enqueteLe procès de Monique Olivier, première victoire pour le pôle « cold case »

Procès de Monique Olivier : Un espoir pour les proches des victimes… Le pôle « cold case » tient sa première victoire

enqueteLe procès de l’ex-épouse de Michel Fourniret est le premier à l’initiative du pôle dédié aux affaires non élucidées, créé en mars 2022
Affaire Fourniret : Quelle était l’implication de Monique Olivier dans les meurtres de l’ogre ?
Thibaut Chevillard

Thibaut Chevillard

L'essentiel

  • Vingt ans après la disparition d’Estelle Mouzin, Monique Olivier, l’ex-épouse du tueur en série Michel Fourniret, décédé en 2021, est jugée devant la cour d’assises des Hauts-de-Seine à partir du 28 novembre pour complicité dans l’enlèvement de la fillette de 9 ans, en 2003 à Guermantes (Seine-et-Marne).
  • Elle comparaît aussi pour complicité dans l’enlèvement, le viol et le meurtre de Marie-Angèle Domèce en 1988, et de Joanna Parrish, une ressortissante britannique, en 1990.
  • Son procès doit durer trois semaines. Il sera le premier du pôle « cold case », dédié aux affaires non élucidées. Cette division inédite, installée le 1er mars 2022 au tribunal judiciaire de Nanterre (Hauts-de-Seine), s’attaque à des affaires parfois vieilles d’un demi-siècle qui ont résisté aux enquêteurs des quatre coins du pays.

Sa mission : fouiller le passé, rouvrir des portes que d’autres avaient refermées. Et la méthode semble fonctionner. L’un des premiers dossiers dont s’est saisi à sa création, en mars 2022, le pôle « cold case », a débouché sur un procès. Et pas n’importe lequel. Monique Olivier est jugée devant la cour d’assises des Hauts-de-Seine à partir du 28 novembre. L’ex-épouse du tueur en série Michel Fourniret, décédé en 2021, comparait pour complicité dans l’enlèvement d’Estelle Mouzin, 9 ans, en 2003, ainsi que dans l’enlèvement, le meurtre et le viol de deux jeunes femmes : Marie-Angèle Domèce, 19 ans, en 1988, et Joanna Parrish, une Britannique de 21 ans, en 1990.

Pour l’avocat des familles des victimes, Me Didier Seban, ce sont les « erreurs » commises lors de ces enquêtes qui sont à « l’origine » de la création de cette division installée au tribunal judiciaire de Nanterre, dédiée aux crimes sériels ou non élucidés. Elle s'attaque aux affaires complexes, vieilles de plusieurs dizaines d’années, qui ont résisté aux enquêteurs des quatre coins du pays. L’idée de créer un pôle spécialisé a été soumise au garde des Sceaux en février 2021, par un groupe de travail chargé de réfléchir à l’amélioration du traitement judiciaire des affaires non élucidées et sérielles.

82 informations judiciaires ouvertes

A sa tête, le magistrat Jacques Dallest, qui était alors procureur général près la cour d’appel de Grenoble. Il est parti du constat que « les juges ou procureurs ordinaires sont des généralistes et des urgentistes », débordés par « les affaires de flagrant délit, de délinquance de voie publique, de trafics ». « Même s’ils sont de bonne volonté, ils auront toujours du mal à trouver du temps pour se plonger dans ces dossiers de crimes non élucidés, qui sont des affaires complexes, explique à 20 Minutes le magistrat, désormais retraité. Il faut une disponibilité, une envie, une volonté. Et c’est incompatible avec les urgences quotidiennes qui tombent de tous les côtés. » Pourtant, ajoute-t-il, le risque avec les affaires non élucidées est « qu’un auteur impuni recommence ».

La création du pôle « cold case » a été annoncée en janvier 2022 par le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti. Et sa coordination a été confiée à la juge d’instruction Sabine Kheris, connue pour avoir obtenu des aveux de Michel Fourniret concernant son implication dans l’enlèvement et la mort d’Estelle Mouzin. Depuis son installation, cette division a analysé plus de 270 dossiers et ouvert 82 informations judiciaires, réparties entre trois cabinets d’instruction, et 17 enquêtes préliminaires, dirigées par le parquet.

Un espoir pour les familles des victimes

Parmi les dossiers sensibles transmis à Nanterre, celui de la tuerie de Chevaline, le quadruple meurtre ayant eu lieu en 2012 dans les Alpes. Celui de Marion Wagon, 10 ans, en 1996, à Agen. Et celui de Lydie Logé, disparue à 29 ans dans l’Orne en 1993, et dans lequel Michel Fourniret a été mis en examen en 2020.

Pour les proches des victimes, la création du pôle représente un espoir. « Leurs dossiers ne sont plus au fond d’un placard à prendre la poussière pendant qu’on s’occupe des affaires plus récentes. Ils sont sur le bureau du juge et prioritaires, cela change tout », souligne Me Seban. Si l’avocat salue la « mentalité » nouvelle des magistrats affectés à ce pôle, il regrette que les services d’enquête spécialisés n’aient pas été renforcés. « Localement », dit-il, traiter les affaires non élucidées « n’est pas la priorité des enquêteurs des sections de recherche de la gendarmerie ou des services de police judiciaire. (…) A Grenoble, il y a trois enquêteurs dédiés aux cold case au sein de la SR. Il faudrait que cet exemple soit décliné dans d’autres unités de police ou de gendarmerie. »

« Un bel outil, qui doit être renforcé certainement »

La France est le premier pays à avoir créé un pôle national dédié aux affaires non élucidées, rappelle Jacques Dallest. Cette division a pour ambition de contribuer à la constitution d’une mémoire criminelle nationale, puis européenne.

L’ancien magistrat souligne l’importance d’avoir confié ces dossiers compliqués à des magistrats « plus impliqués, qui ont des connaissances accrues en police scientifique – une matière qui évolue tout le temps – , et qui maîtrisent des techniques d’interrogatoire ». Le pôle « est un bel outil, qui doit être renforcé certainement, estime-t-il. Il ne faut pas espérer que 80 % des dossiers qu’il traitera soient résolus, ça serait trop beau et quasiment impossible ».