PROCESMonique Olivier affirme avoir été « instrumentalisée » par Michel Fourniret

Procès de Monique Olivier : « Dangereuse ? Moi ? »... Au premier jour de son procès, l’accusée minimise son rôle

PROCESLe procès de Monique Olivier s’est ouvert ce mardi devant la cour d’assises de Nanterre. La cour s’est longuement penchée sur le parcours de la tueuse.
Le procès de Monique Olivier, l'ex-femme de Michel Fourniret, s'est ouvert ce mardi devant la cour d'assises de Nanterre. Le couple a été marié pendant 21 ans.
Le procès de Monique Olivier, l'ex-femme de Michel Fourniret, s'est ouvert ce mardi devant la cour d'assises de Nanterre. Le couple a été marié pendant 21 ans.  - Miguel Medina / AFP / AFP
Caroline Politi

Caroline Politi

L'essentiel

  • Monique Olivier est jugée à partir de ce mardi pour complicité dans l’enlèvement et la séquestration d’Estelle Mouzin en 2003, ainsi que dans l’enlèvement et le meurtre de Marie-Angèle Domèce en 1988 et de Joanna Parrish en 1990.
  • Monique Olivier a déjà été condamnée à la perpétuité pour quatre meurtres et un viol en réunion en 2008, et à une peine de vingt ans en 2018 pour un meurtre crapuleux.
  • Si elle reconnaît son implication, elle affirme avoir été « instrumentalisée » par Michel Fourniret.

A la cour d’assises de Nanterre,

Son arrivée dans le box des accusés a presque provoqué une émeute dans la cour d’assises de Nanterre. Des dizaines de photographes et de cameramans se pressent et se bousculent pour tirer le portrait de la septuagénaire. Voûtée, le regard morne, Monique Olivier apparaît un sweat blanc sur le dos, ses cheveux gris coupés court encadrent son visage pâle. Les flashs crépitent. Il s’agit là d’immortaliser la « femme de l’ogre », Michel Fourniret. Le tueur en série, qui fut son mari pendant 21 ans, est mort en mai 2021. C’est donc seule qu’elle doit répondre de complicité pour trois crimes : les enlèvements et les meurtres de Marie-Angèle Domèce, en 1988 et de Joanna Parrish, en 1990 ainsi que l’enlèvement d’Estelle Mouzin, en 2003. Elles seraient la 3e, la 7e et la 13e victime du couple*.

Ce mardi, pendant plus de quatre heures, la cour a remonté le temps, tenté de comprendre les ressorts de ce tandem meurtrier. Avant de rencontrer Monique Olivier, Michel Fourniret n’avait jamais tué. Et les experts en ont la conviction, elle ne serait jamais devenue une telle criminelle sans lui. Leur rencontre, au printemps 1987, naît d’une petite annonce passée dans un magazine catholique, Le Pèlerin. « Prisonnier aimerait correspondre avec personne de tout âge pour oublier solitude. » A cette époque, Monique Olivier a 38 ans et vit dans le sud de la France. Elle a quitté quelques mois auparavant celui qui fut son compagnon pendant plus de 15 ans, le père de ses deux premiers fils. L’homme était violent, soutient-elle. Il aurait même essayé de la noyer dans la baignoire. Lui, a toujours nié. « Il n’allait pas s’en vanter », lâche-t-elle. En partant, elle a renoncé à la garde de ses enfants. Elle s’est rapidement remariée avec un Américain mais la relation bat de l’aile au moment où elle entame une relation épistolaire avec le « prisonnier ».

« C’était plutôt ridicule d’être à la recherche de la virginité »

L’homme en question, c’est Michel Fourniret. Leur correspondance est intense. Près de 200 lettres échangées en huit mois. « Lorsque j’ai commencé à lui écrire j’étais seule. Ça me plaisait de recevoir du courrier. Je voulais exister pour quelqu’un », raconte-t-elle à voix basse. Si elle était plutôt bavarde au début de son interrogatoire, parlant longuement de son ancien mari, les mots sortent au compte-goutte lorsque le président, Didier Safar, tente d’approfondir sa relation avec le tueur en série.

