majoritePourquoi l’article 3 du projet de loi immigration sème la zizanie ?

Projet de loi immigration : Pourquoi l’article 3 (sur les métiers en tension) est au cœur des débats

majoriteAlors que le texte immigration arrive lundi prochain au Sénat, la régularisation des travailleurs immigrés dans les métiers en tension continue de faire débat à droite et dans la majorité
Elisabeth Borne et Gerald Darmanin sont-ils en phase sur le projet de loi sur l'immigration ?
Elisabeth Borne et Gerald Darmanin sont-ils en phase sur le projet de loi sur l'immigration ?  - Victor Joly-Pool / SIPA
Thibaut Le Gal

Thibaut Le Gal

L'essentiel

  • Le projet de loi immigration du gouvernement arrive en séance publique du Sénat lundi prochain, avant son examen à l’Assemblée nationale en décembre.
  • Faute de majorité absolue à l’Assemblée, le gouvernement espère bien trouver des alliés chez Les Républicains pour faire passer son texte.
  • Mais l’article 3, qui vise à régulariser les travailleurs sans papier dans les métiers en tension, est une ligne rouge pour la droite.

Une fois encore, la Macronie sort la calculette. Plusieurs fois repoussé, le projet de loi immigration sera débattu au Sénat lundi prochain, avant son examen à l’Assemblée nationale en décembre. Mais le gouvernement n’apparaît pas plus avancé que ces derniers mois.

Faute de majorité absolue au Palais Bourbon, l’exécutif aura besoin de voix hors de ses propres rangs pour le faire adopter. Or, Les Républicains ont déjà tracé une ligne rouge : l’article 3, dont ils ne veulent pas entendre parler. De quoi s’agit-il ? Et pourquoi suscite-t-il des remous au sein du camp présidentiel ? On fait le point.

L’article 3, quèsaco ?

Dès le début du quinquennat, l’exécutif insistait sur le nécessaire « équilibre » du futur projet de loi, à travers deux volets : un durcissement sur les expulsions des délinquants étrangers et la régularisation des travailleurs immigrés dans les métiers en tension. Cette dernière idée s’est concrétisée dans l’article 3 du texte, qui préconise de délivrer une carte de séjour temporaire d’un an aux étrangers sans papier, « à titre expérimental » jusqu’au 31 décembre 2026. Pour l’obtenir, ces derniers devront notamment justifier d’un travail pendant au moins huit mois dans les secteurs touchés par des « difficultés de recrutement », comme le BTP, la restauration ou l’hôtellerie.

« Les élus LR, quand ils vont en circonscription, se rendent bien compte que le boulanger a besoin de légaliser la situation d’une personne qui travaille chez lui depuis des années », souffle Mathieu Lefèvre, député Renaissance. « C’est une mesure pragmatique, qui ne concerne que quelques milliers de personnes. Ne pas voter le texte pour cette raison serait injustifiable », ajoute l’élu du Val-de-Marne.

Pourquoi la mesure fait-elle hurler la droite ?

Très offensifs sur la question migratoire ces derniers mois, les ténors de la droite continuent pourtant de cibler cette proposition. A l’image de Bruno Retailleau. « C’est un appel d’air que nous ne pouvons pas accepter : si demain, les clandestins qui travaillent sont régularisés, alors il y aura fatalement plus de candidats à l’immigration clandestine ! », défend le patron LR du Sénat dans un entretien au Point. « Gérald Darmanin fera plus de régularisations que la gauche n’en a jamais faites : en 1981, c’était 130.000 régularisations, il battra ce record ! », a abondé Olivier Marleix, patron des députés LR, dans le Parisien. La droite répète donc qu’elle ne votera pas le texte si la mesure n’est pas retirée.

Pourquoi le gouvernement y est attaché ?

Le bras-de-fer semble engagé, car Gérald Darmanin a confirmé ce lundi que l’article 3 serait maintenu, par souci « d’équilibre » pour l’ensemble du texte. Mais aussi pour préserver ses troupes. « Sur l’immigration, ce n’est pas LR le problème. Nous, on a posé nos mesures sur la table », dit Pierre-Henri Dumont, député LR du Pas-de-Calais. « Le problème, ce sont leurs divisions internes. Le gouvernement sait qu’en sortant l’article 3, ils perdront la majorité dans leurs rangs ».

Au sein de « l’aile gauche » de Renaissance, une soixantaine d’élus a fait du maintien de cet article 3 une priorité, sous la houlette de Sacha Houlié, le président de la commission des Lois. Pour ne rien arranger, d’autres membres macronistes ne l’entendent pas de cette oreille. Ce dimanche, la vice-présidente de l’Assemblée Naïma Moutchou (Horizons) a torpillé la fameuse mesure, y voyant « une forme d’encouragement à l’immigration clandestine » dans un entretien au Figaro. De quoi compliquer la tâche du gouvernement…

Une circulaire pour solution ?

Depuis plusieurs semaines, l’hypothèse prend de l’ampleur. Le gouvernement pourrait extraire l’article 3 du projet de loi pour mieux glisser les dispositions relatives aux métiers en tension dans une circulaire, laissant donc soin aux préfets de trancher les futures régularisations. « Il ne faut pas être fétichiste du vecteur législatif. La circulaire ne serait pas absurde, compte tenu du fait que les métiers en tension ne sont pas les mêmes d’une région à l’autre », assure Mathieu Lefèvre, proche de Gérald Darmanin.

Satisfaisant pour la droite ? Un cadre du camp présidentiel soupire : « On ne va pas refaire la danse du ventre à LR. C’est ce qu’on a fait sur les retraites, ils ont tout obtenu pour, au final, nous la faire à l’envers… »