vases communicantsCes inondations éloignent au moins le spectre d'une sécheresse en 2024

Inondations dans le Pas-de-Calais : « D’ici au printemps, les nappes phréatiques seront largement rechargées »

vases communicantsLes intenses précipitations survenues dans le Pas-de-Calais ont permis un rechargement inespéré des nappes phréatiques, éloignant le spectre d’une sécheresse en 2024
Un homme dépité devant son habitation inondée (illustration).
Un homme dépité devant son habitation inondée (illustration). - M.Libert / 20 Minutes / 20 Minutes
Mikaël Libert

Mikaël Libert

L'essentiel

  • Le Pas-de-Calais fait face à une série d’événements climatiques, tels que des tempêtes, des pluies diluviennes et des inondations historiques, après une période de sécheresse et de restrictions des usages de l’eau.
  • Les pluies abondantes des dernières semaines ont entraîné une remontée des nappes phréatiques du Pas-de-Calais, ce qui devrait permettre leur rechargement optimal d’ici au printemps et réduire les risques de sécheresse en 2024.
  • Cependant, les inondations pourraient persister pendant encore quelques semaines, et les solutions pour faire face à ces événements climatiques doivent être envisagées en amont, notamment en adaptant l’habitat aux changements climatiques.

Une crise qui en évite une autre ? Depuis le début du mois de novembre, la partie ouest du Pas-de-Calais est confrontée à une série d’événements climatiques dont on peine à voir le bout. Deux tempêtes successives, des pluies diluviennes, des crues de fleuves et des inondations historiques… Un cumul de catastrophes avec, à la clé, des dégâts qui se chiffreront en dizaines de millions d’euros. La terrible ironie de ces événements, c’est qu’ils surviennent alors que le département sort à peine d’une longue période de sécheresse et de restrictions des usages de la ressource en eau. Dans leur malheur actuel, les habitants du Pas-de-Calais peuvent néanmoins espérer échapper à une nouvelle sécheresse qui se profilait pourtant inéluctablement en 2024.

Fin août dernier, le préfet du Pas-de-Calais décidait de « maintenir l’ensemble des bassins versants du département en état de vigilance sécheresse ». Cette décision était accompagnée de mesures de restriction d’usage de l’eau « pour limiter les impacts de la sécheresse, dans l’attente de la recharge des nappes qui n’arrivera au mieux que mi-novembre ». Dans son bulletin de situation hydrologique de septembre, la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) des Hauts-de-France constatait un déficit général des précipitations sur le bassin Artois-Picardie, une poursuite de la vidange des eaux souterraines et une baisse du débit moyen mensuel de la majorité des cours d’eau. Si la situation a eu tendance à s’améliorer courant octobre, elle restait toutefois fragile. « C’est clair, on en est bien sorti de la sécheresse aujourd’hui », reconnaît Florence Habets, hydroclimatologue et directrice de recherche au CNRS.

Le spectre d’une sécheresse en 2024 s’éloigne

Selon elle, les pluies de l’été avaient déjà permis un rechargement des nappes en profondeur, même si cela restait tendu par endroits et en surface. « Là, vu ce qu’il est tombé depuis un mois, on observe une forte remontée des nappes du Pas-de-Calais », affirme la scientifique. Un phénomène amplifié ces derniers jours puisque « l’eau s’infiltre d’autant plus vite vers les nappes que les sols sont humides », précise-t-elle. Dans certains cas, à Blendecques notamment, les données du site Ades (portail national d’accès aux données sur les eaux souterraines) montrent même des nappes affleurant la surface et qui débordent. « Il y a des chances que ces nappes continuent de se recharger dans la durée, d’autant que les prévisions saisonnières annoncent davantage de pluie dans la région, et les signaux sont cohérents, ce qui est assez rare », note l’hydroclimatologue.

« D’ici au printemps, les nappes seront largement rechargées et, forcément, les prélèvements en eau dans les nappes seront moindres au regard des précipitations attendues, notamment pour les semis », estime encore l'hydroclimatologue. Selon elle, si les prévisions se confirment, « on peut s’attendre à ce que la situation ne soit pas tendue du tout en termes de sécheresse, au moins jusqu’au début de l’été et même en cas de printemps chaud ». Sans affirmer que le Pas-de-Calais est totalement à l’abri d’une sécheresse en 2024, la scientifique se montre optimiste.

Ces inondations et sécheresses longues ont un « côté implacable »

Le pendant de cela, c’est que les inondations risquent de perdurer de manière localisée pendant encore quelques semaines. Mardi, le président de la République a promis aux maraîchers du marais audomarois de travailler à la simplification du système de curage des cours d’eau et a encouragé à trouver des solutions pour repousser l’eau vers la mer. « Le curage peut avoir des aspects assez négatifs. En accélérant la circulation de l’eau, on risque de ramener plus vite les eaux vers les zones planes en aval et pas forcément jusqu’à la mer », tempère la spécialiste. D’autant que la mer n’est pas forcément l’exutoire parfait : « Le niveau de la mer monte, plus encore lorsqu’il y a une tempête, provoquant un effet de remontée au niveau des estuaires, explique Florence Habets. Accélérer le transfert de l’eau vers l’aval alors qu’on ne peut la rejeter vers la mer parce qu’elle est haute ne règle pas le problème. »

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Que faire concrètement lorsque l’on a des nappes qui débordent ? « Malheureusement, il n’y a pas grand-chose à faire », déplore notre experte. Ces inondations et ces sécheresses longues ont un côté « implacable ». Pour Florence Habets, les véritables solutions sont à mettre en place largement en amont. Un point de vue qui rejoint celui exprimé par Emmanuel Macron, mardi, lorsqu’il expliquait que « l’adaptation de notre pays aux événements climatiques va nous obliger à revoir notre fonctionnement ». Dans les zones concernées, « l’habitat n’est pas adapté parce que c’est le climat qui change », reconnaît l’hydroclimatologue. Alors quand le président assure aux sinistrés qu’ils pourront toujours habiter dans le marais audomarois, la scientifique ne l’imagine pas sans une adaptation de leurs maisons.