attentatCombien coûtent les évacuations après les alertes à la bombe ?

Alertes à la bombe : Versailles, aéroports… Combien coûtent ces évacuations ?

attentatLes alertes à la bombe se sont multipliées dernièrement, faisant craindre au secteur touristique français un nouvel impact
Le château de Versailles a été évacué sept fois en huit jours
Le château de Versailles a été évacué sept fois en huit jours - Christophe Ena/AP/SIPA / SIPA
Jean-Loup Delmas

Jean-Loup Delmas

L'essentiel

  • Depuis l’attentat d’Arras, les alertes à la bombe se multiplient en France. A chaque fois, il s’agit de canulars. Mais ces très mauvaises blagues entraînent de nombreuses évacuations.
  • Et ça, pour les secteurs concernés, c’est loin d’être gratuit. Aéroports, musée du Louvre, château de Versailles… Ces monuments subissent cette ambiance sécuritaire.
  • Mais alors, une évacuation, combien ça coûte ?

«Le trône de Louis XIV va sauter. A plus. Faites évacuer ». La – fausse – alerte à la bombe au château de Versailles jeudi dernier coûte à son auteur une peine de huit mois de prison avec sursis. La décision vient d’être rendue ce lundi par la justice, mais cela sera-t-il suffisant pour stopper la flambée d’alertes à la bombe qui secoue la France depuis plus d’une semaine ?

Alors que de nombreuses évacuations avaient déjà eu lieu depuis la rentrée dans des établissements scolaires, le vendredi 13 octobre, jour de l’assassinat de Dominique Bernard, professeur de Français, dans un lycée d’Arras, marque un tournant. La France passe alors en alerte « Urgence attentat ». La semaine suivante, 70 alertes à la bombe ont concerné les aéroports français, produisant 45 évacuations. Le château de Versailles, lui, a été évacué une nouvelle fois dimanche pour la septième fois en huit jours. Un sort qu’avait connu le musée du Louvre le week-end précédent.

Entre 100 et 150.000 euros perdus en une journée d’évacuation à Versailles

Pour le moment, il ne s’agit heureusement que de canulars. Mais la facture, elle, commence à grimper. L’avocat du château de Versailles a évoqué ce lundi un préjudice d'« un ordre de grandeur de 100.000 à 150.000 euros » pour la seule journée de jeudi. Des chiffres qui correspondent aux informations données par le service de presse du château de Versailles. Il table sur une fréquentation, à cette période de l’année, de 10.000 à 15.000 visiteurs en temps normal, pour des recettes quotidiennes de billetterie de 170.000 euros.

Néanmoins, le domaine l’assure : un tel calcul n’est pas pertinent, car l’alerte ne dure pas toute la journée, se déclenche la plupart du temps l’après-midi et ne dure que quelques heures. La plupart des touristes évacués reviennent donc le jour même, selon le Château, qui rappelle que les visites non effectuées sont remboursées. Il n’empêche, le maire de Versailles, François de Mazières (LR), a reconnu sur Franceinfo que les visiteurs « hésitent désormais à venir » et que « des conséquences sur la fréquentation » pourraient se faire sentir si les alertes continuaient.

Quelle saison hivernale pour le tourisme français ?

Didier Arino, directeur du cabinet de conseil Protourisme, se veut plus rassurant : « On parle du Louvre et de Versailles, ce sont deux géants aux reins solides. Ils ont surmonté le Covid-19, ce n’est pas quelques alertes à la bombe qui va les couler. » Sandra Hoiban, directrice du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc) et spécialiste du tourisme, s’inquiète pour le secteur du tourisme en général : « Des alertes à la bombe, même en canular, ce n’est pas anodin. Surtout avec la France, où le souvenir des attentats islamistes est récent. »

Méfiance donc que le vent d’hiver ne soit pas pris d’un vent de panique. « Il faudra faire attention à ne pas avoir une vraie perte touristique lors de la saison hivernale à venir. Saison durant laquelle les endroits fermés – donc les plus exposés pour les alertes à la bombe – sont normalement les plus prisés », poursuit la spécialiste. Même crainte chez Didier Arino : « Il faut faire attention à la médiatisation de ces alertes à l’étranger. Pour le moment, l’actualité internationale est beaucoup trop occupée par Gaza, Israël ou l’Ukraine. Mais on a vu, avec les émeutes françaises, comment un focus international pouvait nuire au tourisme. Le problème, ce n’est pas la menace réelle, mais le traitement médiatique autour. »

Un impact très fort pour le secteur aérien

Pour le secteur aérien, l’impact financier est en revanche d’un tout autre type. « Cela se chiffre en millions d’euros », avance Didier Arino. Là encore, compliqué d’avoir un bilan précis. Mais l’impact d’un vol annulé ou déporté est immense. « Prenons un simple avion qui devait se poser à Bordeaux et qui atterrit finalement à Bergerac. Cet avion devait repartir de Bordeaux vers Francfort, puis à Tunis. De quoi impacter sévèrement les coûts et faire dérailler tous les plans. Sans compter ceux qui loupent leur correspondance, ceux qui ne vont plus prendre l’avion durant un temps en se disant que c’est trop risqué… »

Mercredi dernier, rien qu’à Toulouse, 77 vols ont été annulés. Seule « bonne » nouvelle pour les compagnies : les circonstances étant exceptionnelles, elles ne sont pas obligées de rembourser les usagers, prévient Didier Arino. Le directeur de Pro-tourisme se questionne : « A chaque fois, ce sont des canulars. Il va falloir se demander à force si nos principes de précautions ne sont pas trop élevés et s’il ne faut pas attendre plus d’éléments pour faire évacuer monuments et aéroports. Sinon, on donne raison et puissance à ces gens, et on les motive à recommencer. »

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