Dans ses lettres, elle l’appelle « Sherkane », « mon fauve ». Lui « ma mésange ». « C’est stupide, un genre de correspondance d’adolescents », affirme-t-elle. Leurs échanges, pourtant, n’ont pas la légèreté des relations naissantes. Missives après missives, Michel Fourniret lui confie son obsession. Laquelle, interroge le président. « Rencontrer une jeune personne », minore-t-elle dans un murmure. « Une jeune vierge », insiste le magistrat. A-t-elle été choquée par cette confidence ? « Disons que c’était plutôt ridicule d’être à la recherche de la virginité. » L’accusée l’assure, pour elle ce n’était que des « mots ». « Simplement de l’écriture ». Leur première rencontre a pourtant lieu à la cour d’assises d’Evry : Michel Fourniret est alors jugé pour une série de viols et agressions sexuelles. Crimes pour lesquels il sera condamné ce jour-là.

« Je regrette d’avoir fait tout ça… »

Au fil de leurs échanges, un pacte se noue. Il lui promet de tuer son ex-mari si elle l’aide à trouver des jeunes vierges. « Parfois, on fait des promesses mais on ne les tient pas », tente de se défendre Monique Olivier. « Mais dans votre cas, vous les tenez… », rétorque le président. « Oui, ça s’est réalisé… », murmure-t-elle. En octobre 1987, Michel Fourniret est libéré pour « conduite exemplaire ». Il a purgé l’essentiel de sa peine en détention provisoire. Le couple s’installe alors dans l’Yonne, près d’Auxerre. Deux mois plus tard, ils commettent leur premier crime : celui d’Isabelle Laville, 17 ans. Le premier d’une longue série dont les enquêteurs ignorent encore probablement l’ampleur. « Je regrette d’avoir fait tout ça », lâche-t-elle d'une voix à peine audible.

Si elle reconnaît son implication dans ces meurtres, Monique Olivier assure n’avoir fait « qu’obéir ». D’ailleurs, lorsqu’un avocat des parties civiles l’interroge sur sa dangerosité, elle s’étonne. « Dangereuse ? Moi ? Je ne suis pas du tout dangereuse », dit-elle dans un éclat de rire. Elle affirme avoir été « instrumentalisée » par Michel Fourniret, avoir simplement « obéi ». Il s’est servi d’elle – y compris lorsqu’elle était enceinte – et de leur jeune fils, Sélim, pour « rassurer » les victimes et les pousser à monter dans le véhicule. Elle connaissant pourtant parfaitement le funeste destin qui les attendait.

Pourquoi n’est-elle pas partie si elle ne cautionnait pas les crimes de Michel Fourniret ? « J’étais incapable de me débrouiller seule », jure-t-elle. Le président s’étonne. Elle a rompu avec ses deux précédents compagnons, pourquoi pas cette fois-ci ? Monique Olivier jure qu’elle avait « peur ». Certes, il n’a jamais levé la main sur elle, reconnaît-elle, mais elle savait « ce qu’il était capable de faire ». Pendant l’instruction, elle a cependant admis l’avoir giflé sans que celui-ci ne réagisse.

« J’avais peur de la prison »

Et pourquoi alors ne pas le dénoncer ? « J’avais peur de la prison », répond-elle du tac au tac. Elle attendra 2004, plusieurs mois après l’interpellation de Michel Fourniret, pour parler. L’homme a été interpellé quelques mois auparavant en Belgique pour avoir tenté d’enlever une adolescente. Celle-ci est parvenue à s’enfuir et un automobiliste, témoin de la scène a donné l’alerte. Mais le criminel reste muet. Il est sur le point d’être relâché lorsque Monique Olivier commence à parler. Elle avoue deux crimes. Puis bientôt dix. « J’en avais assez, il fallait que ça s’arrête », confie-t-elle. Et d’ajouter : « Je ne suis pas innocente. En le dénonçant, je savais que j’allais suivre. C’était mérité. » Le procès est prévu pour durer trois semaines.

* Parmi ces treize victimes identifiées, trois ont survécu. Les enquêteurs travaillent sur d'autres dossiers.