DiplomatieQu’attendre de la visite d’Emmanuel Macron en Israël ?

Guerre Israël – Hamas : Qu’attendre de la visite « ni symbolique ni décisive » d’Emmanuel Macron ?

DiplomatieLe président français répétait jusqu’ici à l’envi qu’il ne se déplacerait que s’il parvenait à « obtenir des éléments utiles »
Guerre Hamas – Israël : Ce qu’il faut retenir de la visite de Macron à Jérusalem
Diane Regny

Diane Regny

L'essentiel

  • Emmanuel Macron est attendu ce mardi à Tel-Aviv, où il doit rencontrer le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou.
  • Le président « va pouvoir mener des entretiens fondamentaux, à la fois pour la région, pour nos ressortissants français, pour les familles des victimes et aussi pour le peuple palestinien », a assuré le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran.
  • Mais qu’attendre de cette visite ? Pourquoi survient-elle si tard ? « 20 Minutes » fait le point pour vous grâce à l’analyse de Frédéric Encel, docteur en géopolitique, maître de conférences à Sciences po Paris et auteur de « Les Voies de la puissance » (édition Odile Jacob).

Il a longtemps hésité. Mais, deux semaines après l’attaque meurtrière du Hamas en Israël, Emmanuel Macron vient finalement grossir le rang des dirigeants mondiaux qui défilent au chevet de l’Etat hébreu. Après le président américain Joe Biden, le chancelier allemand Olaf Scholz ou encore le Premier ministre britannique Rishi Sunak, le chef d’Etat français est attendu à son tour ce mardi à Tel-Aviv. Contrairement à l’Ukraine, où Emmanuel Macron s’était rendu tardivement (ce qui lui avait été âprement reproché), il s’inscrit aujourd’hui dans le temps de ses homologues. Le temps de l’émotion.

Depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre, 1.400 personnes dont de nombreux civils ont été fauchés par les balles ou brûlés vifs par le groupe terroriste en Israël, tandis que 5.000 personnes, majoritairement des civils aussi, sont mortes à Gaza, sous les bombardements d’Israël. Face à ce drame, le président français répétait à l’envi qu’il ne se déplacerait que s’il parvenait à « obtenir des éléments utiles ». Mais cela sera-t-il vraiment le cas ? Que peut-on attendre de cette visite ? 20 Minutes fait le point grâce à l’éclairage de Frédéric Encel, docteur en géopolitique et maître de conférences à Sciences po Paris.

Quel est son agenda ?

« Après la visite de Joe Biden, d’Olaf Scholz, de Rishi Sunak, si le président français ne se rendait pas en Israël, cela pouvait envoyer le message qu’il n’était pas empathique avec Israël, ce qui était impossible au vu des attaques terribles du Hamas et en contradiction avec ses discours », rappelle Frédéric Encel, qui évoque « une visite humaine ». Ambassadeur de l’Hexagone, le président montre par sa présence le soutien de la France à Israël. Emmanuel Macron doit, d’ailleurs, rencontrer le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou ainsi que le président israélien, Isaac Herzog. Il se rendra ensuite à Ramallah, en Cisjordanie, afin de rencontrer le président de l’autorité palestinienne, Mahmoud Abbas.

Dès sa sortie de l’avion, le chef de l’Etat a rencontré des familles françaises endeuillées. Au total, trente ressortissants français ont été tués par le Hamas. « Je rappelle qu’il n’y a jamais eu autant de morts français dans un attentat depuis Nice » en 2016, a souligné Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, interrogé ce lundi sur France 2. « C’est la mission du président de se rendre auprès des proches endeuillés. C’est beau, mais ça ne mènera malheureusement pas à des décisions politiques », note toutefois le maître de conférences.

Mais alors, que peut-on attendre de cette visite ?

Le chef de l’Etat veut relancer un « véritable processus de paix » pour la création d’un Etat palestinien, tout en garantissant la sécurité d’Israël. Toutefois, cette visite n’est « ni symbolique, ni décisive », juge Frédéric Encel. « Même Joe Biden n’a pas réussi à obtenir d’avancée politique, parce que la détermination des Israéliens, après l’ampleur terrifiante de l’attaque du Hamas, est implacable », contextualise le docteur en géopolitique et auteur de Les Voies de la puissance.

Toutefois, « sur le plan humanitaire, Emmanuel Macron peut obtenir des avancées. Peu de pays disposent d’autant de leviers dans la région : la France a d’excellentes relations avec l’Egypte, la Jordanie, les Emirats arabes unis mais aussi Israël ainsi que l’autorité palestinienne », rappelle le docteur en géopolitique. L’Elysée a ainsi précisé ce mardi que le président allait plaider pour une « trêve humanitaire » afin d’acheminer l’aide humanitaire dans Gaza, alors que la bande de terre est sous « blocus total ».

Ce déplacement constitue-t-il un espoir pour les otages français ?

L’Hexagone pleure la mort de trente de ses ressortissants. Toutefois, le sort de sept Français est toujours en suspens. « Nous avons au total sept disparus. La jeune Mia Shem [dont le Hamas a diffusé une vidéo] est la seule dont le statut d’otage est confirmé », a souligné Emmanuel Macron vendredi. Le président souhaite donc également prendre la température sur ce qu’il est possible de mettre en œuvre pour ces otages. « S’il n’était pas venu, on aurait pu lui reprocher de ne pas avoir tout tenté pour les libérer otages », souligne Frédéric Encel.

« Mais je n’imagine pas un seul instant que le président de la République ne soit pas ultra-actif sur ce dossier depuis la perpétration du massacre et la prise des otages ! », ajoute-t-il. Actif ou non, depuis l’attaque du Hamas, seules deux otages, américaines, ont été libérées. Deux jours après la visite de Joe Biden en Israël. Toutefois, « nous n’avons pas la preuve que ce soit en lien. C’est le principe même des négociations d’otages, tout se trame dans les coulisses, rien n’est public », tempère le maître de conférences à Sciences po Paris. Emmanuel Macron « a préféré attendre afin d’être sûr de ramener quelque chose, contrairement aux autres dirigeants européens qui sont venus à titre testimonial. Mais il faudra attendre son retour pour savoir si des choses auront changé » suite à cette visite, conclut Frédéric Encel.