COMPTE-RENDUAu procès de Monique Olivier, le grand n’importe quoi des experts psys

Procès de Monique Olivier : Le grand n’importe quoi des experts psychologues

COMPTE-RENDULes experts, qui se sont succédé mardi à la barre de la cour d’assises, ont livré un triste spectacle et n’ont pas su éclairer les jurés qui tentent de mieux cerner la personnalité de l’accusée
L'ex-épouse de Michel Fourniret, Monique Olivier, est notamment jugée pour complicité d'enlèvement et de séquestration suivis de mort au préjudice d'Estelle Mouzin, enfant de neuf ans disparue à Guermantes (Seine-et-Marne) le 9 janvier 2003.
L'ex-épouse de Michel Fourniret, Monique Olivier, est notamment jugée pour complicité d'enlèvement et de séquestration suivis de mort au préjudice d'Estelle Mouzin, enfant de neuf ans disparue à Guermantes (Seine-et-Marne) le 9 janvier 2003. - Miguel MEDINA / AFP
Thibaut Chevillard

Thibaut Chevillard

L'essentiel

  • Monique Olivier est jugée depuis le 28 novembre pour complicité dans l’enlèvement et la séquestration d’Estelle Mouzin en 2003, ainsi que dans l’enlèvement et le meurtre de Marie-Angèle Domèce en 1988 et de Joanna Parrish en 1990.
  • Mardi, les experts psychologues se sont succédé à la barre mardi pour tenter de livrer des éclairages sur la personnalité de Monique Olivier.
  • Un spectacle dans l’ensemble assez pénible, qui n’a pas permis à la cour d’obtenir les éclairages nécessaires permettant de mieux cerner l’accusée.

A la cour d’assises des Hauts-de-Seine,

Qu’y a-t-il dans la tête de Monique Olivier ? La question a occupé, mardi, les débats de la cour d’assises des Hauts-de-Seine devant laquelle est jugée la veuve de Michel Fourniret pour complicité dans les enlèvements et meurtres de deux jeunes femmes, Marie-Angèle Domèce et Joanna Parrish, et d’une enfant, Estelle Mouzin. Une nouvelle fois, l’accusée de 75 ans, vêtue du même sweat blanc que les jours précédents, reste impassible – mais attentive – devant le défilé d’experts psychologues qui viennent parler d’elle à la barre. Faudrait-il encore qu’on daigne l’interroger et la faire réagir. Dans son box, elle hoche parfois la tête quand elle n’est pas d’accord avec leurs analyses. C’est tout.

Était-elle sous l’emprise du tueur en série qui l’a utilisée pour commettre ses crimes ? L’a-t-elle encouragé, d’une façon ou d’une autre, à passer à l’acte ? Pourquoi tant de silences ? Si sa culpabilité est d’ores et déjà acquise et admise, son degré d’implication dans les agissements du tueur en série et ses motivations restent encore à préciser. Et si les jurés comptaient sur cet aréopage d’experts pour les aider à mieux cerner la personnalité de Monique Olivier, c’est probablement loupé. Qu’est-il intellectuellement possible de retenir de ces treize heures passées à écouter des spécialistes peu enclins à faire un effort de pédagogie ? Quelques formules qui sonnent creux, des mots un peu compliqués, des concepts fourre-tout. Autant dire pas grand-chose, et c’est dommage.

Des interrogatoires trop longs et trop nombreux

On se rappellera surtout qu’ils ne sont pas souvent d’accord entre eux. Voire qu’ils se détestent. Que certains ont manqué de sérieux et de méthode dans leur travail. Que, passé 20 heures, il ne devrait pas être autorisé de projeter des tableaux remplis de chiffres et des courbes sur les écrans d’une salle d’audience. Qu’il faudrait contraindre les experts à tenir leur propos liminaire en une vingtaine de minutes maximum et les obliger à vulgariser leurs explications – les jurés n’ont pas tous un doctorat en psychologie ou la fibre scientifique. Et qu’étaler les interrogatoires sur plusieurs journées d’audience, pour éviter une indigestion et une perte d’intérêt, ne serait pas du luxe.

