Interview croiséeThéo Curin et Ismaël Khelifa sur la route de leur défi Madiba

« La compétition, c’est fini. J’ai envie d’être engagé », Théo Curin et Ismaël Khelifa sur la route de Madiba

Interview croiséeL’animateur d'« Échappée Belle » et l’athlète paralympique étaient à Marseille pour s’entraîner en vue de leur défi Madiba, alliant prouesse athlétique et action sociale en Afrique du Sud
Théo Curin et Ismaël Khelifa avant de se mettre à l'eau le 10 novembre 2023 à Marseille.
Théo Curin et Ismaël Khelifa avant de se mettre à l'eau le 10 novembre 2023 à Marseille.  - A. Vella / 20 Minutes
Alexandre Vella

Propos recueillis par Alexandre Vella

L'essentiel

  • Théo Curin, athlète paralympique amputé des quatre membres et Ismaël Khelifa, présentateur d'« Échappée Belle », se préparent pour leur « défi Madiba », prévu pour avril 2024.
  • Au menu : trente kilomètres de nage au large du Cap, en Afrique du Sud, autour de Robben Island où Nelson Mandela a été emprisonné pendant dix-huit ans, suivi de cent bornes à vélo et de l’inauguration d’un terrain multisport dans un township du Cap.
  • Rencontre, interview et séance d’entraînement au large de Marseille.

Trente kilomètres de nage au large du Cap, en Afrique du Sud, autour de Robben Island où Nelson Mandela a été emprisonné pendant dix-huit ans, suivi de cent bornes à vélo et de l’inauguration d’un terrain multisport dans un township du Cap. Tel est le menu du « défi Madiba » que s’est lancé cet étonnant attelage composé du présentateur d'« Échappée Belle » (France 5), Ismaël Khelifa et de l’athlète paralympique amputé des quatre membres, Théo Curin. Pour s’y préparer, ils se sont entraînés au large de Marseille, à deux longueurs de brasse du château d’If, où le Comte de Montecristo, personnage de roman d’Alexandre Dumas, a été enfermé pendant quatorze ans.

Avec une eau à 18 degrés, un temps maussade, entre pluie et rafale de vent, et une mer agitée, ils ont pu avoir un avant-goût de ce qui les attend en avril prochain. Interview depuis une terrasse avec vue sur les Catalans.

Pourquoi avoir choisi Marseille pour vous entraîner à ce défi ?

Théo : On voulait avoir des conditions qui allaient ressembler le plus possible à ce qu’on aura là-bas, en Afrique du Sud. C’est-à-dire, déjà de l’eau salée parce que d’ordinaire on s’entraîne en piscine ou dans le lac d’Annecy. Là on le voit, il y a quand même un peu de vague, il y a aussi un peu de courant, comme en Afrique du Sud et puis là, l’eau est assez fraîche. Donc, ce sont les conditions que nous sommes venus chercher ici. C’est la raison principale, même si on aime bien Marseille.

Ismaël : C’est la première fois de ma vie que je vais m’entraîner en mer, mais par contre j’ai habité trois ans ici. Je me suis marié au Frioul, mon fils est né ici. Et on a aussi choisi Marseille parce que l’île autour de laquelle on va nager au Cap, c’est un peu la même configuration.

Les précédents défis étaient en Amérique du Sud. Pourquoi l’Afrique du Sud cette fois-ci ?

Théo : On cherche déjà les aventures qui sont jouables, possibles. Et là, c’est d’abord la rencontre avec Ismaël qui fait qu’on va partir là-bas.

Ismaël : il y a cinq ans, j’ai tourné là-bas pour « Échappée Belle » dans un quartier défavorisé ce qu’on appelle les townships, c’est là qu’ils parquaient les populations non blanches pendant l’Apartheid. Et j’ai été très touché par cet endroit où les gens vivent avec un dollar par jour et où il y a une inhumanité terrible. On est très sensible tous les deux à la cause de l’enfance. Je m’étais dit un jour je retournerai faire quelque chose là-bas, sans savoir quoi, quand comment, et c’est la rencontre avec Théo qui a rendu ça possible.

Théo : En fait je ne voulais plus faire du sport pour faire du sport, avoir une motivation autre que la distance, le record, le truc. Et la rencontre avec Ismaël m’a donné envie de me rechallenger. Franchement, après les deux défis en Amérique du Sud, je n’avais plus envie de l’aventure et cette rencontre m’a remobilisée, ça a redonné du sens à mes entraînements.

Est-ce que ce projet a été compliqué à monter ? Trouver des partenaires, des fonds… L’Afrique du Sud, c’est lointain, la France n’a pas vraiment de lien historique avec ce pays…

Ismaël : Un projet c’est toujours difficile, mais ce projet a une force de persuasion qui est forte. Parce que moi je suis un débutant, Théo est un sportif de haut niveau. Lui amène le côté performance, moi j’amène le côté engagé, parce qu’à côté d’« Échappée Belle » j’ai une association qui s’appelle For my Planet. En mixant les deux univers, on a réussi à faire quelque chose qui répondait aux nouvelles envies des partenaires de Théo et qui moi me permettait de passer un palier et de réaliser un rêve né il y a cinq ans.

Des fois ce défi me fait peur, c’est un Everest, 30 km de natation, 100 km de vélo, mais après il va y avoir cette arrivée dans ce quartier qui va être un feu d’artifice. Parce que quand tu vas dans ces endroits-là, tu n’es plus jamais le même ensuite. Tu peux avoir lu tous les livres de développement personnel, tout ce bullshit, là tu y es. Et ça te pète à la gueule.

Après le défi Madiba, surnom de Mandela, envisagez-vous, par exemple, un défi Gandhi sur la route du sel ? Ou autour d’autres personnes qui ont pu incarner des mouvements de libération et de solidarité ?

Ismaël : En fait, on l’a surtout appelé Madiba parce qu’on va tourner autour de l’île où Nelson Mandela a été incarcéré. Et en fait Madiba, c’est plus le grand-père, c’est prendre soin des jeunes. L’avenir, on n’y a pas trop réfléchi, parce que là on est surtout très focus sur ce qu’on fait. C’est tellement dur. Mais l’avenir je commence à y penser doucement parce que je sens déjà un peu le blues de fin de projet. On verra bien. C’est qui est sûr c’est que ce projet nous fait grandir dans des proportions qu’on n’imaginait même pas. C’est en train de changer ma vie. J’ai envie de dire voyons d’abord où ça nous mène parce que ni Théo, ni moi n’imaginons jusqu’où ça va nous mener.

Théo, tu es un sportif accompli, tu as participé aux Jeux olympiques… Quels défis dans le domaine sportif te paraîtraient insurmontables ?

Théo : Me promener dans Paris seul avec tous les pigeons (rires). Je pense que rien n’est inaccessible, mais tout est compliqué. Ma limite physique, ce serait plus sur la marche. Autant je peux nager pas mal de kilomètres, mais marcher dix bornes, c’est le marathon de New York. Par ce que je n’ai pas de rotule à droite, une moitié de quadriceps… voilà, j’ai des jambes de coq.

Est-ce que tu auras un rôle dans les JO 2024 ?

Théo : Pas comme athlète. Mais je fais partie de la commission des athlètes depuis le dépôt de la candidature. Et après, j’espère bien être engagé comme consultant avec France Télévision. Je souhaite y participer d’une manière ou d’une autre mais pas en tant qu’athlète. Dans ma tête la compétition, c’est fini. J’ai envie d’être engagé.