FORMULE 1Censé être la vitrine de la F1, le GP de Las Vegas vire à la « honte »

GP de Las Vegas : La première journée vire à la « honte » alors que la F1 veut en faire sa vitrine

FORMULE 1La première journée des essais libres du Grand Prix de Las Vegas a été marquée par le fiasco d’une bouche d’égout, alors que la F1 veut en faire sa vitrine aux Etats-Unis
Une plaque d'égout s'est soulevée lors du passage de la Formule 1 de Carlos Sainz, perturbant largement la première journée du Grand Prix de Las Vegas.
Une plaque d'égout s'est soulevée lors du passage de la Formule 1 de Carlos Sainz, perturbant largement la première journée du Grand Prix de Las Vegas.  - Nick Didlick/AP/SIPA / SIPA
Adrien Max

Adrien Max

L'essentiel

  • La première journée des essais libres du Grand Prix de Formule 1 de Las Vegas a été marquée par l’annulation de la première séance et le long report de la seconde après que Carlos Sainz a heurté une plaque d’égout.
  • La deuxième séance s’est élancée avec 2h30 de retard, et sans le public qui a été évacué quelques minutes avant par la police.
  • Une première journée qui a tourné au fiasco alors que la Formule 1 veut faire du Grand Prix de Las Vegas sa vitrine aux Etats-Unis.

A peine huit minutes au chrono, et déjà un énorme fiasco. Le Grand Prix de Formule 1 de Las Vegas, qui s’élancera ce dimanche (7 heures en France), a débuté sur une grosse tuile dans la nuit de jeudi à vendredi. La première séance des essais libres s’est achevée alors que le chrono tournait depuis huit petites minutes seulement, juste après que Carlos Sainz a détruit sa Ferrari sur une plaque d’égout. Ou plutôt une bouche d’eau, qui s’est décollée au passage de la monoplace avant de lui arracher tout le fond plat et de causer d’énormes dégâts. Résultat, un drapeau rouge et le reste de la séance annulée.

La FIA a ensuite dû procéder à l’inspection de toutes les autres plaques disséminées sur les 6,2 km de ce nouveau tracé urbain, pendant que des ouvriers s’affairaient tant bien que mal à refaire celle qui a détruit la voiture de Sainz, mais aussi d’Ocon quelques secondes plus tard. En colmatant le trou avec du ciment à séchage rapide, une image qui le fout mal quand on sait les montants dépensés par la F1 pour revenir à Las Vegas.

Des fans raccompagnés par la police

Toutes ces vérifications ont duré plus de 4 heures, et la deuxième séance d’essai libre n’a pu démarrer qu’à 2h30 du matin alors qu’elle était initialement prévue à minuit ! Elle s’est surtout tenue devant des tribunes complètement vide, les organisateurs du GP de Las Vegas ayant été contraints d’évacuer tous les spectateurs des tribunes, comme les VIP des hospitalités, à 1h30 heure locale, malgré les importantes sommes dépensées dans les billets. Mais les employés du circuit avaient fait leurs heures maximales. Et certains fans récalcitrants ont même dû être raccompagnés par la police.

Une situation complètement dingue qui s’est prolongée en parallèle de la piste avec la pénalité de 10 places reçue par Carlos Sainz, contraint de changer des éléments sur sa monoplace, et dont la FIA a rejeté la demande de dérogation. Et tant pis si le pilote, comme Ferrari pour qui la facture se chiffre en millions, n’y sont pour rien. « Ok, le spectacle c’est le spectacle et tout va bien – mais je pense que c’est tout simplement inacceptable pour la F1 ce qu’il s’est passé aujourd’hui ça va nous coûter une fortune », a fustigé Frédéric Vasseur, le patron de la Scuderia.

Les dégats causés par l'arrachement de la bouche d'égouts sur la Ferrari de Carlos Sainz.
Les dégats causés par l'arrachement de la bouche d'égouts sur la Ferrari de Carlos Sainz.  - Getty Images via AFP

Esteban Ocon, le pilote de l’écurie française Alpine dont une partie a aussi été détruite par la fameuse plaque d’égout, a fait part de sa « honte » au micro de Canal+, à l’issue de cette journée qui s’est donc achevée à 5h30 du matin, heure locale :

« Ça aurait pu être bien pire. Heureusement je vais bien. Le plot qui a sauté dans ma voiture a failli traverser, ce n’était pas loin. Ça n’aurait pas dû arriver. C’est un peu la honte pour être honnête, de rouler sur un circuit comme ça, sur une super ville, sans fans autour. Je suis désolé pour tous les gens qui sont venus, qui ont payé leur place pour venir en tribune et qui n’ont pas vu de voiture rouler, c’est clairement inacceptable ». »

Le GP de Las Vegas, « symbole » du propriétaire Liberty Media

Une première journée très loin d’être à la hauteur des espérances du promoteur de ce Grand Prix de Las Vegas, qui n’est autre que Liberty Media, propriétaire de la discipline depuis 2016. En investissant près de 500 millions d’euros dans l’achat d’un terrain pour y construire des paddocks permanents, le groupe de médias voulait faire du retour de la F1 à Las Vegas (après deux Grand Prix qui avait déjà tourné au fiasco sur le parking du César Palace en 81 et 82), sa nouvelle vitrine.

