BY THE WEBComment la « lettre à l’Amérique » de Ben Laden est devenue virale sur TikTok

Comment la « lettre à l’Amérique » de Ben Laden, glorifiée par des jeunes aux Etats-Unis, est devenue virale sur TikTok

BY THE WEBDes jeunes Américains disent traverser une « crise existentielle » en découvrant cette lettre justifiant notamment l’attaque du 11-septembre par la situation au Proche-Orient
Photo non datée d'Oussama Ben Laden.
Photo non datée d'Oussama Ben Laden. - AFP / AFP
Philippe Berry

P.B.

L'essentiel

  • La « lettre à l'Amérique », attribuée à Oussama Ben Laden, a trouvé une nouvelle popularité ces derniers jours auprès des milléniaux américains, sur fond de guerre entre Israël et le Hamas.
  • Jeudi, TikTok a commencé de supprimer activement ces vidéos, indiquant qu'elles enfreignaient sa charte interdisant « le soutien à toute forme de terrorisme ».
  • Si l'opinion américaine soutient majoritairement Israël, les 18-34 ans, particulièrement actifs sur TikTok, penchent en faveur des Palestiniens à 52 % (contre 29 % en faveur de l’Etat hébreu).

«Allez lire cette lettre, je suis en pleine crise existentielle », « Elle m’a ouvert les yeux », « Tout ce qu’on a appris sur le Proche-Orient, le 11/9 et le "terrorisme" était un mensonge ». Dans de multiples vidéos publiées sur TikTok – mais également sur Instagram – de jeunes Américains ont partagé leur stupeur ces derniers jours face à une lettre de 2002 attribuée à Oussama Ben Laden, qui justifiait les attentats du 11 septembre, qui ont fait près de 3.000 morts, comme une réponse à l’impérialisme des Etats-Unis et à « l’oppression » des musulmans, notamment en Palestine. Une propagande ressortie de son contexte 21 ans plus tard, qui trouve un nouvel écho auprès des milléniaux, en pleine guerre Hamas-Israël.

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

Accusé d’amplifier le phénomène pour semer la discorde en Occident, TikTok, qui est menacé d’une interdiction aux Etats-Unis, assure que les vidéos « soutenant le terrorisme » sont activement supprimées. De son côté, le Guardian a effacé sa traduction de la lettre (archivée ici), renvoyant à la place vers un article offrant davantage de « contexte » à la propagande du terroriste islamiste.

Etape 1 : Des vidéos publiées la semaine dernière en lien avec le conflit entre le Hamas et Israël

Selon les volumes de recherche de Google Trends, le phénomène est resté marginal la semaine dernière.

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

Les premières vidéos publiées sur TikTok ont fait un parallèle entre la situation des Palestiniens aujourd’hui, en plein conflit entre le Hamas et Israël, et celle décrite il y a vingt ans par l’ancien leader d’Al-Qaida, tué en 2011 au Pakistan lors d’une opération autorisée par Barack Obama.

Etape 2 : Une influenceuse booste la lettre mardi

Mardi, une influenceuse lifestyle new-yorkaise, Lynette Adkins, qui comptait 177.000 followers mais a depuis effacé son compte, partage son avis dans une vidéo titrée « Je ne vais pas bien ». Elle appelle ses abonnés à aller lire la lettre, disant traverser une « crise existentielle ». La vidéo a été vue 1,6 million de fois. Le mimétisme viral fait effet, le sujet explose.

Etape 3 : « Le Guardian » supprime la traduction de la lettre mercredi

Source principale de cette redécouverte, le Guardian supprime sa traduction de la lettre. Sans surprise, l’effet « Streisand » – selon lequel toute tentative de censurer ou supprimer une information sur Internet la rend encore plus populaire – joue à plein. « Cette transcription publiée sur notre site Internet a été largement partagée sur les réseaux sociaux sans le contexte complet. Nous avons donc décidé de l’enlever et à la place de rediriger nos lecteurs vers l’article qui la contextualisait à l’origine », précise le journal.

Etape 4 : Un journaliste américain critique le phénomène (et le fait exploser)

Yashar Ali, journaliste américain suivi par plus de 700.0000 personnes sur X, dénonce le phénomène et partage une compilation des vidéos TikTok, notant qu’il en a vu « des milliers ». Selon ses recherches, de nombreux utilisateurs affirment que la lettre de Ben Laden « les a conduits à réévaluer leur perspective sur ce qui est souvent présenté comme du terrorisme, et qui peut être une forme de résistance légitime à un pouvoir hostile ». La vidéo de Yashar Ali est reprise partout. Le volume d’articles archivés par Google double dans la foulée.

Etape 5 : TikTok sévit jeudi et supprime les vidéos

« Les contenus faisant la promotion de cette lettre enfreignent clairement nos règles sur le soutien à toute forme de terrorisme », explique TikTok. La filiale internationale du groupe chinois Bytedance, qui possède un siège à Los Angeles et un à Singapour, efface la plupart des vidéos et des hashtags consacrés à la lettre de Ben Laden. Contrairement à ce qu’avancent des critiques de TikTok, il n’y a aucune preuve à l’heure actuelle que le phénomène viral ait été orchestré ou promu par l’entreprise. Les témoignages les plus populaires semblent venir de comptes authentiques existant de longue date.

20 secondes de contexte

Si l’opinion américaine reste majoritairement pro-Israël (à 54 %, contre 24 % pro-Palestiniens, et 22 % sans opinion), selon un sondage de l’université Quinnipiac (pdf) publié jeudi, il y a des divisions générationnelles et politiques majeures. Les 18-34 ans, particulièrement actifs sur TikTok, penchent en faveur des Palestiniens à 52 % (contre 29 % en faveur de l’Etat hébreu). Côté parti politique, les républicains soutiennent l’Etat hébreu à 80 %. Davantage de démocrates sympathisent en revanche avec les Palestiniens (41 %) qu’avec Israël (34 %).

Sujets liés