Deux hommes à terre, frappés avec des bâtons et à coups de pied. L’un d’entre eux a la bouche en sang. Devant lui, un homme pointe un fusil et tire sur le côté. A quelques mètres derrière eux, cinq hommes sont occupés à creuser un trou. En russe, un homme insulte les hommes à terre et les rend responsables de la mort d’autres soldats. Il les accuse aussi d’avoir apporté de la drogue.

Ces images violentes circulent depuis mardi sur Telegram et X (anciennement Twitter). Plusieurs médias ukrainiens les ont relayées, pointant du doigt la brutalité dans l’armée russe. La vidéo a été tournée à Kulykivs’ke, un hameau à une cinquantaine de kilomètres de Marioupol, comme l’a identifié Michael Sheldon, un chercheur du site d’investigation Bellingcat. La localité se trouve sur un territoire ukrainien occupé par l’armée russe. La vidéo n’est pas datée, toutefois les feuilles encore présentes sur les arbres et le sol plutôt sec laissent penser que la vidéo n’a pas été tournée en hiver.

Qui sont ces hommes ? L’un d’entre eux porte un insigne « Gladiateur Tempête », le nouveau nom des unités « Tempête – Z », comme l’a remarqué Michael Sheldon.

Ces unités, également connues sous le nom « Storm – Z », sont composées d’anciens prisonniers. Elles ne sont pas rattachées à des unités fixes, comme l’explique à 20 Minutes Michael Gjerstad, un chercheur spécialiste de l’armée russe rattaché à l’IISS (Institut international pour les études stratégiques) : « Les missions qui leur sont habituellement attribuées sont les plus violentes. Ils sont les premiers à être tués. »

D’après nos observations, un autre homme visible au début de la vidéo arbore un écusson qui ressemble à un insigne du groupe Wagner.

« L’homme est peut-être un ancien combattant du groupe Wagner et il le porte comme une marque d’honneur, ou bien il fait partie de ces membres du groupe qui sont maintenant contractuellement membres de l’armée russe », développe le chercheur.

Michael Gjerstad n’a pas été « surpris » par la vidéo. La violence contre les conscrits dans l’armée russe est « systémique » et « ancienne », souligne-t-il. « C’est un fil rouge dans l’armée russe depuis un plus d’un siècle », ajoute-t-il. Ce phénomène porte même un nom, dedovchtchina, ou le « règne des grands-pères ». En 2004, l’ONG Human Rights Watch dénonçait déjà la violence qui s’exerçait dans l’armée russe.

Depuis 2008, la durée du service militaire a été réduite à un an en Russie. La même année, une réforme d’envergure a été introduite pour professionnaliser l’armée. « Avec du recul, elle a échoué », conclut le chercheur.