VIOLENCESAu Tonkin, à Villeurbanne, les habitants chassent les dealers

Villeurbanne : Fusillades près des écoles, dealers chassés… Que se passe-t-il au Tonkin ?

VIOLENCESDepuis des années, les habitants du Tonkin, quartier de Villeurbanne, dans l’agglomération de Lyon, alertent les pouvoirs publics sur la situation et mènent des actions contre les dealers
Depuis samedi, une compagnie de CRS est présente au Tonkin, ce quartier de Villeurbanne « connu » pour ses trafics de drogue. (Illustration)
Depuis samedi, une compagnie de CRS est présente au Tonkin, ce quartier de Villeurbanne « connu » pour ses trafics de drogue. (Illustration) - Préfecture du Rhône / 20 Minutes
Elise Martin

Elise Martin

L'essentiel

  • La semaine dernière, trois fusillades ont eu lieu en quatre jours dans le quartier du Tonkin, à Villeurbanne, près de Lyon. Certaines se sont déroulées à proximité d’écoles alors que des enfants se trouvaient à l’intérieur des établissements.
  • Depuis plusieurs années, les habitants, excédés, mènent eux-mêmes des actions pour « chasser les dealers ». Mercredi dernier, ils ont réussi à empêcher l’installation d’un nouveau point de deal en face d’un collège.
  • Face à cette situation, la préfète Fabienne Buccio a déployé un dispositif pour sécuriser les lieux. Mais le maire Cédric Van Styvendael aimerait des « moyens spécifiques » et pérennes pour le quartier.

«Les grands-mères de 75 ans préfèrent prendre une balle que de laisser des points de deal s’installer en bas de leur fenêtre », affirme Tristan, habitant du Tonkin, un quartier de Villeurbanne, près de Lyon. Il fait référence à la dernière action de « Tonkin Paix-sible », un collectif qui mène des actions pour, entre autres, « dégager les dealers ». La dernière a eu lieu mercredi dernier pour « éviter qu’un nouveau point de vente de crack s’installe ». « On en a déjà sept autour de chez nous, ce n’est plus possible », souffle-t-il.

Il enchaîne : « On a conscience qu’on prend des risques. On a déjà eu des menaces. Mais si on ne le fait pas, personne ne le fait. » Il précise d’ailleurs que, grâce à leur sortie, « ils ont renoncé à s’implanter en bas de chez nous ». Mais Tristan est lucide, il sait que « ça recommencera ailleurs ou plus tard » car « le problème n’est pas nouveau ». En quatre jours, la semaine dernière, trois fusillades ont eu lieu dans ce quartier.

« A la base, au Tonkin, il y a une belle mixité sociale, avec des écoles et des espaces verts à proximité. Tout est bien desservi. Il y a vraiment tout pour être heureux… Mais ça en fait aussi une très bonne place commerciale pour la drogue, constate-t-il. Avant, il y avait déjà du trafic, mais pas comme ça. »

Des moyens déployés par la préfecture du Rhône

« Notre quotidien, c’est de vivre à travers des fusillades, dans des locaux cassés, développe ce Villeurbannais. Dans certains immeubles, l’entrée a été bloquée empêchant les habitants d’accéder directement à leur logement. Dans d’autres, les parties communes sont devenues des toilettes. »

Avant d’ajouter : « Il y a aussi deux écoles cernées. Des dealers se sont installés juste en face. » Les violences de la semaine dernière ont eu lieu à proximité de ces établissements, obligeant à confiner les enfants à l’intérieur des locaux par prévention. « Comment on peut accepter ça ? interroge-t-il. A chaque sortie de classe, ces enfants voient des trafiquants de drogue devant eux ! »

Pour « stopper ce cycle de violences », une brigade de CRS (entre 50 et 60 policiers) a été déployée tout le week-end par la préfète du Rhône Fabienne Buccio. Ces renforts seront sur place « le temps nécessaire ». « Des opérations quotidiennes de sécurisation sont également mises en place. C’est un engagement variable mais continu », assure la préfecture. Elle souligne que la présence des policiers permet de « gêner l’activité de trafic de stupéfiants, de procéder à des interpellations et de prévenir d’éventuelles violences ». La préfète a également annoncé qu’elle créerait un canal d’information avec les collectifs.

Le maire réclame des « moyens spécifiques »

Pour Tristan, qui a emménagé en 2009 au Tonkin, ces mesures ne permettront pas d’en finir avec le problème. « Dès que le dernier policier part, le commerce reprend », constate-t-il. Cédric Van Styvendael, maire PS de Villeurbanne, partage le même avis : « Ces mesures dérangent le trafic mais des habitants m’ont encore dit aujourd’hui que les dealers s’étaient simplement décalés de trois adresses. C’est bien d’avoir la présence des CRS pour calmer la situation mais ce n’est pas avec ça qu’on va régler le problème. »

Et l’élu en sait quelque chose. Au lendemain de son élection, en juillet 2020, une fusillade avait éclaté dans le quartier. A la suite de nombreuses réunions de travail avec les services de l’Etat, il a répondu aux demandes concernant l’augmentation des effectifs de la police municipale, des vidéoprotections et de l’accès aux flux vidéos. « Nous avons fait le travail. En plus, la partie prévention, actions sociales et culturelles a également été déployée, explique-t-il. Donc là, on a un vrai problème de sécurité de l’intérieur liée au trafic de drogue. »

Depuis trois ans, l’élu confie qu’il n’y a jamais eu autant d’interpellations, de saisies sur ce quartier. « Aujourd’hui, l’enjeu, c’est d’avoir des moyens complémentaires sur le long terme. » Cédric Van Styvendael réclame depuis son élection de qualifier le Tonkin de « quartier de reconquête républicaine » avec une brigade de sécurité territoriale affectée spécifiquement au territoire. En attendant, la police municipale restera mobilisée, promet-il. « J’espère que pouvoir faire de vraies annonces rapidement aux habitants. Ce n’est pas normal que ce soit à eux de descendre dans la rue pour qu’on obtienne des résultats de sécurité », conclut-il.