FAKE OFFDes survivants des attaques du Hamas visés par une vieille tactique d’intox

Guerre Hamas-Israël : Survivants des attaques du 7 octobre, ils sont visés par une vieille tactique de désinformation

FAKE OFFDeux adolescents, qui ont perdu leurs parents dans l’attaque de leur kibboutz, sont accusés à tort d’être des « acteurs » et leurs témoignages des mises en scène
«  Israël a embauché des acteurs pour simuler de la propagande d'atrocités », lit-on à gauche, dans la vidéo accusatrice qui est relayée sur les réseaux sociaux.
«  Israël a embauché des acteurs pour simuler de la propagande d'atrocités », lit-on à gauche, dans la vidéo accusatrice qui est relayée sur les réseaux sociaux. - Capture d'écran X / 20 Minutes
Mathilde Cousin

Mathilde Cousin

L'essentiel

  • Sur les réseaux sociaux, des internautes accusent des adolescents israéliens qui ont perdu leurs parents dans une attaque du Hamas, le 7 octobre, d’être des « acteurs ».
  • Une vidéo de l’interview de l’un des ados montre sa sœur esquisser un geste qui pourrait ressembler à un sourire fugace, ce qui a suscité des doutes sur la véracité de leur témoignage.
  • D’autres médias se sont entretenus avec d’autres membres de la famille, confirmant les faits relatés par les adolescents.
  • Les accusations de mise en scène sont une stratégie ancienne de désinformation.

C’est une stratégie ancienne de désinformation qui ressurgit sur les réseaux sociaux, cette fois-ci visant des Israéliens. Deux adolescents, survivants d’une attaque dans un kibboutz où ont péri leurs parents, sont accusés sur TikTok, Instagram et X (anciennement Twitter) d’être des « acteurs » et leur témoignage, une mise en scène.

Le 11 octobre, la chaîne américaine ABC News diffuse dans son émission Good Morning America le témoignage de Rotem Mathias, un adolescent israélo-américain âgé de 16 ans, qui raconte la façon dont des membres du Hamas ont fait irruption à son domicile, le 7 octobre.

« Ils ont lancé une grenade ou quelque chose qui a explosé », a-t-il raconté au journaliste d’ABC News, qui l’interviewait depuis son lit d’hôpital. « La dernière chose que mon père a dite, c’est qu’il a perdu son bras et que ma mère est morte sur moi ».

Rotem Mathias, 16 ans, a raconté  à la chaîne ABC News comment ses parents sont morts lors de l'attaque qui a visé leur kibboutz, le 7 octobre. Son témoignage est attaqué en ligne.
Rotem Mathias, 16 ans, a raconté à la chaîne ABC News comment ses parents sont morts lors de l'attaque qui a visé leur kibboutz, le 7 octobre. Son témoignage est attaqué en ligne. - /AP/SIPA

Alors que l’adolescent prononce cette phrase, sa sœur, présente à ses côtés, semble esquisser un très éphémère sourire, puis enfouit son visage dans sa main, se détournant de la caméra. Un geste qui peut aussi être interprété comme un signe de peine. Leur grand-père vient alors caresser les cheveux de la jeune femme.

Cette brève séquence, visible à partir d’1'12'' ici, nourrit depuis les accusations de mise en scène. « Si on en croit la vidéo, des jeunes auraient menti volontairement ! », accuse ainsi le compte Media du peuple sur X, qui s’appuie également sur une autre interview donnée le 12 octobre par Rotem Mathias, ses deux sœurs et leur grand-père à CNN.

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Si tant est que la jeune femme a bien esquissé un bref sourire avant d’enfouir son visage dans ses mains, sourire ou rire peuvent être des mécanismes de réponse à un traumatisme, ont noté nos confrères de Politifact, qui ont vérifié des accusations similaires visant une interview réalisée par CNN.

ABC News, qui est une chaîne réputée, n’est pas le seul média qui a interrogé des membres de la famille sur l’attaque du 7 octobre. L’agence de presse AP a recueilli le témoignage de l’oncle des deux adolescents, Eran Shani. Selon AP, l’épouse d’Eran Shani, « une psychothérapeute, a essayé de calmer Rotem pendant "plusieurs heures avant que les soldats n’arrivent. Il saignait. Il a désespéré plusieurs fois. Il ne savait pas s’il allait survivre ou non". » Une chaîne locale du Missouri, aux Etats-Unis, où était née la mère de famille, a parlé à l’autre grand-père des enfants, qui a confirmé les faits.

La veille de la parution de l’interview vidéo réalisée par ABC News, le site d’information israélien Ynet a quant à lui fait part de la mort du couple et publié des hommages aux parents, Schlomi Mathias et Debbie Shahar. Six jours plus tard, le 17 octobre, Ynet a diffusé une photo des obsèques du couple.

Ces accusations de mise en scène et de recours à des acteurs sont des stratégies anciennes de désinformation : au plus fort du conflit en Syrie, les casques blancs, une organisation de sauveteurs civils, avaient déjà été accusés sans fondement de recourir à ce procédé. Plus récemment, ce sont des images d’un tournage d’un film en Angleterre ou d’une série en Ukraine qui ont été détournées, pour laisser croire à des mises en scène orchestrées par les Ukrainiens.