enquêteExtrême droite, enquête et Véran… Le point sur l’affaire Thomas à Crépol

Mort de Thomas à Crépol : Ultradroite, 104 témoins et « interprétations hâtives »… Le point sur l’enquête

enquêteSix jeunes ont été mis en examen ce dimanche dans le cadre de l’enquête sur la mort du jeune Thomas, poignardé à la sortie d’un bal de village dans la Drôme
Photo prise le 22 novembre 2023, lors de la marche blanche en hommage à Thomas, lycéen de 16 ans mortellement blessé samedi soir lors d'un bal dans le village voisin de Crépol.
Photo prise le 22 novembre 2023, lors de la marche blanche en hommage à Thomas, lycéen de 16 ans mortellement blessé samedi soir lors d'un bal dans le village voisin de Crépol. - MOURAD ALLILI/SIPA / SIPA
Marion Pignot

Marion Pignot

L'essentiel

  • Une semaine après le décès du jeune Thomas, poignardé à la sortie d’un bal de village dans la Drôme, six jeunes dont trois mineurs ont été mis en examen pour divers motifs dont « meurtres en bande organisée », et six incarcérés.
  • L’enquête qui a conduit les gendarmes à auditionner 104 témoins et à identifier rapidement les agresseurs venus de la ville voisine de Romans-sur-Isère, n’a pas encore permis d’élucider pleinement les circonstances du drame de Crépol, un bourg de la Drôme des collines.
  • Les infox circulant sur les réseaux sociaux et les « contrevérités » alimentent les tensions à Romans-sur-Isère où environ 80 militants d’ultradroite encagoulés ont défilé samedi soir, avant d’affronter les forces de l’ordre. Sur X, l’ultradroite mène depuis le drame une campagne virulente. 20 Minutes fait le point.

Six jeunes mis en examen dans le cadre de l’enquête sur la mort du jeune Thomas, poignardé à la sortie d’un bal à Crépol (Drôme), ont été incarcérés et trois autres placés sous contrôle judiciaire, a déclaré ce dimanche le procureur de la République à Valence Laurent de Caigny. Un procureur qui, dans la foulée, a voulu faire savoir qu’à « ce stade, l’élucidation des faits commis à Crépol n’est pas achevée ». Laurent de Caigny s’est refusé à tout détail sur les identités de chacun des suspects « pour des raisons évidentes de protection » des personnes et de l’enquête. 20 Minutes fait le point sur cette affaire alors que le porte-parole du gouvernement Olivier Véran se rendra demain, lundi, à Crépol « pour exprimer le soutien et la solidarité de la nation aux victimes, aux habitants et aux élus de la commune ».

Que s’est-il passé à Crépol il y a une semaine ?

Vendredi, l’émotion était vive pendant les funérailles de Thomas, célébrées en présence d’environ 2.000 personnes. Le jeune homme de 16 ans a été blessé par un coup de couteau lors du bal d’hiver organisé dans la salle des fêtes de Crépol, dans la nuit du samedi 18 au dimanche 19 novembre. « Il semblerait que ce soit une bagarre qui a dégénéré. Les choses ont dépassé l’entendement de manière fortuite et imprévue, non organisée et non coordonnée », avancent depuis les avocats des jeunes mis en examen, Me Guillaume Fort et Bilel Hakkar.

Car la nuit du drame, un homme de 20 ans, désigné comme l’auteur des coups mortels, s’était rendu avec d’autres au bal réunissant environ 400 personnes. Selon les premiers éléments de l’enquête, une altercation entamée à l’intérieur, peut-être liée à une remarque sur la coupe de cheveux de l’un des mis en cause, s’était poursuivie à l’extérieur.

Au moment de la violente altercation, alors que la soirée s’achève et que la salle des fêtes commence à se vider, d’autres jeunes étaient arrivés dans un ou deux véhicules à vive allure. A bord de ces derniers, des passagers jugés « hostiles », selon le communiqué du parquet. Le groupe finit par s’enfuir à bord de plusieurs véhicules.

Thomas, capitaine de l’équipe de rugby du RC Romans Péage, décédera lors de son transport à l’hôpital. Les violences ont également fait huit blessés, dont trois graves.

Où en sont les mises en examen ?

Samedi, une semaine après les violences commises à Crépol et après 96 heures de garde à vue, neuf suspects, dont trois mineurs, ont été transférés au palais de justice de Valence. Le parquet avait requis l’ouverture d’une information judiciaire pour « meurtre en bande organisée », « tentatives de meurtre » ou « violences volontaires commises en réunion ».

