CLAQUEAvec le rejet de la loi immigration, l’effondrement du « en même temps »

Projet de loi immigration : Le jour où le mirage du « en même temps » du gouvernement s’est effacé

CLAQUEL’Assemblée a rejeté dès le premier jour le projet de loi de Gérald Darmanin, un camouflet qui pendait au nez du gouvernement depuis le début de la législature
Rejet de la loi immigration : «Un désaveu extrêmement puissant» réagissent les députés
Rachel Garrat-Valcarcel

Rachel Garrat-Valcarcel

L'essentiel

  • L’Assemblée nationale a rejeté d’emblée, ce lundi, sans même en venir au débat, le projet de loi immigration.
  • Cette défaite est un camouflet pour le gouvernement, qui n’a que des mauvaises options face à lui.
  • Ce vote marque aussi l’échec de l’exécutif à trouver une méthode de gouvernement en contexte minoritaire. Un échec venu de loin.

Il serait un peu arrogant de prétendre qu’on avait senti dans l’air le résultat d’un vote qui s’est joué à trois voix. Mais alors que l’écologiste Benjamin Lucas est à la tribune pour défendre la motion de rejet préalable contre le projet de loi immigration, qui arrivait aujourd’hui à l’Assemblée nationale, il a fait face à un brouhaha de hall de gare, sans les invectives habituelles. L’hémicycle est déjà sur autre chose, notamment sur les bancs LR et RN, qui n’ont même pas pris la peine de railler le discours de gauche qu’était en train de tenir le député des Yvelines. L’affaire était dans le sac, sans qu’on ne le sache avec certitude à ce moment-là.

On se demande même si Gérald Darmanin, clairement pas dans son meilleur jour au micro, n’a pas vu le boulet lui foncer dessus. « Ne pas parler d’immigration aujourd’hui, refuser le débat, c’est refuser ce que demandent les Français », estime le ministre de l’Intérieur en introduction avant d’oser un « Qui a peur du débat ? ». « Vous ! », ont crié en chœur des oppositions. Trop faciles, presque toutes ont fait référence à la vingtaine de 49.3 utilisés par Elisabeth Borne depuis son entrée à Matignon.

« Principe de réalité »

« Quand on appartient à un gouvernement à ce point adepte des 49.3, on ne donne pas de leçons en matière de démocratie », lance Edwige Diaz du RN, qui a donc annoncé le vote par son groupe de la motion de rejet. Olivier Marleix, président du groupe LR, fait de même quelques minutes plus tard et plonge le gouvernement dans la catastrophe tant redoutée : 270 voix pour, 265 voix contre, le projet de loi immigration est rejeté d’emblée par l’Assemblée nationale.

Un coup de tonnerre salué par d’intenses cris de joie, à gauche comme à droite. Chez les macronistes, on ressort sonné de l’hémicycle et on vise ce « drôle de mariage » entre les différentes oppositions : « Notre crédibilité, notre responsabilité, c’est de débattre, pas de faire des coups politiques », cingle le député MoDem Erwan Balanant. Charles Sitzenstuhl, député Renaissance, le dit aussi « mais il y a un principe de réalité, les équilibres du texte ne passent pas à l’Assemblée nationale. On le sait depuis le début, c’est un texte maudit, mal emmanché. Il faut passer à autre chose, ce texte plombe le quinquennat depuis un an. »

Un échec qui vient de loin

Certes, le projet de loi est tombé sur une alliance de la carpe et du lapin, mais les oppositions n’ont pas voté sur un programme de gouvernement de coalition entre l’ex-Nupes, LR et le RN. L’échec, c’est celui de la méthode du gouvernement dans un contexte minoritaire. Elisabeth Borne et Emmanuel Macron répètent assez souvent que de nombreux textes ont été adoptés depuis les législatives de 2022, ce qui est vrai. Mais ces victoires, sur des textes souvent mineurs, presque exclusivement grâce aux LR, les ont bercés d’illusions. Quand le gouvernement met en avant des projets qu’il juge, lui, équilibré, comme ici sur l’immigration ou plus tôt sur les retraites, c’est l’échec.

Le vote de ce lundi 11 décembre ressemble fort à la disparition du mirage du « en même temps » macroniste. Mirage, car le « en même temps » est un astre mort depuis longtemps. Ce qui s’est passé aujourd’hui aurait en effet tout aussi bien pu se passer le 20 mars, lors du vote sur la motion de censure, mais la pièce est tombée de l’autre côté, cette fois-là à neuf voix près. Cela aurait pu aussi se passer le 16 mars, si le gouvernement était allé au vote sur la réforme des retraites, mais il a été bien aidé par le 49.3, encore lui.

Dramatisation perdante

Retraite hier, immigration aujourd’hui, les contextes se ressemblent d’ailleurs étrangement. Il y a d’abord le choix de mettre l’accent sur les projets de lois les plus abrasifs, jugé pas nécessaire par les spécialistes (pour les retraites) ou pas prioritaire dans les préoccupations des Français d’après les sondages (pour l’immigration). Il y a une majorité trop confiante après un passage relativement facile par le Sénat.

Il y a enfin une dramatisation des enjeux à mesure que le sol se dérobe sous les pieds des macronistes. C’est ce qui est arrivé, entre autres, à Gérald Darmanin ces derniers jours en ciblant très fort les LR, et notamment le patron de leur groupe, Olivier Marleix : « Il n’est pas contre le texte, mais dans une obsession personnelle contre moi », a-t-il déclaré dans Le Parisien. Le ministre de l’Intérieur n’a rien fait d’autre que se tirer une balle dans le pied.

A trop dramatiser d’éventuelles défaites, le gouvernement courrait le risque de se retrouver dans une situation dramatique. Il y est désormais. Gérald Darmanin n’a d’ailleurs pas nié l’échec dans le 20 Heures de TF1 ce lundi soir. Maintenant, l’exécutif ne semble avoir sur son bureau que des mauvaises options : Négocier avec LR au Sénat ? C’est la fracture de la majorité à l’Assemblée assurée. Le retrait pur et simple ? Un affaiblissement définitif du gouvernement, au minimum d’un de ses hommes clé, Gérald Darmanin. Certains ont même parlé d’une dissolution, mais qui pense vraiment que le bloc macroniste pourrait ressortir vainqueur d’une courte campagne lancée sur le thème de l’immigration ?