TENSIONL’Assemblée étale ses divisions sur le conflit au Proche-Orient

Guerre Hamas – Israël : Entre le pire et le meilleur, l’Assemblée étale ses divisions sur le Proche-Orient

TENSIONLe débat organisé ce lundi à l’Assemblée a marqué toutes les fractures qui traversent l’Assemblée nationale sur le conflit israélo-palestinien
Le député Modem des Hauts-de-Seine Jean-Louis Bourlanges.
Le député Modem des Hauts-de-Seine Jean-Louis Bourlanges. - BERTRAND GUAY / AFP / AFP
Rachel Garrat-Valcarcel

Rachel Garrat-Valcarcel

L'essentiel

  • Un débat sans vote était organisé ce lundi à l’Assemblée nationale sur la situation au Proche-Orient.
  • Dans une ambiance parfois délétère, la prise de parole de Jean-Louis Bourlanges, président Modem de la commission des affaires étrangères, a détonné.
  • Brillante, claire et mesurée, l’intervention du centriste a néanmoins marqué toutes les divisions de l’Assemblée sur le conflit israélo-palestinien.

Vu la teneur du débat public français depuis le 7 octobre et les attentats terroristes du Hamas en Israël, on pouvait craindre le pire du débat sans vote organisé ce lundi à l’Assemblée nationale sur la situation au Proche-Orient. Il y a eu le pire : des discours sans nuance pour soutenir la politique du gouvernement israélien, à droite et certains dans la majorité ; il y a eu les lourdes références politiciennes ; il a eu la curée subie par la présidente du groupe insoumis, Mathilde Panot pendant qu’elle réclamait un cessez-le-feu, refusant certes toujours de qualifier le Hamas de terroriste mais estimant que la politique israélienne de colonisation « n’excuse pas » la « terreur déversée » par le Hamas. Sans que la responsable de la police de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, n’y fasse grand-chose.

Alors qu’on ne s’y attendait plus vraiment, après aussi un discours de la Première ministre largement interrompu par des insoumis décidément jamais tentés par le profil bas, il y a eu aussi le meilleur. « Le général de Gaulle disait que quand Maurice Couve de Murville (qui fut son dernier Premier ministre, N.D.L.R.) entrait dans une salle, la température baissait de cinq degrés, cite Jean-Louis Bourlanges. Je crains de devoir m’inscrire, après les flots d’éloquence que j’ai entendus, dans cette tradition. » La seule présence du porte-parole du Modem ce lundi et président de la commission des affaires étrangères à la tribune a en effet imposé le silence jusqu’aux tribunes de la presse.

Discours brillant

Démarrant son discours à la création d’Israël par l’ONU en 1947, Jean-Louis Bourlanges a livré une prestation brillante, toute en mesure, toute en clarté. « Si les mots ont un sens, il est clair que l’agression conduite par le Hamas est à la fois terroriste, constitutive d’un crime de guerre généralisée et adossée à un discours à caractère génocidaire assumé », ça, c’est pour la clarté. « Il faut analyser sans œillères ni préjugés ce qui s’est modifié ces dernières années sur la scène moyen-orientale. Comme l’a très justement dit Monseigneur Vesco, archevêque d’Alger : ''La violence barbare du Hamas est sans excuse mais n’est pas sans cause''. […] Comment dans ces conditions ne pas voir que ce sont aujourd’hui les héritiers idéologiques des assassins de Yitzhak Rabin et d’Anouar el-Sadate qui tiennent ensemble la plume de la tragédie qui s’écrit sous nos yeux ? », ça, c’est pour la mesure.

Peu nombreux sont ceux qui se sont risqués à interrompre le discours du président Bourlanges, à l’exception du député apparenté LR Meyer Habib. Cet élu des Français de l’étranger dans la circonscription qui recouvre Israël est un soutien revendiqué de Benyamin Netanyahou. Pour autant, c’est bien pendant ce discours que toutes les divisions de la représentation nationale – dans tous les blocs ou presque – sont le mieux apparues. Attendu, bien sûr, de s’en prendre à Mathilde Panot, porte-parole ce lundi d’un parti qui enchaîne les polémiques depuis quinze jours, depuis les bancs de la droite et de la majorité. Facile, évidemment, de s’en prendre aux discours univoques venus de la droite quand on est de gauche.

Discours va-t-en-guerre

On a senti une partie de la majorité, même parfois le propre groupe de Jean-Louis Bourlanges, mal à l’aise. En tout cas pas en ligne sur chaque mot du discours, très largement applaudi par la gauche, et notamment par les insoumis, trop contents de voir une personnalité respectable de la majorité parler, comme eux, de « crime de guerre ». Il faut dire qu’on a pu entendre ce lundi après-midi des propos qu’on n’avait pas beaucoup entendus dans les bouches de responsables de la majorité, encore moins de l’exécutif : « Une population sans avenir donc sans espoir pouvait-elle être tentée par des partis modérés qui n’avaient rien à lui offrir ? », a déclaré Bourlanges, en parlant des Palestiniens.

Contrairement aux questions au gouvernement du 10 octobre, la gauche n’était plus la seule à parler de droit international dans la guerre qui oppose Israël au Hamas. Dans des discours bien entendu différents, le Modem, donc, mais aussi Élisabeth Borne, ont tout de même infléchi leur parole en quinze jours. Les discours de Renaissance, à côté, ont pu paraître plus va-t-en-guerre. On a bien senti et bien compris l’émotion sincère de Mathieu Lefèvre, qui revient du voyage en Israël de Yaël Braun-Pivet, quand il parle des lieux des crimes du Hamas. Mais son discours presque univoque donne difficilement corps à la conclusion du député du Val-de-Marne : « Nous ne tomberons jamais dans le piège de la division, amie de la haine. »

En bon centriste « dans tous ses états » Jean-Louis Bourlanges a tenté de mettre tout le monde d’accord pour conclure. « Nous sommes des pavloviens de la discorde, nous ne sommes jamais aussi heureux que quand nous nous écharpons, nous nous opposons. Il n’est pas question d’unanimité entre nous bien sûr. Nous avons tous nos sensibilités. […] Mais l’essentiel, la très grande majorité de cette Assemblée, est d’accord sur des choses assez claires. » Certes, tout le monde est choqué par les attentats du 7 octobre. Certes, l’objectif des deux États semble faire consensus. Certes, il y a la légitime défense. Certes, il y a les conditions inhumaines à Gaza. Mais même dans ces consensus – éventuels – la politique, c’est aussi marquer ses priorités. Lundi après-midi, chacun avait les siennes. À ce titre, le conflit israélo-palestinien désunit, l’Assemblée et les groupes.

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