DérapageA qui la faute si vous plantez votre voiture dans la boue ou la neige ?

A qui la faute si vous plantez votre voiture à cause de la boue, de la neige ou d’un animal ?

DérapageLe plus prudent des automobilistes n’est pas à l’abri d’un accident provoqué par un élément dont il n’est pas maître. Pour autant, ce n’est pas forcément la « faute à pas de chance » si l’on plie son auto en glissant sur une flaque de boue
Lille sous la neige (illustration).
Lille sous la neige (illustration). - M.Libert/20 Minutes / 20 Minutes
Mikaël Libert

Mikaël Libert

L'essentiel

  • Boue, neige, verglas, animaux… Ce sont autant de dangers imprévisibles sur la route pouvant causer des accidents de la circulation.
  • Des causes pour l’automobiliste victime qui lui sont extérieures, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il sera indemnisé facilement.
  • Dans certains cas, notamment celui d’un accident matériel avec un animal sauvage, le préjudice peut ne jamais être indemnisé.

Outre nous déprimer, l’automne apporte aussi son lot de galères sur les routes. Et l’hiver, n’en parlons même pas. Certes, la pluie recharge les nappes phréatiques, et la neige, c’est joli. Mais tout ça, ça glisse. Et que dire des chaussées couvertes de boue après le passage des tracteurs d’agriculteurs en pleins labours ? Sans oublier les bêtes qui traversent sans regarder… Autant de dangers imprévisibles pour l’usager de la route qui se voit bien démuni s’il termine dans fossé à cause de l’un ou l’autre. Démuni ? Pas forcément. On vous explique ça.

Il y a quelques jours, les gendarmes de Flandre intérieure, dans le Nord, mettaient en garde les automobilistes après le signalement d’importantes quantités de boue recouvrant plusieurs routes départementales en sortie de parcelles de maïs, betteraves ou pommes de terre. En cause, les agriculteurs et leurs tracteurs. La gendarmerie affirme que l’agriculteur est « dans l’obligation légale de nettoyer en fin de chantier ». Si ce n’est pas fait et que « cette boue est à l’origine d’un accident, votre responsabilité peut être engagée », préviennent les gendarmes. Pour étayer leur propos, ils s’appuyant sur l’article 1240 du Code civil, lequel stipule que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Article « 1240 » ou loi « Badinter » ?

« De manière générale, en matière d'accidents de la route, on n’applique pas le ''1240'', on applique la loi Badinter, sauf si cette loi ne vient pas apporter de réponse », tient à préciser maître Antoine Régley, avocat spécialiste en droit routier. Pour que ce soit clair, l’avocat prend l’exemple des nids-de-poule : « Les communes ou même l’Etat sont régulièrement attaqués par des motards qui sont tombés à cause d’un nid-de-poule », explique-t-il. « Les administrations sont tenues d’assurer le bon état des routes et l’on peut donc engager leur responsabilité en cas de défaut d’entretien. Est-ce que ça vaut pour l’agriculteur ? », s’interroge-t-il. Dans ce cas, en effet, l’article 1240 semble approprié puisque, selon lui, « on peut tout mettre dedans ».

Mais ce n’est pas gagné pour autant, loin de là. Encore faut-il être capable de prouver que, si l’on a terminé dans le fossé, c’est uniquement à cause de la boue sur la route. « Il faut une faute, un dommage et un lien de causalité. Si l’on ne peut prouver le lien de causalité certain et exclusif entre la faute et le dommage ou entre le fait et le dommage, invoquer le 1240 ne vous empêchera pas de vous faire bananer », insiste maître Régley.

D’aucuns tenteront d’invoquer la « force majeure » pour s’exonérer de responsabilité, notamment s’ils causent un accident à cause de la neige, du verglas ou de tout autre aléa climatique. Sauf que ça ne marche plus. « La force majeure n’est plus exonératoire dans les accidents de la circulation », rappelle l’Association d’aide aux victimes d’accidents de la route (2AV). « Les plaques de verglas ou nappes de brouillard, trop souvent invoquées antérieurement, sont en fait inhérentes aux risques de la circulation et ne représentent donc pas un caractère d’extériorité à l’activité du responsable », ajoute 2AV. « A l’impossible, nul n’est tenu, tempère maître Régley. Si on a un accident à cause d’une cause extérieure qu’on ne pouvait ni prévoir, ni anticiper, évidemment, on ne va pas être tenu pour responsable. »

Autre élément extérieur : les animaux sauvages. Selon une légende urbaine, l’automobiliste n’aurait que ses yeux pour pleurer s’il venait à pulvériser son véhicule en percutant un animal sur une route de campagne. C’est faux, du moins en partie. « Dans le cas d’animaux dont on connaît le propriétaire, c’est à l’assurance responsabilité civile de vous indemniser », explique l’avocat en droit routier. Et si le propriétaire n’est pas assuré, la victime doit se retourner vers le fonds de garantie des victimes (FGAO). Ce fonds prendra aussi en charge l’indemnisation des victimes ayant percuté un animal sauvage, mais uniquement en cas d’accident corporel. Autrement dit, si votre voiture est morte après un choc avec un sanglier et que vous n’êtes heureusement pas blessé, vous en serez sûrement de votre poche.