intimitéComment retrouver une sexualité épanouie après une agression sexuelle ?

Violences sexuelles : Comment retrouver une sexualité épanouie après une agression ou un viol ?

intimitéLa réappropriation de son corps est essentielle pour des victimes « qui sont passées d’un état d’être humain à un état d’objet », rappelle Audrey Le Tarnec, thérapeute psychocorporelle
Près de 94.000 femmes sont victimes de viol ou de tentative de viol chaque année en France, d'après un sondage Odoxa réalisé pour « Franceinfo » et « Le Figaro » en 2017. (illustration)
Près de 94.000 femmes sont victimes de viol ou de tentative de viol chaque année en France, d'après un sondage Odoxa réalisé pour « Franceinfo » et « Le Figaro » en 2017. (illustration)  - Canva / Canva
Lise Abou Mansour

Lise Abou Mansour

L'essentiel

  • Près de 94.000 femmes sont victimes de viol ou de tentative de viol chaque année en France, d’après un sondage Odoxa réalisé pour Franceinfo et Le Figaro en 2017.
  • À l’occasion de la journée internationale pour l’éradication des violences faites à l’égard des femmes de ce samedi, 20 Minutes s’est penchée sur cette question : comment retrouver une sexualité épanouie après avoir subi des violences sexuelles ?
  • « Un viol n’est pas de la sexualité », souligne la sexothérapeute Vanessa Bertho. C’est en déconnectant les deux et en redonnant à la sexualité une image positive qu’un mieux-être est possible.

Près de 94.000 femmes sont victimes de viol ou de tentative de viol chaque année en France, d’après un sondage Odoxa réalisé pour Franceinfo et Le Figaro en 2017. Et plus d’une Française sur deux a déjà été victime de harcèlement ou d’agression sexuelle au moins une fois dans sa vie selon l’enquête « Cadre de vie et sécurité » réalisée par l’Insee en 2019.

Derrière ces chiffres vertigineux, des femmes en souffrance et des répercussions innombrables. Sur leur santé mentale mais aussi leur corps, leur relation aux autres et… leur sexualité. À l’occasion de la journée internationale pour l’éradication des violences faites à l’égard des femmes de ce samedi, 20 Minutes s’est penchée sur cette question (qui ne concerne pas que les femmes) : comment retrouver une sexualité épanouie après avoir subi des violences sexuelles ?

Désensibiliser les déclencheurs du traumatisme

Retrouver son désir passe avant tout par une prise de conscience de la violence sexuelle subie et de ses conséquences. « Beaucoup de victimes sont dans le déni et n’ont, dans un premier temps, pas conscience de l’impact que l’événement a eu sur leur sexualité », estime Audrey Le Tarnec, thérapeute psychocorporelle.

Si la sexothérapeute Vanessa Bertho rappelle d’emblée qu'« un événement traumatique peut ne pas créer de traumatisme et de réminiscence » chez la victime, des flash-back sont toutefois fréquents chez celles ayant vécu un viol ou une agression sexuelle. Ces violences peuvent générer des déclencheurs visuels, auditifs, gustatifs ou tactiles, lui faisant revivre le traumatisme à chaque étape de la relation, de la séduction au rapport sexuel.

« Le viol, comme chaque événement de vie s’inscrit en trois dimensions », explique Vanessa Bertho : la sensation (le goût, le toucher, l’odeur), l’émotion (le dégoût, par exemple) et la cognition (le souvenir de l’événement traumatique). Selon la thérapeute, il est nécessaire de couper ce triangle pour se réapproprier sa sexualité. Un travail qui peut passer par une thérapie. L’intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires, plus connue sous le nom d’EMDR, a par exemple fait ses preuves en matière de traitement des troubles de la sexualité dus à un traumatisme.

Commencer par de la tendresse

Pour Vanessa Bertho, il est primordial de distinguer violence et sexualité. « Un viol n’est pas de la sexualité », insiste-t-elle. C’est en déconnectant les deux et en redonnant à la sexualité une image positive qu’un mieux-être est possible.

Un cheminement progressif selon Céline Croizé, sexothérapeute. « On peut commencer à renouer un contact physique par de la tendresse, avec des caresses, sans connotation sexuelle. Ce pas à pas permet d’éviter que le corps ne fasse un amalgame entre ce qui est de la violence et ce qui est de l’amour car ce sont les mêmes zones qui sont touchées. »

Se réapproprier son corps

Les victimes de violences sexuelles peuvent avoir tendance à se déconnecter de leur propre corps. Un mécanisme de protection qui ne facilite pas la reprise d’une sexualité épanouissante. « Des exercices corporels d’ancrage, comme des massages, des temps de caresse sou de la tendresse, peuvent permettre de revenir à une pleine présence », explique Céline Croizé.

La réappropriation de son corps est essentielle pour des victimes « qui sont passées d’un état d’être humain à un état d’objet, rappelle Audrey Le Tarnec. L’idée est de remettre de la vie pour repasser en état d’être. » Une activité physique, de la danse, de l’expression corporelle ou artistique peuvent permettre de sortir d’un état figé et dissociatif et de se reconnecter à son corps.

La thérapeute invite également les victimes de violences à se redonner du plaisir par elles-mêmes. « Se toucher, que ce soit en se masturbant ou en se caressant sur des parties non intimes permettra de se redécouvrir et de retrouver du désir et du plaisir. » Redéfinir son envie, mais aussi ses limites. Car en se touchant, la personne peut également se rendre compte des zones désormais désagréables pour elle. Et en parler à son ou à sa partenaire.

Poser les limites de son consentement avec son partenaire

Partager ses blocages, ses peurs et ses envies s’avère souvent utile. « On n’est pas obligé de rentrer dans les détails si on ne le sent pas mais c’est important de dire qu’on a vécu quelque chose pouvant générer une réaction qui peut sembler surprenante », ajoute la sexothérapeute. Non seulement cela permettra à la victime de se sentir plus en confiance, mais aussi au partenaire d’être rassuré sur le fait qu’il n’est pas responsable de la situation (sauf évidemment dans le cas des violences sexuelles au sein du couple).

Donner un consentement éclairé et déterminer les limites des pratiques que l’autre peut ou non espérer s’avère également nécessaire. « Ce dialogue peut permettre au partenaire de donner la place à la réparation car la relation sexuelle avec l’autre fait aussi partie de la reconstruction », rappelle Audrey Le Tarnec. Car la thérapeute insiste : « Il n’est pas impossible de retrouver du désir et du plaisir. »