La solitudineLa solitude, aussi dangereuse que le tabagisme pour la santé ?

Pourquoi la solitude est (presque) aussi dangereuse que le tabagisme pour la santé

La solitudineL’OMS a annoncé le 15 novembre la création d’une Commission sur le lien social, en qualifiant la solitude de « menace urgente » pour la santé
En France, près d'une personne sur trois se sent tous les jours ou souvent seule selon une étude réalisée par l'Observatoire des vulnérabilités du Crédoc en juin 2022.
En France, près d'une personne sur trois se sent tous les jours ou souvent seule selon une étude réalisée par l'Observatoire des vulnérabilités du Crédoc en juin 2022. - Canva / Canva
Lise Abou Mansour

Lise Abou Mansour

L'essentiel

  • Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la solitude aurait un impact aussi négatif sur la santé qu’un tabagisme quotidien, une forte consommation d’alcool ou une obésité.
  • En France, près d’une personne sur trois se sent tous les jours ou souvent seule, selon une étude réalisée par l’Observatoire des vulnérabilités du Crédoc en juin 2022.
  • « Quand les gens manquent de liens sociaux, leur risque d’anxiété et de dépression augmente. Tout comme celui de maladie cardiovasculaire (29 %), de démence (50 %) et d’infarctus (32 %) », explique Vivek Murthy, l’administrateur de la Santé publique des Etats-Unis, dans une tribune publiée dans le New York Times.

«My loneliness is killing me » (ma solitude est en train de me tuer), chantait Britney Spears fin 1998 dans le titre Baby One more time. La star de la pop ne croyait pas si bien dire… Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la solitude aurait un impact aussi négatif sur la santé qu’un tabagisme quotidien, une forte consommation d’alcool ou une obésité. Le 15 novembre, l’organisme a même annoncé la création d’une commission sur le lien social, en qualifiant la solitude de « menace urgente » pour la santé.

En France, près d’une personne sur trois se sent tous les jours ou souvent seule, selon une étude réalisée par l’Observatoire des vulnérabilités du Crédoc en juin 2022. Ils étaient moins d’un sur cinq en avril 2020. Et le manque d’interactions sociales ne touche pas que les personnes âgées. Selon une enquête de la Fondation de France, 21 % des 15-30 ans se trouvaient en situation d’isolement en 2021.

Si l’isolement social consiste en une insuffisance de relations sociales, la solitude concerne, elle, « la douleur sociale liée au fait de ne pas se sentir en lien avec autrui », explique l’OMS. « La solitude choisie peut être très appréciée voire est essentielle au bien-être, précise Sandra Hoibian, directrice générale du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc). C’est la solitude involontaire qui peut être délétère. »

Démence, infarctus et AVC

Dans une tribune publiée en avril dernier dans le New York Times, Vivek Murthy, l’administrateur de la Santé publique des Etats-Unis, explique que lorsque les gens manquent de liens sociaux, leur risque de développer une maladie cardiovasculaire augmente de 29 %, de 50 % pour la démence et de 32 % pour l’infarctus. « Le risque accru de décès prématuré associé à la déconnexion sociale est comparable au fait de fumer quotidiennement – ​​et peut être même plus élevé que le risque associé à l’obésité », ajoute-t-il.

Une étude de l’American Heart Association, publiée le 4 août 2022, va dans ce sens. Elle montre que les personnes seules ou se sentant seules auraient 32 % plus de risque de faire un AVC, et 29 % plus de risque de faire une crise cardiaque. Pour rappel, le fait de fumer quotidiennement multiplie par deux le risque de faire un AVC et par trois celui d’infarctus du myocarde.

Le manque d’interactions sociales aurait aussi un impact sur la forme physique. Selon une étude de mars 2023 réalisée par des chercheurs des universités de Vienne et de Cambridge, huit heures d’isolement social auraient un effet comparable en matière de baisse d’énergie à huit heures de privation de nourriture.

Dépression, anxiété et addictions

Des ravages sur le corps donc, mais aussi dans la tête. Des chercheurs de l’University College London (UCL) se sont intéressés à la relation entre les symptômes dépressifs et la solitude chez les personnes âgées vivant au Royaume-Uni. L’étude réalisée sur plus de 4.000 personnes de plus de 50 ans suivies sur douze ans montre que celles qui se sentaient seules présentaient davantage de symptômes dépressifs. Une tendance qui s’accentuait avec le temps. D’autres études montrent un lien similaire avec l’anxiété, les addictions et le risque suicidaire.

Voilà pour les conséquences. Et les causes ? Plusieurs chercheurs ont tenté de comprendre le lien entre solitude et détérioration de la santé. Certaines études suggèrent que le manque de relations sociales altère les facultés cognitives. L’une d’elles, publiée dans le New England Journal of Medicine montre ainsi les effets délétères de l’isolement sur le cerveau. Les chercheurs ont analysé l’activité cérébrale d’explorateurs ayant passé plus d’un an isolés en Antarctique, avant et après leur mission. Selon les résultats des IRM, l’hippocampe, la zone du cerveau responsable de la mémoire et de l’apprentissage, avait considérablement diminué après quatorze mois.

Maladie de Parkinson

Dernière étude en date sur le sujet : des chercheurs de la Florida State University ont publié le 2 octobre une vaste analyse établissant pour la première fois un lien entre solitude et survenue de la maladie de Parkinson. Près de 500.000 personnes ont été suivies sur quinze ans au Royaume-Uni. Résultat : les personnes seules présentent un risque accru de 37 % d’incidence de cette maladie neurodégénérative.

Après le constat, les solutions. La nouvelle commission de l’OMS devrait présenter, dans trois ans, des idées pour « développer des liens sociaux à grande échelle ». Bientôt des prescriptions d’interactions sociales ?