rugbyFins stratèges ou chiants à mourir, choisissez votre camp après le succès des Boks

Nouvelle-Zélande – Afrique du Sud : Fins stratèges ou chiants à mourir, choisissez votre camp après le succès des Boks

rugbyLe style de jeu minimaliste des Sprinboks a un côté frustrant pour le public, surtout quand il lui permet de remporter la Coupe du monde après un troisième match d’affilée gagné d’un point
Le jeu au pied de Handré Pollard, symbole d'une stratégie minimaliste mais efficace de l'Afrique du Sud.
Le jeu au pied de Handré Pollard, symbole d'une stratégie minimaliste mais efficace de l'Afrique du Sud. - Christophe Ena/AP/SIPA / SIPA
Nicolas Camus

Nicolas Camus

L'essentiel

  • L’Afrique du Sud a battu la Nouvelle-Zélande samedi soir lors de la finale de la Coupe du monde disputée au Stade de France.
  • Comme en quarts face à la France et en demi-finale contre l’Angleterre, les Sprinboks se sont imposés par un point d’écart, après avoir offert un spectacle très relatif.
  • Alors, est-ce qu’on préfère mettre en avant leur nouveau chef-d’œuvre défensif ou dire qu’ils ne font pas de très beaux champions du monde ? Nous on a choisi, mais on vous laisse décider par vous-mêmes.

Au Stade de France,

C’est peut-être parce que ce sont eux qui ont sorti nos petits Bleus et qu’on ne s’en est pas encore vraiment remis, qu’on est jaloux de ces matchs qui ont toujours tourné pour eux ou qu’on n’est pas assez connaisseurs du rugby pour apprécier à sa juste valeur leur science tactique mise au service d’une défense de fer. Ou un peu des trois à la fois, sûrement. En tout cas, on a un peu de mal ce dimanche matin à s’extasier devant la victoire finale des Sud-Africains, sacrés rois du monde au terme d’une finale commencée par un long bâillement avant de se terminer avec autant d’oxygène qu’en haut du Mont-Blanc. D’autres ne seront pas de cet avis et loueront la ténacité des hommes du duo Nienaber-Erasmus.

Comme en quarts contre la France (29-28) puis en demi-finale face à l’Angleterre (16-15), les Springboks l’ont emporté d’un point. Un tout petit rien qui montre à la fois un parcours au bord du précipice et un certain savoir-faire. « Rassie [Earsmus] a dit il y a quelques semaines que c’est le signe d’une très bonne équipe que de gagner les matchs que l’on n’est pas censé gagner, raconte le deuxième-ligne Jean Kleyn. Je pense que nous l’avons mérité aujourd’hui [samedi], que nous l’avons mérité aussi en quart de finale. La confiance en l’équipe est immense et nous n’avons jamais cru que nous allions perdre ce match. »

Les éléments étaient du côté sud-africain samedi soir, une fois de plus, entre la pluie qui sied mieux à leur jeu d’occupation et de baston qu’aux intentions néo-zélandaises, les interprétations de l’arbitre Wayne Barnes et ses acolytes dans la cabine vidéo (on y reviendra dans un autre papier), et la maladresse de l’adversaire face aux perches – comme contre les Bleus. Ils n’y sont pour rien si Mo’Unga (59e) et Jordie Barrett (74e) ont raté les deux coups de pied qui auraient pu faire passer les All Blacks devant, c’est juste comme ça que ça s’est passé. L’occasion de souligner, quand même, que les Néo-Zélandais ont eu la gagne au bout du pied, eux, et qu’ils peuvent donc avant tout s’en prendre à eux-mêmes.