Au moment de l’homologation, probablement hasardeuse, de la piste, la F1 célébrait en grande pompe le retour de la discipline à Sin City à grands coups de millions et de show à l’américaine. Avec une présentation des 10 équipes et des 20 pilotes façon Super Bowl, que beaucoup ont trouvés « too much », et quelques-uns « pathétique ». Et une cérémonie d’ouverture regroupant des artistes comme Keith Urban, Will.i.am, Andra Day, Steve Aoki et le groupe de Jared Leto, Thirty Seconds to Mars, au pied de la Sphère, cette nouvelle salle de spectacle géante louée par la F1 pour l’occasion.

Un Grand Prix de Las Vegas qui est « le symbole » de ce qu’est Liberty Media depuis son rachat de la Formule 1, selon le commentateur vedette de Canal+, Julien Fébreau :

« Ils ont dit "on veut conquérir les Etats Unis et que ce soit un super bowl à chaque Grand Prix" donc à Las Vegas ils veulent attirer un nouveau public à travers l’entertainement. Ils sont en train de réaliser leur coup, tout est démesuré, et la liste des VIP ne fait que de s’allonger de jour en jour. La dernière mise à jour nous apprend la venue de Lebron James. Voilà, ce sont les Etats-Unis », nous confiait-il quelques heures avant le début des essais libres. »

« J’aime être à Vegas, mais pas tellement pour la course »

Mais de nombreuses critiques émergent chez les fans « historiques » de la Formule 1, comme chez certains pilotes. A commencer par le triple champion du Monde en titre, Max Verstappen, qui a visiblement très peu goûté aux cérémonies d’ouverture. « Pour moi, nul besoin d’aller à ces choses-là. Je ne parle pas des chanteurs, c’est juste que tu es là et tu ressembles à un clown. 99 % spectacle, et 1 % événement sportif. Vous savez, je ne vais pas faire semblant non plus. J’ai toujours exprimé mon opinion en positif comme en négatif. Certains aiment le spectacle un peu plus. Je n’aime pas ça du tout. J’ai grandi en étant focalisé sur l’aspect performance. C’est comme ça que je vois les choses. Alors personnellement, j’aime être à Vegas, mais pas tellement pour la course » a fustigé le pilote, qui après avoir tué tout suspense en piste avec un titre décroché il y a plus d’un mois, asmate, cette fois, la stratégie de la F1.

La Formule 1 a dépensé des millions pour le Grand Prix de Las Vegas et ce genre d'images, mais une simple bouche d'égout a largement perturbé la première journée.
La Formule 1 a dépensé des millions pour le Grand Prix de Las Vegas et ce genre d'images, mais une simple bouche d'égout a largement perturbé la première journée.  - Getty Images via AFP

Julien Fébreau, estime lui, qu’il faut « raison garder », « accepter ce côté show bizz à mort » qui fait désormais parti du mix de ce que propose la F1 au cours d’une saison : « Avec des Grand Prix historiques et traditionnels qui ont fait l’histoire de la F1 comme Monaco, Monza, ou le GP de France, tout en acceptant des nouveaux Grand Prix un peu plus paillette, un peu plus super bowl, avec un nouveau public ».

Un précédent en Azerbaïdjan

Mais pour beaucoup, la F1 tend trop vers cette dimension show bizz, peut être au détriment du spectacle en piste. Avant d’arriver à Las Vegas, Ross Brown, le directeur de la F1 au moment d’ajouter ce nouveau Grand Prix au calendrier avait reconnu que « la seule chose que nous n’avions pas envisagée au départ, c’est qu’il fait très, très froid la nuit ». Contrairement à l’achat d’un terrain entier pour y bâtir les paddocks et ainsi pouvoir y inviter toujours plus de VIP et autres partenaires.

Si les températures de pistes ont affolé le fournisseur de pneus, Pirelli, et les écuries toute la semaine, c’est finalement la piste elle-même qui est venue porter le premier coup à ce Grand Prix de Las Vegas. Mais l’Azerbaïdjan, en 2019, avait connu des péripéties semblables avec une plaque d’égout qui avait détruit la Williams de George Russel. Avant que toutes les éditions suivantes ne se révèlent être des réussites.

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