AGRICULTURE« Pragmatiques », ces mairies rachètent des fermes pour les sauver

« Nous ne pouvions pas rester impuissants… » Ces mairies rachètent des fermes pour les sauver

AGRICULTUREPour éviter la disparition d’exploitation agricoles, des municipalités font le choix politique et financier de les acquérir. Explications
A Pont-Saint-Martin (Loire-Atlantique) le 13 novembre 2023. Christophe Legland adjoint à l'urbanisme, Yannick Fétiveau le maire, Charles et Anne-Sophie Teruin et leurs 50 brebis.
A Pont-Saint-Martin (Loire-Atlantique) le 13 novembre 2023. Christophe Legland adjoint à l'urbanisme, Yannick Fétiveau le maire, Charles et Anne-Sophie Teruin et leurs 50 brebis. - J. Urbach / 20 Minutes / 20 Minutes
Julie Urbach

Julie Urbach

L'essentiel

  • A Pont-Saint-Martin (Loire-Atlantique), Auray (Morbihan), ou ailleurs en France, des communes font le choix de racheter des terres pour préserver leur vocation agricole.
  • C’est le concept des fermes communales, qui répondent à des motivations ou montages juridiques aussi divers que complexes, à l’heure ou les jeunes agriculteurs manquent à l’appel.

A première vue, c’est une ferme comme une autre, avec des brebis qui bêlent et des vaches qui paissent. Pourtant, l’exploitation agricole de La Moricière, l’une des plus importantes de Pont-Saint-Martin (petite commune située au sud de Nantes, en Loire-Atlantique), aurait bien pu disparaître de la carte il y a quelques mois, après le déménagement de ses exploitants.

Mais plutôt que de voir ces terres nourricières bio se transformer en centre d’entraînement équin, projet qui se dessinait faute d’agriculteurs candidats à la reprise, la mairie s’est carrément portée candidate au rachat, en février 2022, le temps de trouver un repreneur. « C’est une démarche très innovante, qui n’est normalement pas le rôle d’une commune, indique le maire Yannick Fétiveau, dont le projet, partenarial, a été retenu. Mais nous ne pouvions pas rester impuissants. Sacrifier 180 hectares de terres fertiles n’était pas envisageable. Ce n’est pas du militantisme, c’est du pragmatisme… »

Pérenniser la vocation agricole

Aux quatre coins de la France, de plus en plus de municipalités se lancent dans ce genre d’aventure afin de sauver les fermes de leur territoire, comme certaines le font pour un café ou une boulangerie. Appelées fermes communales, ces exploitations d’un nouveau genre, au montage souvent très complexe, prennent des formes diverses mais ont un seul et même objectif : pérenniser la vocation agricole et soutenir l’installation, de plus en plus compliquée, de nouveaux agriculteurs.

Car à Pont-Saint-Martin, un couple de paysans en reconversion a entre-temps investi les lieux. Ils ont racheté du matériel à la mairie et commencent déjà à rembourser les différents bâtiments, dont ils deviendront propriétaires d’ici à quelques années. La ville a convaincu les propriétaires des parcelles de signer les baux. « On a gagné du temps et de la sécurité, résume Charles Teruin, qui démarrera avec sa femme Anne-Sophie la traite et la production de fromage en mars. C’était un élément facilitateur, avec tout un environnement mobilisé autour de nous. » Le magasin de vente directe, où l’on trouvera yaourts, produits laitiers et viande, ouvrira sur place, au printemps.

A Auray, un objectif de 26 tonnes de légumes

Car derrière ces fermes communales, la notion de projet d’alimentation globale est généralement bien présente. A Auray, dans le Morbihan, c’est pour atteindre rapidement les 100 % de produits bio et locaux dans la restauration collective que la municipalité, qui y pensait « depuis longtemps », s’est lancée. En juin 2022, profitant du départ à la retraite d’un maraîcher, elle a signé un chèque de 450.000 euros pour acquérir les 4,5 hectares de terre, le bâti, et tous les équipements déjà présents sur le domaine.

Ici, 26 tonnes de légumes doivent être produits par an pour confectionner les 200 repas servis par jour à la crèche et à la maison de retraite, auxquels s’ajouteront bientôt 700 menus pour les élèves. « Une cuisine scolaire est en construction, pour arrêter la livraison de repas en barquette, et aller vers davantage de produits faits maison, explique Chloé Pététin, chargée de mission alimentation durable à la ville d’Auray. Aucun maraîcher du coin n’avait la capacité de nous fournir un tel volume. Donc c’était la seule solution ! »

Parfois, des agriculteurs salariés

Comme à Pont-Saint-Martin, un appel à projets a été lancé (en cours jusqu’au mois de janvier) pour trouver les futurs exploitants des lieux, alors que le montage juridique n’est pas encore totalement défini. Ce qui est sûr, c’est que la ferme ne sera pas en régie, c’est-à-dire que les agriculteurs ne seront pas des agents municipaux, « pour des raisons de gestion des ressources humaines », explique-t-on.

Cet étonnant modèle, avec des maraîchers aux 35 heures, est pourtant en vigueur dans d’autres communes comme à Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes), qui revendique avoir créé il y a une dizaine d’années la première régie agricole municipale. Ici, selon le site du ministère de l’agriculture, les trois agriculteurs salariés de la commune produisent sur 6 hectares « 96 % des fruits et légumes consommés par les groupes scolaires et crèches de la ville ».