invitationMacron face au dilemme des chaises vides à la rencontre de Saint-Denis

Rencontre de Saint-Denis : Devine qui ne vient pas dîner ?… Emmanuel Macron face au dilemme des chaises vides

invitationLes défections pour la réunion de vendredi portent un coup peut-être fatal à une ambition présidentielle de toute façon un peu bancale
Emmanuel Macron, dans la cours des Invalides, à Paris, le 3 octobre 2023.
Emmanuel Macron, dans la cours des Invalides, à Paris, le 3 octobre 2023. - Ludovic Marin / AFP
Rachel Garrat-Valcarcel

Rachel Garrat-Valcarcel

L'essentiel

  • Vendredi aura lieu la troisième « rencontre de Saint-Denis », entre le président et les chefs de partis.
  • Trois chefs de partis qui avaient participé aux deux premières réunions ont cette fois décliné l’invitation.
  • L’ambition présidentielle de « partager la contrainte » avec les oppositions s’en voit une nouvelle fois entravée. Mais pouvait-il en être autrement ?

C’est toujours un peu désagréable quand les gens répondent « non » à votre invitation. C’est sans doute encore plus vrai quand vous êtes le président de la République et que, bon, vous n’avez pas vraiment l’habitude qu’on vous dise non. Et qu’en plus l’invitation a été envoyée avec du papier à en-tête. Trois chefs de partis ont donc décidé de ne pas venir à la troisième rencontre de Saint-Denis, ce vendredi : Olivier Faure pour le Parti socialiste, Manuel Bompard pour la France insoumise, et Éric Ciotti pour Les Républicains. Soit l’équivalent de près de la moitié des députées et députés d’opposition à l’Assemblée nationale.

Pour rappel, la première « rencontre de Saint-Denis » avait eu lieu fin août à l’école de la Légion d’honneur, en terrain neutre. Tout le monde avait répondu présent pour ce format inédit : sans portable, sans collaborateur ou collaboratrice, sans photos, avec un ordre du jour large, volontairement ouvert. Les chefs de partis, les présidents des assemblées, la Première ministre et, bien sûr, le président, avaient planché de 15 heures à plus de 3 heures du matin. Les oppositions étaient ressorties sceptiques face à ce qu’elles ont considéré être un exercice de communication. L’Elysée et le gouvernement pointaient en revanche une réussite « pour le débat démocratique ».

Du concret pourtant

Pour justifier son absence cette semaine, Éric Ciotti redit qu’il ne veut pas cautionner une opération de com présidentielle. A gauche, on parle un peu plus du fond, expliquant qu’il n’y a rien de concret, qu’on ne veut pas cautionner un contournement du Parlement ni un ordre du jour jugé trop favorable à la droite et à l’extrême droite. Du concret, il y en aura tout de même un peu : sur la question institutionnelle, l’élargissement du champ du référendum, la facilitation du référendum d’initiative partagé (RIP). Et même – c’est très nouveau – la possibilité d’une initiative citoyenne d’un RIP, ce n’est pas rien. De quoi séduire la gauche et la droite.

Mais cela en vaut-il encore la peine si la moitié des oppositions ne vient pas ? A l’Elysée, on explique que oui, les portes seront ouvertes jusqu’au début de la réunion. « Au regard des enjeux, ce n'est pas au niveau de décliner », pestait déjà, il y a quelques jours, un habitué du palais, lequel espère que l’adage « les absents ont toujours tort » se confirmera. « C’est trop facile, cette société politique d’aujourd’hui où la contrainte pèse sur la personne à l’initiative ». Autrement dit Emmanuel Macron.

De traviole à la base

C’est le fil que tente de tirer l’Elysée : pour le président, le sens des rencontres de Saint-Denis se trouve dans la continuité – souvenez-vous – du grand débat national après les « gilets jaunes », de la convention citoyenne sur le climat et des conseils nationaux de la refondation, lancés il y a un an. « Le président veut créer du consensus pour confronter les oppositions au réel. Il n’y a rien de pire que ceux qui font des commentaires depuis le balcon, se confortent dans des postures. Il nous faut partager la contrainte », expliquait un proche du président après la première rencontre de Saint-Denis. La chose avait l’air d’autant plus séduisante que la forme de la réunion – « à la loyale », dixit l’Elysée – lui donnait du crédit. Les leaders des oppositions ne l’avaient d’ailleurs pas attaquée, cette forme.

Ceux qui ont décliné l’invitation ce vendredi vont-ils en payer le prix ? Au PS, on dit qu’Olivier Faure pourrait très bien revenir autour de la table si les évènements l’exigeaient. Avec le risque, au bout d’un moment, de passer pour une girouette. Mais le principal problème réside dans le fait que la volonté de l’Elysée de « partager la contrainte » avec les partis d’oppositions est bancale dès le départ. Il n’y a sans doute pas 66 millions de professeurs de droit constitutionnel dans le pays, mais les Françaises et les Français pratiquent la Ve République depuis soixante-cinq ans et savent comment elle fonctionne. Ils savent qui détient l’essentiel du pouvoir – l’Elysée –, qui en a un peu (le Parlement), et qui n’en a pas (les oppositions).

La preuve : les Françaises et les Français sont encore 72 % à voter au second tour de la présidentielle, contre 46 % au second tour des législatives. A la fin des fins, si la population n’est pas satisfaite de l’action du président, il y a peu de chance qu’elle fasse porter le chapeau à Éric Ciotti. C’est sans doute frustrant pour l’Elysée, aux prises avec des oppositions qui, souvent, se complaisent dans des postures. Mais c’est la rançon d’un grand pouvoir, celui que la Ve République offre au président. Et depuis six ans et demi, si Emmanuel Macron a multiplié les dérivatifs en parallèle des institutions, on n’a pas vraiment senti chez lui la volonté de partager le pouvoir.