heure de veritéUn procès pour expliquer le destin tragique des « disparus de Mirepoix »

Disparus de Mirepoix : Une infirmière « manipulatrice » et un cascadeur crédule dans le box des accusés

heure de veritéLe procès des assassins présumés de Christophe Orsaz et de Célia, sa fille, s’ouvre ce vendredi à Foix (Ariège). Il doit éclairer le mobile de cette affaire sordide et le fonctionnement d’un énigmatique duo criminel
Célia Orsaz , une étudiante, et son père, Christophe, ont disparu en Ariège le 30 novembre 2017. Leurs corps ont été retrouvés le 12 juin 2018, après l'interpellation de deux suspects.
Célia Orsaz , une étudiante, et son père, Christophe, ont disparu en Ariège le 30 novembre 2017. Leurs corps ont été retrouvés le 12 juin 2018, après l'interpellation de deux suspects. - Capture d'écran / Twitter
Hélène Ménal

Hélène Ménal

L'essentiel

  • Christophe Orsaz et sa fille Célia se sont volatilisés en Ariège, un soir de novembre 2017. Leurs corps ont été retrouvés sept mois après.
  • Marie-José Montesinos, une infirmière décrite comme manipulatrice, et Jean-Paul Vidal, son amant du moment, ont avoué ce sordide double assassinat.
  • Leur procès s’ouvre à Foix ce vendredi. Il doit permettre de cerner le mobile des crimes, commis de sang-froid, et les mécanismes qui y ont abouti. Les coaccusés encourent la réclusion criminelle à perpétuité.

Comment une infirmière fondue de randonnée et un mécanicien, cascadeur à ses heures, en sont-ils venus à tendre un guet-apens mortel à un père de famille et à abattre sa fille de 18 ans ? Le procès qui s’ouvre ce vendredi devant les assises de l’Ariège doit permettre aux proches de Christophe et Célia Orsaz, « les disparus de Mirepoix », de comprendre les mécanismes d’un plan machiavélique à l’issue sordide.

Il y a presque six ans jour pour jour, le 30 novembre 2017, quand les deux futures victimes ont embarqué dans leur Kangoo à Mirepoix, Christophe, jardinier indépendant, croyait avoir rendez-vous avec un notable qui comptait sur lui pour monter un projet touristique de cabanes dans les arbres. Célia, qui venait de renouer avec son père après de longues années d’éloignement, attendait d’être déposée dans une gare, chemin faisant, pour rejoindre son petit ami à Toulouse.

Mais point d’entrepreneur enthousiaste au bout de la route, dans un hameau isolé de la commune de Bélesta. Sur place, armés de barres de fer, se trouvaient Marie-José Montesinos, l’ex-compagne de Christophe Orsaz, flanquée de Jean-Paul Vidal, son amant du moment. Ce sont les aveux de ce dernier qui, sept mois plus tard, ont permis aux enquêteurs de retrouver les dépouilles. Christophe Orsaz, roué de coups, avait été jeté, encore agonisant et entravé par des liens, au fond d’une fosse septique abandonnée. Le corps de Célia, présentée par les accusés comme un témoin gênant et imprévu du premier meurtre, était camouflé sous des branchages, dans une forêt de l’Aude, à une dizaine de kilomètres de Bélesta. Jean-Paul Vidal, père de quatre enfants, a reconnu lui avoir tiré une balle dans la tête à bout portant.

Une préparation « froide » et méthodique

L’enquête a démontré que les deux accusés n’avaient pas envisagé une simple raclée. Marie-José Montesinos a acheté les deux téléphones à carte prépayée qui ont servi à son amant à entrer en contact avec Christophe Orsaz sous un faux prétexte alléchant. Les deux acolytes ont inspecté le hameau de Bélesta plusieurs jours avant le traquenard, relevant l’avantage d’être en zone blanche, donc intraçables, et soulevant même l’ouverture de la fosse septique. « Comme des délinquants d’habitude, ils ont été capables, froidement, en conscience, de préparer, un assassinat », souligne Arnaud Levy-Soussan, qui défend les proches des deux victimes.

Mais alors pourquoi ? Christophe Orsaz était séparé de Marie-José Montesinos depuis un an environ, rien n’indique que Jean-Paul Vidal le connaissait autrement que pour l’avoir croisé de temps en temps. Pour l’avocat des parties civiles « La clé, c’est elle. C’est dans son esprit que les choses se sont fomentées. Parce qu’il a eu l’outrecuidance, il lui a fait l’affront de vouloir la quitter ».

Une femme « narcissique »

Qui est cette femme qui aurait par orgueil échafaudé l’assassinat sordide de son ex, et, comme la reconstitution l’a montré, déverrouillé le coffre d’une voiture pour permettre à son complice de se saisir du fusil qui a tué Célia ? Ses avocats n’ont pas souhaité s’exprimer avant le procès. Mais l’infirmière a gagné au cours de l’enquête ses galons de « manipulatrice ». Dans les mois qui ont précédé les assassinats, elle a harcelé Christophe Orsaz, l’a menacé, s’est introduite chez lui, s’est procuré l’adresse de plusieurs de ses employeurs pour le déconsidérer auprès d’eux. Elle s’est même écrit à elle-même des lettres anonymes pour les brandir devant Jean-Paul Vidal et le convaincre qu’elle était en danger. Elle en a envoyé aussi à la femme légitime de son complice, pour faire monter la tension.

Un premier expert psychiatrique l’a brossée comme « narcissique », relevant « une faible capacité d’empathie à l’égard de son environnement et un faible investissement affectif ». Un deuxième, commis à la demande de la défense, a relevé la même « faille narcissique » mais a aussi détecté « un trouble sévère de la personnalité, à tendance dépressive et anxieuse ». La désormais sexagénaire est décrite comme « froide » par les collègues qui l’ont côtoyée. Ella a aussi raconté avoir été victime d’inceste de la part de son père. En a-t-elle tiré une haine vengeresse envers les hommes en général ? Alors que les faits ne font plus mystère, elle seule peut réellement expliciter le mobile.

Exécutant à sang froid ou « marionnette » sous emprise ?

Les familles de Célia et Christophe se refusent toutefois à établir une distinction entre les coaccusés qui encourent la réclusion criminelle à perpétuité. « Le degré de responsabilité est exactement le même. A aucun moment Jean-Paul Vidal n’essaye de la dissuader, à aucun moment il ne recule », insiste Arnaud Levy-Soussan.

Tout sur « les disparus de Mirepoix »

Mathieu Monfort, l’avocat du mécanicien, n’a pas la même lecture. « La dangerosité intrinsèque des deux accusés n’est pas la même », dit celui dont le client « doit la vérité à la famille Orsaz, maintenant qu’il est sorti du brouillard et du mensonge que Marie-José Montesinos avait construit autour de lui ». A la théorie du « cerveau et de l’exécutant », il substitue celle du « cerveau et de la marionnette ». Pour en venir à tuer de sang-froid deux quasi-inconnus, l’avocat veut démontrer que Jean-Paul Vidal était sous « l’emprise » d’une femme qui connaissait « ses carences et ses failles ». Les accusés n’en étaient pas à leur première liaison amoureuse.