LOGEMENTPourquoi trouver un appart à louer est devenu une galère à Marseille

Marseille : Pourquoi trouver un appart à louer est devenu une galère

LOGEMENTConfrontés à une rare tension sur le marché locatif, les Marseillais peinent à se loger, au point que la question inquiète les responsables politiques de la ville
A Marseille, le nombre de locations touristiques à courte durée type Airbnb pèsent sur le marché locatif selon la mairie
A Marseille, le nombre de locations touristiques à courte durée type Airbnb pèsent sur le marché locatif selon la mairie  - Caro / Muhs /SIPA / SIPA
Mathilde Ceilles

Mathilde Ceilles

L'essentiel

  • Dans la deuxième ville de France, particulièrement pauvre, le manque de logements sociaux pèse sur le marché locatif.
  • Les logements touristiques de courte durée type Airbnb sont aussi dans le viseur de la mairie.
  • Résultat de cette tension : des loyers à la hausse.

Il suffit de faire un rapide tour sur les sites de petites annonces immobilières pour s’en rendre compte. A Marseille, trouver un appartement à la location relève aujourd’hui parfois du parcours du combattant. Mais comment diable en est-on arrivé à une telle galère ? Comment expliquer cette situation dans la deuxième ville de France ? 20 Minutes fait le point au lendemain des rendez-vous annuels du logement organisés par la ville de Marseille

Les logements Airbnb à la barre

Depuis plusieurs mois, la ville de Marseille a les locations touristiques de courte durée dans le viseur. La raison ? Selon la municipalité, ces logements réduisent le nombre de locations disponibles sur le marché classique déjà tendu. « En 2022, alors que la production à Marseille de logements est de l’ordre de 3.000, on a décompté 1.500 logements qui ont disparu pour devenir des résidences de tourisme, rapporte Patrick Amico, adjoint au maire en charge du logement. Nous avons déjà beaucoup travaillé là-dessus. Aujourd’hui, nous refusons 85 % des demandes de changement d’usage. Quand nous arrivions, près de 95 % étaient acceptées. »

S’il est difficile à quantifier avec précision, le phénomène peut s’appréhender au regard de la hausse significative de locations meublées sur le marché aujourd’hui. Selon la dernière étude de l’Observatoire local des loyers, le parc locatif meublé a augmenté de 50 % entre 2009 et 2019 dans la métropole d’Aix-Marseille Provence, passant de 23.200 à 32.200 logements, dont 80 % se concentrent uniquement sur Marseille et Aix-en-Provence. « Il se pose une véritable question sur l’impact des Airbnb sur les logements disponibles », confirme Camille Febvre, responsable de cet observatoire.

Un manque de logements sociaux dans une ville pauvre

Marseille a une particularité qui la distingue des grandes métropoles françaises : c’est une ville pauvre. Selon l’Observatoire local des loyers, le niveau de vie des locataires du parc privé au sein de la métropole d’Aix-Marseille est de 18.260 €, soit en dessous de la moyenne nationale qui plafonne à 19.070 €. Or, l’offre de logements sociaux dans la deuxième ville de France est bien inférieure à la demande. Selon des statistiques de la Fondation Abbé-Pierre, les demandes en logements sociaux dans les Bouches-du-Rhône sont en hausse de 18 %. « On est passé entre 2020 et 2023 de 39.500 demandes à 48.000 enregistrées, rappelle Patrick Amico. Ce besoin explose. »

Le hic : de plus en plus de demandes se retrouvent déboutées, tandis que le taux de rotation est inférieur à 5 %. « Le nombre d’attributions a continuellement baissé pour se situer à moins de 10.000 dans les Bouches-du-Rhône alors qu’il était de l’ordre de 12.000 en 2017, s’est alarmé le préfet délégué à l’égalité des chances Michaël Sibilleau lors des rendez-vous annuels du logement de Marseille. On compte désormais 8 demandes insatisfaites pour un logement attribué. Ce chiffre doit nous interpeller. » Face à cette demande, la construction de nouveaux logements sociaux devient urgente, mais tarde à se concrétiser. En mai dernier, le journal La Marseillaise révélait que le préfet de région avait même engagé auprès de la ville de Marseille une procédure de constat de carence face aux manques de construction de logements sociaux. Le représentant de l’Etat déplorait ainsi qu’entre 2020 et 2022, seuls 38,2 % des objectifs de constructions de logements sociaux avaient été atteints par la municipalité.

« Il faut produire », a interpellé à la tribune le vice-président de la métropole délégué au logement David Ytier. « Je n’ai pas une baguette magique, tempère Patrick Amico. Une opération de logement social prend entre trois et cinq ans. La ville de Marseille a dû gérer une situation qui lui est tombée dessus quand elle est arrivée aux manettes. Ça n’avancera pas en quelques mois. Il nous fauda beaucoup de temps. Cette année, nous enregistrons entre 1.000 et 1.200 agréments de logements sociaux contre 650 en 2020. On est vraiment sur la bonne pente. »

Un marché contraint

Marseille a beau parfois donner l’impression d’être un Etat dans l’Etat, elle n’en demeure pas moins en matière économique perméable à la conjoncture économique nationale, particulièrement sur le front de l’immobilier. A commencer par la hausse des taux d’intérêt, qui rend l’achat d’un appartement beaucoup plus difficile, d’autant plus que la deuxième ville de France se trouve dans une situation singulière. « Marseille résiste encore plus que les autres villes de France au niveau des prix de l’immobilier », qui restent élevé, note Thierry Moallic, directeur de l’Adil dans les Bouches-du-Rhône.

Le résultat ? Déjà privés de logements sociaux, les Marseillais se rabattent sur le marché locatif privé qui souffre déjà de carences. « Le parc locatif privé est très tendu du fait d’un turnover très faible », note Thierry Moallic. Selon l’Observatoire local des loyers, la ville de Marseille enregistre le plus faible taux de rotation de la métropole, avec seulement 17 % de nouveaux emménagé en France au sein de la ville. Avec une ancienneté moyenne de 9,5 ans, Marseille est l’une des villes de la métropole où les locataires du parc privé restent le plus longtemps dans leur logement. Ainsi, un locataire sur quatre a emménagé dans son logement actuel il y a plus de vingt ans.

Cette hausse de la demande face à une offre insuffisante semble engendrer une hausse des loyers, parfois synonyme de précarisation pour les ménages les plus modestes déjà déboutés de leurs demandes de logements sociaux. Ainsi, toujours selon cette étude, à Marseille, depuis huit ans, les loyers ont augmenté de 8 %. Cette hausse est particulièrement sensible après 2017. Cette année-là, le loyer médian se chiffre à 11,7 € le m². Il a atteint en 2022 les 12,5 €.