procèsIl louait 122 appartements insalubres… Son procès s’ouvre à Marseille

Marseille : « Mes stratégies dans l’immobilier »… Un homme qui louait 122 appartements insalubres face à la justice

procèsUn homme comparaît ce lundi devant le tribunal de Marseille pour avoir loué une centaine d’appartements insalubres et de manière illégale, majoritairement à des sans-papiers, selon une méthode très lucrative qu’il avait consignée dans un livre
Le principal prévenu transformait notamment des combles ou de petits appartements en des appartements encore plus petits
Le principal prévenu transformait notamment des combles ou de petits appartements en des appartements encore plus petits  - Nicolas Tucat / AFP / AFP
Mathilde Ceilles

Mathilde Ceilles

L'essentiel

  • Ce lundi s’ouvre devant le tribunal correctionnel de Marseille le procès d’un propriétaire d’une centaine d’appartements insalubres loués à des personnes précaires, souvent sans-papiers.
  • L’homme est accusé notamment de mise en danger d’autrui. Il achetait des appartements pour les transformer en plus petites surfaces.
  • La mairie avait ordonné à plusieurs reprises au propriétaire de faire des travaux dans des logements devenus taudis, en vain.

Les enquêteurs ont retrouvé un début de manuel au titre pour le moins équivoque. Un ouvrage que Gérard Gallas avait intitulé : « comment devenir millionnaire grâce à mes stratégies dans l’immobilier ». Des « stratégies » qui valent à cet homme de comparaître devant le tribunal correctionnel de Marseille à partir de ce lundi, dans ce qui est un des plus vastes procès d’habitat indigne qu’ait connu la deuxième ville de France, gangrenée par le fléau des marchands de sommeil.

Gérard Gallas est accusé de mise en danger de la vie d’autrui, pour avoir loué près de 122 logements indignes dans des quartiers pauvres de Marseille, majoritairement à des sans-papiers. 20 Minutes fait le point.

Quels sont les faits ?

Gérard Gallas est accusé d’avoir loué 122 logements insalubres dans quatre immeubles dont il était propriétaire dans les quartiers Nord de Marseille. Dans un premier situé avenue Roger-Salengro, dans le 15e arrondissement, le propriétaire avait acheté 6 appartements pour les transformer en 21 logements. « Il avait aménagé notamment les combles, ce qui est impropre à l’habitation », rappelle Me Aurélien Leroux, avocat de huit locataires, de l’association Un centre-ville pour tous et de Réseau Hospitalité. Dans un autre immeuble situé chemin de la Martine, toujours dans le 15e, les caves avaient commencé à être aménagées en studio. Gérard Gallas était propriétaire d’un troisième immeuble boulevard Viala, aussi dans le 15e, et d’un dernier situé rue Amélie, dans le 14e. Dans certains de ces immeubles également, ils transformaient des appartements plus grands en de plus petits.

« Ce dossier est emblématique de la qualification de marchand de sommeil organisé dans le parc immobilier, pour tirer un maximum de profits, accuse Me Jorge Mendes Constante, avocat de la ville de Marseille, partie civile dans cette affaire. Il divisait son parc immobilier pour y accueillir un maximum de colocataires. »

« Il louait souvent des surfaces entre 9 et 10 m² pour un loyer d’environ 400 à 600 euros, rapporte Me Aurélien Leroux. Dans ces logements vivaient plusieurs personnes, des familles avec des enfants mineurs. Il pratiquait des loyers hallucinants pour de toutes petites pièces. Certaines étaient sans aucune fenêtre avec, dans 10 m², la cuisine, la salle de bains et la pièce de vie, ce qui représente un risque énorme d’incendie et pour la santé. Ces appartements étaient complètement moisis et indignes. »

Plusieurs arrêtés ont été pris par la mairie à partir de 2020 pour sommer le propriétaire de procéder aux travaux nécessaires, sans que cela ne soit jamais respecté. « Il achetait toujours plus et laissait se dégrader », tempête Me Mendes Constante. Les experts ont ainsi constaté l’usage de sanitaires communs à trois logements, l’absence de chauffage, de point d’eau ou encore de système de ventilation.

Qui sont les victimes ?

Les locataires étaient souvent des personnes pauvres et sans-papiers. « Les locataires sont assez précaires, résume Me Aurélien Leroux. Ils sont de nationalité étrangère en général, demandeurs d’asile. Ils n’ont pas de solutions de logement quand ils arrivent à Marseille. Et c’est soit la rue, soit ils essaient de trouver un logement, avec parfois l’aide de leur communauté. Mes clients sont d’origine nigériane, comorienne ou algérienne. Et ils se retrouvent logés dans des conditions indignes par le bouche-à-oreille. Certains vivent d’ailleurs toujours dans ces immeubles, avec des enfants en bas âge. »

La présence de ces locataires à l’audience n’est pas une certitude à l’heure où ces lignes sont écrites. « Ce serait une grande victoire si elles viennent lundi, espère l’avocat. Elles pourraient être entendues, ce qui est une très bonne chose. Mais certaines ont peur de faire face à Monsieur Gallas, quand d’autres sont dans une situation administrative complexe. Ce sont des gens qui ressentent aussi un mélange d’un peu de peur et de honte de leurs conditions de vie. »

La ville de Marseille s’est de son côté constituée partie civile au titre du préjudice moral et du préjudice financier engendré par l’emploi d’agents, d’expertises et de travaux dans ce dossier. Son avocat réclame un total de 51.154 euros.

Qui sont les prévenus ?

Le principal prévenu est un ancien policier qui connaissait bien les sans-papiers et leurs problématiques, pour avoir été affecté dans un centre de rétention administrative. « Il a une personnalité qui interroge, note Me Mendes Constante. C’est un personnage atypique. Un élément du dossier laisse apparaître qu’il avait un projet de livre, un manuel sur comment développer des affaires dans l’immobilier avec une méthode appliquée pour le maximum d’investissements possibles. »

Dans ce livre inachevé, Gérard Gallas se présentait comme « un excellent et puissant homme d’affaires multimillionnaire », un « véritable génie », « à la tête d’un puissant empire dans l’immobilier, une redoutable machine de guerre. » En dix ans, il aurait investi près de 3,5 millions d’euros, selon l’avocat de la mairie. « Ce qui ressort du dossier, c’est qu’il a l’air sans foi ni loi, et très localisé sur le fait de faire fortune, devenir riche, avec un objectif affiché d’être rentier », tance Me Leroux. Contacté, son avocat, Me Frédéric Sanchez, a indiqué que son client ne ferait aucune déclaration avant l’audience.

Un autre prévenu est appelé à la barre à partir de ce lundi. Il s’agit de Faissoili A., présenté comme un homme de main employé par Gérard Gallas pour recruter des locataires et encaisser les loyers. « Mes clients m’ont rapporté des bagarres avec des gros bras qui venaient les menacer s’ils ne payaient pas les loyers », affirme Me Aurélien Leroux. Le procès doit se dérouler à la caserne du Muy jusqu’au 16 novembre.