le risque de bulle spéculative, l’urbanisme culturel, la déflation ou l’argent comme lien social.
  • L’économie est une thématique méconnue des albums d’Uderzo et Goscinny que met à l’honneur la Cité de l’économie, à Paris, dans une exposition temporaire qui débute ce samedi 21 octobre.
  • 20 Minutes s’est rendu au vernissage de l’expo voir ce que racontent vraiment les deux moustachus les plus célèbres de Gaule dans le domaine économix.

«Nous sommes en 50 avant Jésus-Christ. Toute la Gaule est occupée par les Romains… Toute ? Non ! Un village peuplé d’irréductibles Gau… » Bon, on ne va pas réciter toute l’intro, parce qu’en 2023 après Jésus-Christ, tout le monde connaît par cœur Astérix et Obélix… Par cœur ? Non ! Un irréductible pan entier des aventures résiste encore et toujours à l’attention des lecteurs : l’économix.

Et pourtant, celle-ci est omniprésente dans les albums de nos deux moustachus préférés, de manière plus ou moins subtile. Impact de la mondialisation dans de nombreux albums, critique de la bureaucratie dans les usines antiques, représentation des syndicats d’esclaves, empire romain représentant l’économie de marché contre le village gaulois autogéré avec seulement deux travailleurs vraiment établis (Ordralfabétix le poissonnier et Cétotaumatix le forgeron), qui passent d’ailleurs leur temps à se disputer et se mettre dessus.

« Astérix et Obélix n’est pas plus un cours d’économie que d’histoire »

Une thématix plus présente qu’on ne le croit donc et qu’a voulu mettre à l’honneur La Cité de l’économie à Paris, dans une exposition temporaire dédiée, débutant ce samedi 21 octobre. Comme avec l’humour de la bande dessiné, où l’enfant se marre des Romains qui voltigent sous les coups d’Obélix lorsque l’adulte rit des jeux de mots cachés et des parallèles avec la société moderne, il existe là encore plusieurs niveaux de lecture. Aux marmots les jeux interactifs, la recherche de la trace d’Idéfix et les notions les plus élémentaires en économie, aux adultes les fiches explicatives plus denses sur le fonctionnement de l’époque.

Les références à l'économie sont plus subtiles qu'il n'y paraît dans les albums d'Astérix et Obélix
Les références à l'économie sont plus subtiles qu'il n'y paraît dans les albums d'Astérix et Obélix - JLD/20 Minutes

Attention toutefois à ne pas prêter aux planches, suffisamment géniales comme ça, des vertus qu’elles n’ont pas. « Astérix et Obélix n’est pas plus un cours d’économie que d’histoire, prévient Didier Pasamonik, historien de la bande dessinée et l’un des superviseurs de l’exposition. Mais une parodie. » Ce n’est donc pas en relisant les albums – ni en visitant cette expo – que vous comprendrez la main invisible d’Adam Smith, que vous revivrez la bataille idéologique du siècle entre John Maynard Keynes et Friedrich Hayek ou que vous saurez différencier déflation et désinflation.

L’économie, thème central de trois albums

Juste des jolis traits d’esprit au cœur de la BD, s’amuse Didier Pasamonik. Par exemple, les plus Jean-Michel-Relou-Réalisme-Historique noteront qu’Ordralfabétix vend du poisson frais en sesterces, un anachronisme puisque la monnaie romaine ne sera universalisée dans la Gaule que deux siècles après les aventures d’Astérix. Mais ce qui compte, c’est surtout « qu’il essaie de vendre du poisson ''frais'' de Lutèce car ça sonne plus chic venant de la capitale alors qu’il habite à quelques kilomètres de la mer bretonne. A croire qu’il ne connaissait pas encore les circuits courts. » Des petites subtilités comme ça, les albums en contiennent plein : « Dans Obélix et Compagnie, Rome finance l’achat de menhirs gaulois, créant une bulle spéculative qui finit par exploser et dévaluer le cours de leur monnaie. »

Les fans les plus avisés le savent, trois albums font de l’économie un thème quasiment central du scénario. Obélix et Compagnie donc, où Caius Saugrenus essaie de corrompre les Gaulois en leur achetant leurs menhirs pour créer des divisions au village. Mais également Astérix et le Chaudron, lorsque le héros est chargé de garder – puis de rembourser – un chaudron rempli d’argent pour payer une dette. Et enfin, l’un des plus connus, Astérix et le Domaine des dieux, où Rome construit une ville moderne à l’orée du village pour l’annexer culturellement.

A bas le grand capitalix ?

Vous remarquerez qu’à chaque fois, l’économie de marché est représentée par les Romains, et utilisée comme une arme pour vaincre les Gaulois et faire plier le village d’irréductibles. Astérix et Obélix serait-elle une œuvre anticapitalix ? « Je ne pense pas que la bande dessinée porte un avis aussi tranché sur la question, tempère Christian Chavagneux, référent économiste de l’exposition. Uderzo et Goscinny ont un regard ironique et critique sur leur société contemporaine, donc dans les années 1960 et 1970, ce qui fait que les albums sont naturellement critiques sur le capitalisme en place à l’époque. »

L'exposition fait la part belle aux explications pour tous les âges.
L'exposition fait la part belle aux explications pour tous les âges. - JLD/20 Minutes

Si l’expert reconnaît que les auteurs sont certes assez critiques sur le progrès, « et ne sont pas fans des Trente Glorieuses », il nuance vite. « Par exemple dans Astérix et le Chaudron, l’argent ne constitue pas seulement une dette, mais crée aussi du lien social, même des liens d’honneur et représente une institution… C’est rare de voir une bande dessinée aborder la question de la monnaie si subtilement. Tout comme l’interventionnisme de l’Etat est parfois salué dans certains albums, et critiqué dans d’autres. »

C’est toute la potion magique du succès d’Astérix : plusieurs niveaux de lectures, avec plusieurs points de vue. « Le but de cette exposition n’est pas de donner une vision monolithique, soutient Christian Chavagneux. Si les visiteurs repartent en se disant que pour chaque sujet économique, Astérix comme la société proposent plusieurs points de vue, c’est une exposition réussie. »

«L’économie selon Astérix »

Exposition du 21 octobre 2023 au 26 février 2024, à la Cité de l’Economie, 1 place du Général-Catroux, 75017 Paris.

Plein tarif : 10 euros ; 18-25 ans : 8 euros ; 6-17 ans : 5 euros ; Pass Cité + : accès inclus ; tarif réduit* : 8 euros. Accès libre pendant les nocturnes, de 19 heures à 22 heures, chaque 1er jeudi du mois.

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