« Les neuf personnes ont été mises en examen conformément aux demandes du parquet, a écrit le procureur de la République, Laurent de Caigny. Six personnes dont deux mineurs ont été incarcérées en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention. Trois personnes dont un mineur ont été placées sous contrôle judiciaire. » Ces jeunes reconnaissent pour la plupart avoir été à Crépol mais nient avoir porté des coups de couteau.

Où en est l’enquête ?

L’enquête qui a conduit les gendarmes à auditionner 104 témoins et à identifier rapidement les agresseurs venus de la ville voisine de Romans-sur-Isère, n’a pas encore permis d’élucider pleinement les circonstances du drame de Crépol. Mais les premiers éléments dessinent le scénario de violences survenues pour un « motif futile » et non d’une attaque préméditée visant les invités du bal en raison de leur appartenance à une « prétendue race, ethnie, nation ou religion déterminée », selon le procureur de la République de Valence.

Samedi, Laurent de Caigny a souligné que les auditions menées depuis le drame n’ont pas encore permis « l’élucidation des faits » et notamment de déterminer les mobiles, le scénario des passages à l’acte, ni tous les auteurs. « Tous les individus extérieurs à Crépol sont décrits comme portant des coups, certains des coups de couteau », des cris et des insultes sont entendus, neuf témoins sur les 104 auditionnés entendent des propos hostiles « aux blancs », 12 relatent avoir entendu « ça plante ». Celui qui avait été désigné comme l’auteur des coups mortels « n’a pas été reconnu » par le témoin qui l’avait désigné, a également noté Laurent de Caigny.

Pourquoi aucun détail sur les suspects n’est donné par le procureur ?

Tout ce que l’on sait c’est que les neuf jeunes ont été arrêtés à Toulouse et Romans-sur-Isère dans l’enquête ouverte par les gendarmes. Trois sont des mineurs de plus de 16 ans, les autres ont de 19 à 22 ans. Certains sont connus de la justice. « A ce stade, l’élucidation des faits commis à Crépol n’est pas achevée », a encore déclaré dimanche le procureur de la République à Valence Laurent de Caigny en se refusant à tout détail sur les identités et les charges précises retenues contre chaque suspect « pour des raisons évidentes de protection » des personnes et de l’enquête.

Même si « les mobiles et les motivations des agresseurs ne sont pas clairement établis », l’enquête ne permet pas à ce stade d’affirmer que les victimes ont pu être visées en raison de leur appartenance à une « prétendue race, une ethnie, une nation ou une religion déterminée », a précisé le procureur. « Le scénario même des passages à l’acte, les mobiles et l’identification de tous les auteurs des faits ne sauraient se résumer à des dénonciations sans preuve, des spéculations ou des interprétations hâtives », a mis en garde le procureur alors que le drame a suscité une avalanche de réactions de l’extrême droite, et de la droite sur le thème de l’insécurité et de l’immigration.

Quelles sont les réactions depuis le drame ?

Plus de 6.000 personnes ont défilé mercredi à Romans-sur-Isère en mémoire de Thomas, lors d’une grande marche blanche déclarée apolitique, alors que l’ultradroite mène depuis le drame une campagne virulente sur les réseaux sociaux. Samedi soir, environ 80 militants d’ultradroite encagoulés ont ainsi défilé aux abords du quartier populaire de la Monnaie, à Romans-sur-Isère, aux cris de « Islam hors d’Europe », « la France nous appartient » ou encore « Europe, jeunesse, révolution ». Ils ont ensuite affronté les forces de l’ordre qui ont interpellé 20 personnes, a indiqué la préfecture de la Drôme.

Un militant de 20 ans à la mouvance d’ultradroite a été grièvement blessé. Ce jeune membre de l’ultradroite, venant de Mayenne, a été « sorti de sa voiture de force », puis « tabassé » et son véhicule « brûlé », « il a été fortement contusionné », a déclaré le préfet de la Drôme Thierry Devimeux au cours d’un point de presse relayé par BFM TV et France 3.

L’ultradroite a également diffusé des images de « cortèges spontanés en hommage à Thomas avec des drapeaux français », tournées, selon elle, à Valence vendredi soir. Samedi matin, une mosquée de Valence a reçu un courrier islamophobe évoquant le drame de Crépol tandis que des tags islamophobes, dont un réclamant « justice pour Thomas » ont été découverts sur les murs de la mosquée de Cherbourg-en-Cotentin (Manche). Et depuis samedi, sur les réseaux sociaux, des influenceurs identitaires qui qualifient la mort de Thomas « d’attentat terroriste », de « francocide » continuent d’appeler à la guerre civile et à la vengeance.

Tout sur la mort de Thomas à Crépol

Un nouvel hommage doit être rendu à Thomas ce dimanche sous forme d’une minute de silence lors des matchs de rugby, un sport qu’il pratiquait.