par BelisamaAstérix et le mode de vie à la gauloise sont en péril dans « L’Iris blanc »

« Astérix » : « L’Iris blanc » raconte « comment les gourous nous menacent »

par BelisamaFabCaro et Didier Conrad, scénariste et dessinateur de « L’Iris blanc », ont voulu donner une portée politique au 40e album des aventures d’Astérix et d’Obélix
Obélix ne comprend pas pourquoi le monde change autour de lui dans cette case tirée du 40e album d'Astérix, « L'Iris blanc ».
Obélix ne comprend pas pourquoi le monde change autour de lui dans cette case tirée du 40e album d'Astérix, « L'Iris blanc ». - Hachette Livre - Goscinny-Uderzo - FabCaro-Conrad / Hachette
Benjamin Chapon

Benjamin Chapon

L'essentiel

  • L’Iris blanc est le 40e album d’Astérix, et sort en librairie ce jeudi. Il est signé par le scénariste FabCaro et le dessinateur Didier Conrad.
  • Dans cet album, Astérix et Obélix sont confrontés à un Romain qui cherche à les ramollir avec les préceptes de la pensée positive.
  • Les auteurs ont utilisé la sortie d’Emmanuel Macron sur le « gaulois réfractaire au changement ». Pour Didier Conrad, « un album d’Astérix est toujours politique. On se sert d’une antiquité gauloise qui n’a aucune réalité historique pour parler de notre époque. »

Crise de la quarantième pour le plus célèbre gaulois à moustaches ? Pour sa quarantième aventure en album, Astérix s’offre un détour douloureux vers la philosophie et la psychologie… L’Iris blanc, le nouvel album qui sort ce jeudi – avec toujours les mêmes chiffres ahurissants de tirage et de traductions dans le monde entier –, est cette fois signé FabCaro. Le scénariste supplée provisoirement Jean-Yves Ferri, qui avait écrit les cinq derniers albums d’Astérix, alors que Didier Conrad reste au dessin.

Et pourtant, s’il y a bien un message qui ressort de ce nouvel album au casting chamboulé c’est : « Astérix sera toujours Astérix et, comme lui, il faut savoir s’accepter tel qu’on est. » C’est du moins ce qu’explique FabCaro à 20 Minutes. S’il n’a « pas hésité une seule seconde » avant d’accepter le challenge, et s’il a « travaillé comme d’habitude, sans stress, ni prise de tête », l’auteur de bande dessinée très apprécié par la presse « appréhende un petit peu », au moment de voir son album lu par des millions de fans d’Astérix. « Il y a un petit fond de trouille, je ne vais pas le cacher. »

Le péril extérieur

Sacro-sainte alternance oblige, après l’excellent Astérix et le Griffon qui voyait les Gaulois explorer de lointaines contrées enneigées, cet album devait se dérouler au village gaulois. FabCaro a choisi d’y introduire un nouveau péril en la personne de Vicévertus, médecin chef des armées de César. L’homme, habile parleur formé à la philosophie grecque, prône la pensée positive pour résoudre les conflits. Il espère ainsi ramollir les Gaulois et les faire adhérer à la pax romana.

Bien sûr, tout ne va pas se dérouler comme prévu, la pensée positive et ses formules creuses vont trouver sur leur chemin d’harmonie la sagacité cynique d’Astérix et le pragmatisme cocasse d’Obélix. « C’est un album qui ressemble dans sa structure à La Zizanie, Le Devin ou à Obélix et Compagnie. Un élément perturbateur vient briser l’harmonie du village et les mettre en danger », explique FabCaro. Dans les albums cités par le scénariste, les éléments perturbateurs de l’harmonie du village étaient la calomnie, la superstition et le libéralisme économique. Cette fois, c’est la pensée positive.

Une portée politique

Plus que jamais, Astérix et sa bande apparaissent donc comme des Gaulois réfractaires au changement, selon la formule du Gaulois en chef du moment. D’ailleurs, une autre formule célèbre d’Emmanuel Macron apparaît dans L’Iris blanc, dans la bouche d’un sénateur romain qui se lamente : « On met de sesterces de dingue dans ce village gaulois qui résiste encore et toujours à l’envahisseur. »

« Bien sûr qu’un album d’Astérix est toujours politique, explique d’ailleurs Didier Conrad. On se sert d’une antiquité gauloise qui n’a aucune réalité historique pour parler de notre époque. Goscinny et Uderzo ont inventé ça et ça marche toujours aujourd’hui. » FabCaro, moins à l’aise avec cette portée politique de son œuvre : « Ce n’est pas la pensée positive le problème, c’est l’usage qui en est fait ici par un gourou. Comme dans Le devin, ce sont les gourous qui nous menacent… » Autre point commun avec cet album, Bonemine en est la victime idéale.

« J’aime beaucoup ce personnage, explique FabCaro, Je voulais l’utiliser pour créer un mouvement, une aventure. » Bonemine se fait ainsi embobiner par Vicévertus qui l’emmène à Lutèce pour la faire prisonnière de César. Un Abraracourcix déprimé d’être ainsi délaissé, Astérix et Obélix partent à sa recherche. L’occasion de nouvelles scènes à Lutèce, propice à se moquer des Parisiens d’aujourd’hui. Trottinettes, embouteillages, snobisme… Les bons vieux clichés sont passés à la sauce gauloise. « Ce que j’adore chez Goscinny et Uderzo c’est qu’ils se moquaient sans être méchants, ils rient avec et pas de », explique FabCaro. Là encore, la morale de l’histoire (qui, bien sûr, finit bien) est que le mieux est encore que tout reste à sa place.

Le changement dans la continuité

Ainsi, les Gaulois peuvent retourner à leurs occupations totémiques : taper sur les Romains, se bâfrer de sangliers, se bagarrer et rigoler avec les copains… « Astérix a un âge indéterminé et une longévité exceptionnelle parce qu’il suit la même formule d’album en album, explique FabCaro, qu’on aurait pu espérer plus iconoclaste à l’égard du personnage. Tout ce qui perturbe l’ordre du village est un danger. Je ne sais pas si c’est la même chose pour notre société, et peu importe. Mais en tout cas, ça fait des histoires à raconter. »

Les amateurs d’épisodes d’Astérix remplis d’aventures en seront pour leur frais. L’Iris blanc répond à une autre tradition d’Astérix : les jeux de mots. Mais cette fois, le jeu sur les mots y est le danger. Avec sa faconde et ses sophismes, Vicévertus annihile ce qui fait l’identité gauloise et ce qui fait aussi le sel des aventures d’Astérix : le conflit.

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