148 courses contre 83, 217 passes contre 83, et pourtant…

Les regrets sont immenses pour eux, car ils avaient réussi à revenir dans un match qu’on pensait plié à cinq minutes de la pause, quand Pollard a mis la pénalité du 12-3 et qu’on apprenait dans la foulée que Cane ne reviendrait pas sur la pelouse, expulsé définitivement par le bunker pour son coup d’épaule dans la tête de Kriel. Mais plutôt que de les achever, ce coup dur a sonné comme un coup de fouet pour les Blacks, qui après être revenus à six points juste avant la pause ont envoyé du jeu à chaque coin du terrain au retour des vestiaires. « Ce carton rouge nous a renforcés, estime le centre Rieko Ioane. Quand Sam est sorti, on n’a pas tremblé, on s’est soudés. »

C’est l’heure du petit point stats, pour se rendre compte de la différence de contenu entre les deux équipes au terme de la rencontre : les All Blacks, ce sont 148 courses contre 83, 66 franchissements de la ligne d’avantage contre 35, 217 passes contre 83 (!!), 36 défenseurs battus contre 13, 115 rucks gagnés contre 56… Evidemment, de l’autre côté du spectre, les Sud-Africains affichent des données défensives monumentales, avec notamment 172 plaquages réussis (dont 28 pour le seul Du Toit, désigné homme du match et qui « chasserait même un sac plastique qui arriverait sur le terrain » selon le bon mot de son sélectionneur) et sept turnovers gagnés.

Pieter-Steph du Toit, l'homme qui plaque tout ce qui bouge et qui n'est pas vert sur un terrain.
Pieter-Steph du Toit, l'homme qui plaque tout ce qui bouge et qui n'est pas vert sur un terrain.  - Pavel Golovkin/AP/SIPA

« Ce serait mentir de dire qu’on a eu toutes les meilleures occasions, mais on a fait tout ce qu’on pouvait pour se donner les chances de gagner », estime le coach néo-zélandais, Ian Foster. Depuis le banc où il était cloué, Sam Cane, lui, n’a pu qu’assister impuissant à la vaine révolte des siens. « Je suis dégoûté, déçu, surtout pour mes coéquipiers. Ils ont fait preuve d’un courage incroyable. C’est vraiment dur. »

Si l’Afrique du Sud est sortie vainqueur, c’est d’abord parce qu’elle a consciencieusement enquillé les points quand le vent était favorable, c’est-à-dire dans les 35 premières minutes. Pas une pénaltouche tentée après les coups de sifflet de l’arbitre, même quand il aurait été facile de venir jouer à 5 mètres de la ligne adverse, elle a tout laissé au pied de Handré Pollard. Alors c’est pas sexy, bien sûr, mais ça rapporte gros.

« Ils ont cette capacité à jouer le match à leur rythme »

Elle a également su s’adapter à la sortie sur blessure de son seul talonneur de métier, Nbonambi, dès la 5e. C’est Deon Fourie, 37 ans et troisième ligne de son état, qui s’y est collé, avec un certain succès. De manière générale, c’est toute l’équipe qui encore une fois s’est mise au turbin, à commencer par ses dragsters Kolbe, Arendse et Willemse, qui pourraient avoir d’autres velléités que s’esquinter au plaquage et dans les rucks mais qui y foncent tête baissée.

« L’essentiel, c’est que c’est une vraie équipe, salue le chef d’orchestre Jacques Nienaber. Ils avaient déjà participé à une finale de Coupe du monde. Ils s’en sont sortis à l’expérience. Ce sont tous des guerriers. » Son homologue néo-zélandais ne peut qu’approuver, après s’être heurté à une colonne de blindés pendant 80 minutes. « Ils sont forts, expérimentés, ils connaissent et maîtrisent leur jeu, détaille Foster. Ils ont appris comment combattre et ont cette capacité à jouer le match à leur rythme. »

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Alors c’est énervant pour les adversaires, frustrant pour le public, qui avait clairement choisi son camp samedi soir, mais c’est comme ça et du côté des Sud-Africains, cela rend ce succès encore plus beau. Cette équipe a ça dans le sang, c’est ce qu’elle est et elle n’entend pas gagner autrement. On a le droit de ne pas aimer, et pour notre part on ne s’en prive pas, mais il faut parfois s’incliner. Il y a bien un jour où on les aura.

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