le bourdonPourquoi les apiculteurs français croulent-ils sous les stocks de miel ?

Mais pourquoi les apiculteurs français sont-ils englués dans leurs stocks de miel ?

le bourdonLes apiculteurs de nos campagnes sont confrontés à une « mévente » inédite de leur miel au profit de pots d’importation, dont certains se passent même d’abeilles
Cette année 20.000 tonnes de miel français n'ont pas trouvé preneur. Illustration.
Cette année 20.000 tonnes de miel français n'ont pas trouvé preneur. Illustration. - Sergei Malgavko  / Tass SIPA
Hélène Ménal

Hélène Ménal

L'essentiel

  • Confrontés à des volumes d’importation inédits, les apiculteurs français peinent à écouler leur miel.
  • La concurrence à bas prix venu d’Europe de l’Est et d’Asie est selon eux loin de garantir la qualité des produits. Il y a même du « faux miel » qui circule dans les rayons.
  • Les professionnels et amateurs comptent sur les pouvoirs publics pour endiguer le phénomène mais aussi sur la solidarité et la vigilance des consommateurs.

Entre les essaims de frelons asiatiques, les printemps en plein hiver, les étés à rallonge, et les pesticides, les fléaux s’abattent les uns après les autres sur les quelque 3.000 apiculteurs français, sans compter les 60.000 amateurs. Dans un pays qui consomme 45.000 tonnes de miel par an, leur problème devrait essentiellement être d’en produire assez pour rassasier tout le monde. « Pourtant, on a de plus en plus de mal à le vendre », souligne Olivier Fernandez, le président du Syndicat des apiculteurs d’Occitanie.

Cette année particulièrement, 20.000 tonnes récoltées dans l’Hexagone, soit l’équivalent d’une année de production, dorment encore sur des palettes dans les fermes en attendant preneur. « Il y a même des petits producteurs qui n’arrivent plus à écouler leurs pots en vente directe sur les marchés », assure Muriel Pascal, membre de la commission apicole de la Confédération paysanne.

« Sirop de synthèse »

Alors quelle est cette nouvelle avanie qui rend le miel national si amer ? « Le miel d’importation », répondent les « apiculteurs en colère », fédérés depuis quelques semaines dans une boucle WhatsApp partie de l’Indre et de la Normandie et qui a rapidement dépassé les 500 abonnés. Les spécialistes des ruches attribuent leurs déboires aux « négociants en gros » qui fournissent les grandes surfaces et qui ont pris l’habitude d’acheter d’énormes quantités de miel en Europe de l’Est et en Asie. « La production française a un peu baissé et on n’a pas été assez vigilants au départ, maintenant les entrepôts débordent de miel d’importation à 2 euros le kilo, produit dans des normes qui sont différentes des nôtres », peste Muriel Pascal.

Du miel à bas prix, et même parfois du « faux miel » ajoute Olivier Fernandez, « où l’on a rajouté du sirop synthèse et du sucre ». D’après la Confédération paysanne, les rares contrôles opérés aux frontières de l’Union européenne ont détecté 46 % de miel mal étiqueté quand il n’était pas frelaté. « En France, ce taux grimpe à 80 % », dit Muriel Pascal.

Prenez quelques minutes en rayon et chaussez vos lunettes

Evidemment la profession se mobilise. Elle a manifesté à Paris le 30 novembre et attend un nouveau rendez-vous d’ici une dizaine de jours au ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire (Masa). Elle demande un fonds d’urgence pour aider les apiculteurs en détresse, mais aussi une « clause de sauvegarde », un prix minimum au kilo pour l’importation. « On le fait bien pour la viande, pourquoi pas pour le miel ? », demande Olivier Fernandez

Mais les producteurs de miel comptent aussi sur la solidarité des consommateurs. Ils vont les aider dans ces prochains jours lors d’opérations coup de poing dans les grandes surfaces, en étiquetant les pots – ou tubes – douteux. « Et si vous trouvez du miel à moins de 2 euros le kilo, il ne faut pas le prendre ! », conseille Muriel Pascal. Mais un prix trop bas n’est pas indice suffisant pour passer son chemin. Car, le miel d’importation peut aussi donner lieu à « des marges faramineuse ». Alors, « il faut savoir perdre quelques minutes pour mener l’enquête » et « chausser ses lunettes » pour dégoter en tout petits caractères une provenance lointaine.