PROCESPrison ferme requise contre un propriétaire de 122 logements insalubres

Marseille : Quatre ans de prison ferme requis contre un marchand de sommeil qui louait 122 logements insalubres

PROCESLe tribunal correctionnel de Marseille a requis une peine de quatre ans de prison ferme à l’encontre de Gérard Gallas, accusé d’avoir loué 122 logements insalubres dans les quartiers nord de Marseille
Gérard Gallas comparait depuis ce lundi pour avoir loué 122 logements indignes.
Gérard Gallas comparait depuis ce lundi pour avoir loué 122 logements indignes. - AFP / AFP
Mathilde Ceilles

Mathilde Ceilles

L'essentiel

  • Quatre ans de prison ferme avec mandat de dépôt ont été requis ce mercredi à l’encontre de Gérard Gallas, un marchand de sommeil accusé d’avoir loué 122 appartements insalubres dans les quartiers nord de Marseille.
  • Le procureur Guillaume Bricier a dénoncé la « méthode » appliquée par l’ancien policier, une sorte d'« industrialisation de la location de logements complètement dégradés » dans le but d’une « maximisation du profit ».
  • Le procureur a par ailleurs requis une interdiction de gérer une entreprise pendant cinq ans et de réaliser des acquisitions immobilières pendant dix ans.

Quatre ans de prison ferme avec mandat de dépôt ont été requis ce mercredi à l’encontre de Gérard Gallas, un marchand de sommeil accusé d’avoir loué 122 appartements insalubres dans les quartiers nord de Marseille, principalement à des demandeurs d’asile et des sans-papiers.

A l’issue d’un court réquisitoire d’une heure devant la sixième chambre du tribunal correctionnel de Marseille, le procureur Guillaume Bricier a dénoncé la « méthode » appliquée par l’ancien policier, une sorte d'« industrialisation de la location de logements complètement dégradés » dans le but d’une « maximisation du profit ». Le procureur de la République a par ailleurs requis une amende de 75.000 euros et la confiscation de la somme de 220.000 euros déjà saisie par la justice.

Guillaume Bricier a notamment fustigé « la machine à faire de l’argent » que Gérard Gallas avait élaborée, en couchant sur le papier sa « théorie » dans un livre modestement intitulé Comment je suis devenu multimillionnaire en deux ans grâce à mes stratégies immobilières. Une théorie qui se heurte « aux faits, têtus », et qui lui vaut aujourd’hui d’être accusé de mise en danger de la vie d’autrui et de soumission de plusieurs personnes vulnérables à des conditions indignes.

La division immobilière comme principe

« Le projet initial, c’est l’acquisition industrielle d’immeubles sur des habitats dégradés », résume Guillaume Bricier. On n’est pas face à un simple propriétaire, avec du moisi dans une salle de bains. Aujourd’hui, ce n’est pas ça. Aujourd’hui, c’est l’industrialisation de la location de logements complètement dégradés et c’est ça qui fait basculer le dossier. On peut démontrer une stratégie déterminée. »

Cette stratégie repose notamment sur « la division immobilière », autrement dit, le fait de scinder en de toutes petites surfaces des logements, quitte à ce que leur superficie ne soit pas réglementaire. Avec, derrière, un objectif affiché : « gagner de l’argent, toujours gagner de l’argent et utiliser tous les moyens pour le faire ». Dans le fameux livre retrouvé par les enquêteurs, comme le rappelle le procureur, Gérard Gallas projetait de gagner, « d’ici à 2025, 11 millions d’euros nets par an ».

« Un logement pourri »

« Dans la stratégie de rentabilité immobilière », Gérard Gallas a « acheté des immeubles dans un état dégradé dans des quartiers nord ». Les appartements étaient ensuite loués dans un état déplorable à des personnes vulnérables. « Il y a un choix délibéré d’acheter des immeubles à bas prix, dans ce type de quartiers, et de prendre ce type de locataires », clame Guillaume Bricier.

Citant les échanges de Gérard Gallas avec ses locataires, le procureur accuse le prévenu « d’avoir une connaissance parfaite de l’état de ces immeubles » et de pourtant opter pour « la non-intervention ». Résultat : des appartements « avec de la pluie qui tombe à l’intérieur de l’immeuble, et dans lequel on patauge dans deux ou trois centimètres d’eau ». D’autres logements « de la taille d’une cellule, sans porte-fenêtre, uniquement une porte en dur avec un œilleton comme aux Baumettes ». Lors de l’audience, Gérard Gallas a largement accusé ses locataires d’être à l’origine de ces dégradations. « Est-ce que c’est dans l’intérêt d’un locataire d’avoir un logement pourri, dégradé, avec un trou dans le mur ? s’est agacé le procureur. Je ne le crois pas. Dégrader son logement volontairement ? Pour quelle raison ? »

« Un mégalomane cupide »

Pour le procureur de la République, une ville comme Marseille, gangrenée par les marchands de sommeil, est « emblématique » au regard de « l’atteinte de la dignité humaine ». « Il y a une exploitation des locataires sans se soucier de l’humanité », accuse Guillaume Bricier. Un discours qui tranche avec celui tenu par Gérard Gallas, qui se décrit comme un « génie » et un « puits de lumière ». « Gérard Gallas, c’est le mégalomane cupide qui se déguise sous des habits de bienfaiteurs illuminés », tance le procureur. « Dans les actes, celui qui dit aller vers son prochain met à disposition des logements pourris. C’est bien là la contradiction de Monsieur Gallas. » Le procureur a par ailleurs requis une interdiction de gérer une entreprise pendant cinq ans et de réaliser des acquisitions immobilières pendant dix ans.

Le procureur de la République a par ailleurs requis une peine de trois ans de prison avec mandat d’arrêt contre Faissoili Aliani, décrit comme le « factotum zélé qui ne va pas hésiter à faire coup de poing pour récupérer les loyers ». Absent durant tout le procès, Faissoili Aliani s’est vu requérir à son encontre une amende de 25.000 euros et une interdiction de réaliser des acquisitions immobilières pendant dix ans.

« J’ai honte d’avoir provoqué ça », lance Gérard Gallas à l’issue de ces réquisitions, esquissant un début de mea culpa. « Je suis totalement désemparé. Je ne comprends pas comment je suis arrivé à une telle situation. Oui, j’avais un objectif ambitieux. Une utopie peut-être. Je ne comprends pas comment je suis arrivé à une telle souffrance et que des locataires ont souffert aussi. » La décision a été mise en délibéré au 24 janvier à 8h30 au palais Monthyon. Gérard Gallas encourt jusqu'à dix ans de prison.