EmboucannageÉconomie, culture, transports… Ces « chicayas » toujours en cours à Marseille

Marseille : Économie, culture, transports… Ces « chicayas » toujours en cours

EmboucannageDeux ans après l’invitation d’Emmanuel Macron à mettre fin aux querelles internes, le torchon brûle toujours entre les différents responsables politiques du territoire marseillais, entravant parfois l’action publique
Économie, transport, culture, à Marseille les « chicayas » entre responsables politiques sont sans frontière.
Économie, transport, culture, à Marseille les « chicayas » entre responsables politiques sont sans frontière. - Ludovic MARIN/AFP / AFP
Alexandre Vella

Alexandre Vella

L'essentiel

  • A Marseille, cohabitent sur le même territoire deux majorités politiques qui peinent à s’accorder.
  • Lors du lancement du plan « Marseille en grand » en septembre 2021, Emmanuel Macron avait pourtant averti : « Si, toujours, l’action publique est divisée, et les chicayas locaux bloquent l’avancée, ces milliards n’arrivent jamais ! ».
  • Deux ans plus tard, force est de constater que les chacayas ne se sont pas interrompus, loin de là.

Il suffit d’une revue d’actualité matinale pour s’en convaincre : A Marseille, les « chicayas (plaintes, lamentations, conflits) locaux », qu’Emmanuel Macron appelait de ses vœux à mettre de côté pour le bien de son plan « Marseille en grand », ne sont jamais bien loin. « Bloqué depuis de nombreux mois en raison des divergences entre la ville de Marseille (DVG) et la Métropole (DVD), le projet Minopolis (de 600 millions d’euros) pourrait enfin débuter », explique ce mercredi le magazine Challenges au sujet du marché de gros des Arnavaux.

Le même jour, La Provence se fait l’écho dans une brève que Renaud Muselier (Renaissance), président de la région Paca, défend son près carré de compétence économique face à une municipalité marchant sur ses plates-bandes. Une poignée de jours plus tôt, Marsactu titrait : « Le conseil municipal rejoue pour la énième fois les ''chicayas'' de la politique locale ». Ce vendredi, ce sont dans nos colonnes que l’on pouvait lire que l’Après-M, ce fast-food social et solidaire soutenu par la mairie de Marseille, ne le serait pas par la région, pourtant compétente au registre de l’économie sociale et solidaire. Alors Chicayas partout, concorde nulle part ? Un peu plus de deux ans après les propos du président de la République, 20 Minutes revient sur trois « chicayeries » caractéristiques.

L’indemnisation des commerçants après les émeutes attaquée en justice

Celle-ci n’est peut-être pas la plus connue des chicayeries mais elle se montre diablement efficace en matière d'entrave à l’action publique. Dès le lendemain des émeutes consécutives à la mort de Nahel, durant lesquelles près de 400 commerces avaient été dégradés à Marseille, la mairie indique débloquer une enveloppe de deux millions d’euros pour aider les commerçants à reconstituer leurs vitrines. Le lendemain, la région et la métropole, compétentes en matière de question économique, annoncent via la CCI, une aide exceptionnelle de 10 millions d’euros. Voilà donc qui fait 12 millions, de quoi satisfaire tout le monde ?

Et bien, non ! Marcher sur les plates-bandes de rivaux politiques ne peut visiblement rester impuni et la vengeance et un plat qui se mange froid, sait-on du côté des politiques. La région de Renaud Muselier a donc patiemment attendu le 31 août, et près de 650.000 euros de dépenses déjà effectuées par la mairie (pour lesquelles elle pourrait être sanctionnée) pour attaquer cette indemnisation en justice. Comble de la chicayerie : si la région a précisé à Marsactu que « ce type de recours assez systématique de notre part lorsqu’une collectivité usurpe une compétence », elle ajoute « si la mairie de Marseille avait fait les choses dans les règles et demandé notre aval – qu’on aurait accordé de bon cœur – il n’y aurait pas eu de problème ».

La guerre des transports

Ah, les transports à Marseille. Leur développement vers le nord et l’est de la ville était d’ailleurs l’une des promesses du plan Marseille en grand, pour ne pas écrire LA promesse. Depuis cette annonce phare du lancement du plan « Marseille en grand » en septembre 2021, ce sujet semble être depuis une source intarissable de chicayas. « Le tram aux Catalans, c’est la chose la plus bête que j’ai entendue (…) Moi, je l’empêcherais. J’utiliserais tous mes pouvoirs de police. Il n’y aura pas de tramway aux Catalans tant que le tramway vers le nord ne sera pas lancé », clamait Benoît Payan dans une interview à 20 Minutes en juin 2022.

Et peut-être que le maire de Marseille a remporté cette manche. En février dernier, les premiers rails du nouveau tramway en direction des quartiers nord étaient posés. Mais pas de quoi arrêter le match, la politique est un sport de combat. Lors du dernier conseil municipal, le maire de Marseille en remettait une couche au détour d’une discussion sur la fermeture des métros en soirée, expliquant que le GIP (Groupement d’intérêts publique) dévolue à la construction de ces infrastructures ne se réunissait plus : « L’État ne veut plus financer ce qu’il avait promis, parce que les 200 millions d’euros d’investissement étaient indexés à la construction de transports dans les quartiers Nord ». Et de se faire renvoyer dans les cordes par Sabrina Roubache, députée marseillaise Renaissance et ministre de la Ville, notamment en charge du plan « Marseille en grand » : « Le GIP Transports est une réunion de travail qui n’a strictement rien à voir avec la subvention. La subvention de 500 millions d’euros est déjà accordée par le président de la République », détaillait la ministre auprès du site Gomet. On ne peut pas gagner à tous les rounds.

Et quand Macron s’y met

Pour le coup, même Emmanuel Macron, LE pourfendeur des « chicayas », a mis le pied dans le marigot marseillais. Le temps d’une rencontre avec Nicolas Pagnol en juin dernier, en pleine polémique – très locale – sur le château de la Buzine. La mairie de Marseille veut en reprendre la gestion, au grand dam du petit-fils de Marcel Pagnol, qui présidait jusqu’alors l’association délégataire du site. La droite locale s’enflamme sur le thème de la défense de la culture provençale. Le vote au département d’une motion de soutien à l’association de Nicolas Pagnol créée un incident de séance, avec une gauche marseillaise qui quitte l’hémicycle.

Sur Twitter (alors pas encore X), la présidente du conseil départemental Martine Vassal se félicite « qu’au même moment aujourd’hui département et région » votent une telle motion. La visite d’Emmanuel Macron débute quelques jours après, sous le signe d’une certaine tension avec le maire Benoît Payan, que le chef de l’État voudrait voir plus redevable du plan « Marseille en grand ». La droite locale souffle au président cette idée poil à gratter de rencontre avec Nicolas Pagnol. Sur le fond, cela ne change rien à la destinée du « château de ma mère ». Mais l’affaire illustre combien la culture n’est pas à l’abri non plus des « chicayas ».

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