ça monteLa levure, le produit miracle du futur ?

La levure, le produit miracle du futur ?

ça monteLa Chambre syndicale française de la levure espère révolutionner l’alimentation et la biotechnologie industrielle de demain
Les cuves de fermentation dans le centre de R&D du fabricant de levure, Lesaffre, à Marquette-lez-Lille, dans le Nord.
Les cuves de fermentation dans le centre de R&D du fabricant de levure, Lesaffre, à Marquette-lez-Lille, dans le Nord.  - Alexis Delespierre / Alexis Delespierre
Gilles Durand

Gilles Durand

L'essentiel

  • La France, leader mondial du secteur de la levure, cherche à développer la recherche pour trouver de nouvelles applications alimentaires utiles.
  • Biofertilisants, biofongicides, biocarburants, probiotiques et même postbiotiques issus de la fermentation des levures seront, peut-être; des produits d’avenir.
  • Chez Lesaffre, géant mondial de la levure, on vient de créer une vanille à partir de la fermentation d'une levure.

Ça a l’odeur et le goût de la vanille, mais ça n’en est pas. Et pourtant, le liquide aromatique qui sort du tube à essai est tout ce qu’il a de plus naturel. Son secret : la fermentation d’une levure. Dans le laboratoire R&D de Lesaffre, à Marquette-lez-Lille (Nord), on adore jouer les apprentis sorciers pour modeler l’alimentation de demain. « On est en train de démarrer l’industrialisation de ce nouvel arôme de vanille dans le sud de la France. Le produit ne sera pas disponible pour les particuliers mais destiné à l’agroalimentaire », annonce Christine M’Rini Puel, ancien médecin devenu responsable de la recherche chez Lesaffre.

Voilà 170 ans que cette société travaille sur le processus de fermentation. Leader mondial de la production de levure, elle a d’ailleurs été fondée dans ces faubourgs de Lille avant même que Louis Pasteur n’identifie le rôle des levures dans la fermentation. A l’époque, dans les années 1850, il était simplement question de produire du genièvre et de l’alcool de grains. La sélection de levures, qui viendra plus tard, fera la fortune de la famille Lesaffre.

« Une alternative à un produit de synthèse chimique »

Aujourd’hui, un tiers des pains pétris dans le monde l’est avec une levure fabriquée par le géant nordiste. Et le chiffre d’affaires annuel de gonfler jusqu’à 2,7 milliards d’euros en 2022. Mais après avoir fait fortune dans le pain, l’entreprise mise aujourd’hui sur la diversification dans les biotechnologies industrielles, le bien-être et la santé et, bien entendu, l’agroalimentaire, comme pour cette vanille « new age », « made in Lesaffre ». « Cette vanille est l’exemple type d’une alternative à un produit de synthèse chimique », glisse Christine M’Rini Puel. Car pour la Chambre syndicale française de la levure (CSFL), l’objectif est de supplanter les produits issus de la pétrochimie à travers l’opération « Ferment du futur ». Un programme financé par l'Etat à hauteur de 48 millions d'euros.

Christine M'Rini Puel, responsable de la R&D chez Lesaffre, à Marquette-lez-Lille, dans le Nord.
Christine M'Rini Puel, responsable de la R&D chez Lesaffre, à Marquette-lez-Lille, dans le Nord. - G.Durand

« La France est le leader mondial du secteur de la levure Il s’agit de développer la recherche pour trouver de nouvelles applications alimentaires utiles », insiste Diane Doré, secrétaire générale du CSFL. Biofertilisants, biofongicides, résines, biocarburants, probiotiques et même postbiotiques issus de la fermentation des levures sont-ils des produits d’avenir ? D’autant que ce phénomène de fermentation est quasi infini.

Champignons microscopiques dotés de superpouvoirs

Une chose est sûre, les levures sont des micro-organismes magiques, des champignons microscopiques dotés de superpouvoirs. « Dans leur fonction et dans leur génétique, elles contiennent probablement tout ce qui est à l’origine de la vie sur terre », souligne Christine M’Rini Puel. Et Lesaffre en possède une collection de 10.000 souches. Un trésor caché que l’entreprise garde précieusement à l’abri de la curiosité.

Laboratoire de recherche sur la levure, chez Lesaffre, à Marquette-lez-Lille, dans le Nord.
Laboratoire de recherche sur la levure, chez Lesaffre, à Marquette-lez-Lille, dans le Nord.  - Sébastien Siraudeau

Mais ce trésor est appelé à se multiplier dans les années à venir. « Il y a cinq ans, on pouvait étudier 10.000 souches de levures et de bactéries par an, aujourd’hui, avec la technologie moderne de notre biofonderie, on peut en étudier 100.000 par jour. C’est dire le changement d’échelle pour la recherche », indique la responsable R&D.

Selon Antoine Baule, vice-président du pôle « Ferment du futur », « les nouvelles technologies permettent de décoder le génome de levures en une journée, alors que dans les années 1990, on mettait dix ans pour un seul génome ». Des progrès vertigineux qui permettront peut-être d’identifier de nouveaux micro-organismes capables, grâce aux techniques naturelles de fermentation, « d'accélérer la révolution agricole et alimentaire ».