Le président Didier Safar a décidé d’interroger les experts par ordre chronologique. Du plus ancien au plus récent. Nous voilà donc revenu en 2004. A l’époque, le psychologue belge, Gauthier Pirson, a expertisé l’accusée et évalué son QI à 95. Il voit Monique Olivier comme une femme « dépendante, assez passive, soumise », « plutôt manipulable », ayant « peu d’empathie », sauf envers elle-même. « Le rapport de soumission à l’égard de Michel Fourniret » explique, dit-il, sa participation aux crimes de l’ogre des Ardennes.

Une intelligence supérieure pour les uns…

Un an plus tard, en 2005, c’est un expert français, Philippe Herbelot, qui a rencontré Monique Olivier. Il lui a fait passer un test de QI et obtenu un résultat de 131. « On ne peut pas feindre une intelligence supérieure. Les tests sont ainsi faits », assure-t-il. Ce qui fait d’elle un génie. Cet étonnant résultat ne le surprend pas plus que ça. Selon lui, l’accusée a permis au tueur en série de « développer sa folie criminelle ». Elle était « l’assistante, celle qui passe les outils ». Si elle ne l’a pas quitté, c’est parce qu’elle aurait « peur » de se « retrouver SDF » : « Elle restait avec lui pour avoir l’assurance d’avoir le gîte et le couvert. » Il constate aussi l’absence de « sentiment de culpabilité » chez elle.

Jean-Luc Ployé, lui, a été amené à examiner Monique Olivier dans le cadre d’une expertise psychologique ordonnée par les deux juges d’instruction de Charleville-Mézières. Il a rendu son rapport en 2005, en même temps de Philippe Herbelot et s’est « concerté » avec ce dernier. « Monique Olivier a une capacité d’adaptation, voire de dissimulation, qui est structurée », assure-t-il. Pour lui, le couple fonctionnait « comme deux muscles en synergie. Quand l’un ne fonctionne pas, l’autre le réalimente ». Il va plus loin que son prédécesseur et n’exclut pas « totalement » qu’elle ait pu trouver « un plaisir pervers » en aidant Michel Fourniret à trouver des victimes.

Dans la moyenne basse pour les autres

Colette Prouvost, experte psychologue « ne pense pas que Monique Olivier obéissait à son mari ». « Elle était actrice comme lui. Elle éprouvait une jouissance. Le fait d’être sa muse, sa collaboratrice lui donnait une importance comme elle n’en avait jamais eu », analyse-t-elle après l’avoir rencontrée en 2018.

A 20 heures, Mickael Morlet-Rivelli, qui a été chargé récemment par la juge Sabine Khéris d’évaluer l’intelligence de l’accusée, sonne la charge contre ses confrères. L’expert, qui a rencontré Monique Olivier durant trente-huit heures, en est certain. Son QI n’est pas de 131 mais se situe dans la « moyenne basse », à 92. Un résultat proche de celui obtenu par l’expert belge en 2004. Les psychologues français qui l’ont examinée, explique-t-il en substance, ont fait n’importe quoi, ou du moins n’ont pas employé des méthodes scientifiquement valables.

Un mystère qui reste entier

Lui décrit une femme « effacée, réservée, naïve et influençable », « évitante et dépendante », « invisible, insignifiante », qui souffre de « carences affectives » importantes. Son profil est proche de celui d’une femme victime de violences conjugales. Elle était, détaille-t-il, sous l’emprise du tueur. Il faut s’accrocher un peu, mais cet expert à mérite de relever le niveau en ayant fourni un travail fouillé, sérieux et complet.

Après une série de questions plus ou moins pertinentes des parties civiles et des avocats généraux, le président suspend enfin l’audience. Il est plus de 23 heures. Femme soumise ? Manipulatrice perverse ? Monique Olivier était un mystère. Cette nuit, elle le reste encore.

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