santéUne approche féministe du cancer pourrait sauver des vies, selon le Lancet

Cancer : Une étude du Lancet montre qu’une approche féministe pourrait sauver plus de femmes

santéDans son étude « Femmes, pouvoir et cancer », la revue médicale britannique met en avant les effets néfastes du patriarcat sur la détection et l’accès aux soins des femmes atteintes de cancer, au niveau mondial
Une femme atteinte d'un cancer
Une femme atteinte d'un cancer - 20 Minutes/Canva / Canva
Elsa Provenzano

Elsa Provenzano

L'essentiel

  • La revue médicale The Lancet a publié, le 27 septembre, une étude qui met au jour que les inégalités de genre pénalisent l’accès des femmes à la prévention et au traitement des cancers.
  • Les politiques de prévention ont par exemple tendance à se concentrer sur les cancers dits féminins (cancers gynécologiques et du sein) tandis que les cancers du poumon et colorectaux sont très fréquents.
  • Si la parité existe en France dans le domaine de la recherche médicale, elle n’est pas forcément synonyme de leaderships pour les femmes.

«Le patriarcat domine les soins, la recherche et l’élaboration des politiques en matière de cancer. Les personnes qui occupent des postes de pouvoir décident de ce qui est priorisé, financé et étudié », écrivent les auteurs de « Femmes pouvoir et cancer » dans une étude du Lancet publiée le 27 septembre 2023 dans la revue médicale britannique qui fait autorité. Un pavé dans la mare lancé par des spécialistes de la prise en charge et de la prévention des cancers, des épidémiologistes, mais aussi des experts du genre, du droit ou de l’économie, après une étude menée dans 185 pays.

« Ne pas restreindre la femme à son appareil génital »

Les enjeux de santé publique sont colossaux à l’échelle internationale. « Parmi les 2,3 millions de femmes qui meurent prématurément d’un cancer chaque année 1,5 million de décès pourraient être évités grâce à des stratégies de prévention primaire (diminution des causes et facteurs de risque) ou de détection précoce, et 800.000 décès supplémentaires pourraient être évités si toutes les femmes dans le monde entier pouvaient accéder à des soins optimaux contre le cancer », peut-on lire dans les principales conclusions de l’étude.

« La commission présente une vision assez nouvelle au sens où elle met en avant que les cancers féminins ne peuvent se limiter aux cancers gynécologiques ou du sein, il y a aussi par exemple, parmi les cancers très fréquents, les cancers du poumon et colorectaux, commente pour 20 Minutes Simone Mathoulin Pelissier, directrice de l’ISPED, Institut de santé publique, d’épidémiologie et de développement de l’Université de Bordeaux. Il faut arrêter de restreindre la femme à son appareil génital. » L’éducation et le fonctionnement de la société tendent à faire que les femmes se sentent moins concernées par certains cancers, et donc se dépistent moins bien.

L’accès à la connaissance, cruciale pour mieux se soigner

En matière de santé aussi, l’information, c’est le pouvoir. « L’accès à l’information doit certainement être revu selon le genre, c’est ce que cette commission explique, rapporte Simone Mathoulin Pelissier. Et je rajoute selon le niveau socio-économique, car il s’agit d’adapter le message au public, et à son éducation. » L’accès aux connaissances en matière de causes des cancers doit être amélioré, selon les rédacteurs de l’étude, notamment à propos de l’exposition aux facteurs professionnels et environnementaux, dont certains d’entre eux sont connus depuis peu de temps.

La commission estime aussi qu’il existe peu d’actions pour mener de la prévention primaire sur les cancers qui touchent les femmes et préconise davantage de recherche sur le sujet. « C’est intéressant, mais en même temps il faut aussi dire que l’on n’a pas grand-chose non plus [en prévention primaire] sur le cancer de la prostate », estime la directrice de L’ISPED.

La parité avance, les leaderships aussi ?

Aujourd’hui en France, il existe une obligation réglementaire de parité dans la recherche, « mais qui ne veut pas dire une obligation de leadership », glisse Simone Mathoulin Pelissier. Pour être leader dans sa profession, il faut par exemple présider une université ou une structure importante. « Il suffit de se balader sur les réseaux sociaux, dans les commissions ou les congrès pour constater qu’on y retrouve souvent peu de femmes », pointe-t-elle. Il reste par exemple plus difficile pour une jeune femme leader dans son domaine d’avoir une vie de famille.

La directrice de l’ISPED salue tout de même des victoires hautement symboliques, comme le fait qu’il y ait plusieurs femmes en France professeures de chirurgie urologique. Un poste qui marque, selon elle, qu’un vrai pas a été franchi.

On peut se demander si certaines femmes, ayant intégré les fonctionnements du patriarcat, ne reproduisent pas les mêmes écueils que leurs collègues masculins quand elles ont des responsabilités. Une vaste question adressée au champ sociologique pour savoir s’il faut transformer les choses de l’intérieur ou si on est forcément prisonnier d’un système qui nous a élevés.