AUDIENCE« T’as quoi à cacher ? » Face-à-face tendu entre Monique Olivier et son fils

Procès de Monique Olivier : « T’as quoi à cacher ? » Le face-à-face tendu entre Monique Olivier et son fils Selim

AUDIENCESelim, le fils de Monique Olivier et Michel Fourniret, aujourd’hui âgé de 35 ans, a témoigné ce mercredi devant la cour d’assises de Nanterre
Monique Olivier, l'ex-femme de Michel Fourniret, regarde son fils, Selim, raconter son enfance au côté d'un couple de tueurs. L'homme, aujourd'hui âgé de 35 ans, exhorte sa mère à parler.
Monique Olivier, l'ex-femme de Michel Fourniret, regarde son fils, Selim, raconter son enfance au côté d'un couple de tueurs. L'homme, aujourd'hui âgé de 35 ans, exhorte sa mère à parler.  - Benoit Peyrucq / AFP
Caroline Politi

Caroline Politi

L'essentiel

  • Monique Olivier, l’ex-femme de Michel Fourniret, comparaît depuis le 28 novembre pour complicité dans trois crimes : les enlèvements et meurtres de Marie-Angèle Domèce et Joanna Parrish et l’enlèvement et la séquestration de la petite Estelle Mouzin.
  • Michel Fourniret et Monique Olivier ont eu un fils, Selim, né en 1988. Les investigations ont montré que l’enfant a plusieurs fois été utilisé comme « appât », pour rassurer les victimes et les pousser à monter dans le véhicule du couple.
  • L’homme, aujourd’hui âgé de 35 ans, a rompu les liens avec sa mère depuis de longues années.

A la cour d’assises de Nanterre,

Tout à coup, la cour d’assises de Nanterre se fige. « Dehors, y a personne qui t’attends, t’as quoi à cacher ? N’essaye pas de protéger tes enfants, nous sommes grands. » Pour la première fois depuis l’ouverture de son procès, le 28 novembre, Monique Olivier paraît déstabilisée. L’homme qui l’interpelle si vivement n’est autre que Selim, le fils qu’elle a eu avec Michel Fourniret. « Je ne suis pas ton fils, tu n’es pas ma mère », s’emporte-t-il en entendant sa mère répéter, encore et encore, qu’elle ne se sait pas où sont cachés les corps des victimes.

Jusqu’alors tous les témoignages, qu’ils soient touchant ou accusateur, avaient semblé glisser sur l’accusée. Pas cette fois. Monique Olivier hausse le ton. « Tu vas pas me faire la morale ! J’ai dit tout ce qu’y a à dire ! », lui répond-elle sèchement. Avant d’ajouter, d’un ton provocateur : « Tu ressembles vraiment à ton père déguisé comme ça ». Il faut bien avouer qu’elle n’a pas tort. Selim Olivier a obtenu de la cour le droit de témoigner par visioconférence. Pour ne pas être reconnu, il apparaît emmitouflé dans une épaisse doudoune bleue, coiffé d’une perruque grise grotesque, de grosses lunettes sur le nez et une fausse moustache qui semble tout droit sortie d’un magasin de farces et attrapes.

Malgré ces artifices, la ressemblance est frappante. Il a le même nez long et fin, le même front haut, les mêmes yeux, surtout. Quelques secondes après avoir haussé le ton, Monique Olivier se reprend. « Apprendre qui sont ses parents… J’aurais eu la même réaction », précise-t-elle, assurant l’aimer. « Même si lui ne m’aime plus. »

« Nous étions proches… Enfin, je le pensais »

Voilà déjà plus de deux heures que Selim Olivier raconte cette vie maudite de fils d’un couple diabolique. Son enfance, pourtant, il la décrit comme banale. Bien loin en tout cas de celle qu’on peut imaginer lorsqu’on sait qu’avant même sa naissance, il a été utilisé par le couple pour mettre en confiance leurs victimes, les pousser à baisser leur garde et grimper dans la camionnette. De son père, Michel Fourniret, il garde le souvenir d’un homme « autoritaire » et « pas aimant ». S’il n’a jamais levé la main sur lui, il le dépeint comme « agressif ». « On arrêtait de rigoler parce que Michel arrivait », résume-t-il. Avec sa mère – qu’il appelle Monique depuis qu’il a « appris la vérité » – la relation est tout autre. Elle, c’est sa « maman », « la femme qui s’occupait de moi, qui m’aidait ». Et d’insister : « Nous étions proches… Enfin, je le pensais. »

Lorsque son père est arrêté en Belgique, en juin 2003, après avoir tenté d’enlever une adolescente, il se plaît dans cette vie en tête-à-tête avec sa mère, « sans Michel ». Ils ont « une vie simple », un petit appartement, une voiture... Lui, va au collège. Elle, se rend tous les trois jours au commissariat pour être interrogée. Il y aura plus de 120 auditions en un an. « C'est beaucoup, ça ne vous étonne pas ? », l'interroge le président, Didier Safar. A l'époque, Selim ne se pose pas vraiment la question, pense que c'est lié à « l'affaire » de son père, sans savoir le tueur en série redoutable qu'il est.

Jusqu’à ce jour de juin 2004 où Monique Olivier n'est pas rentrée de son audition. Il est resté seul chez lui pendant deux jours avant de découvrir « par la presse » les aveux de sa mère. Au cours de cette garde à vue, elle a attribué neuf meurtres et viols à Michel Fourniret, confessant avoir pris part à une partie d'entre eux. « Je la voyais en tant que maman, pas comme complice de Michel Fourniret », insiste-t-il. Selim, qui a été recueilli par les fils aînés de Monique Olivier (nés d'un premier mariage), correspond pendant deux ans avec elle avant de couper les liens. Il ne l’a revue qu’une seule fois en vingt ans, l’an dernier, pour une confrontation chez la juge d’instruction.

« Ça m’aurait marqué »

Sa présence, ce mercredi, ne vise pas seulement à éclairer la personnalité de l’accusée. Une ancienne codétenue de Monique Olivier a assuré avoir recueilli des confidences de cette dernière sur l’enlèvement d’Estelle Mouzin. Elle lui aurait confié que la fillette avait été séquestrée chez eux, en Belgique, et que Selim, alors âgé de 14 ans, serait tombé nez à nez avec elle. A cours de l'instruction, Monique Olivier a reconnu avoir participé à la séquestration de l’enfant mais a toujours assuré que celle-ci avait été retenue dans les Ardennes, dans la maison de la sœur défunte de Michel Fourniret, et que jamais leur fils ne l'avait croisée. « Ça m’aurait marqué de voir à la maison une petite qui n’avait rien à faire là », assure Selim. Le président insiste. Ne se souvient-il pas d’une fillette qu’on lui aurait présentée comme sa cousine ? S’il reconnaît avoir « effacé » des souvenirs de cette période, il est formel. « Je n’ai pas de connaissance d’une soi-disant cousine qui serait venue un soir. En plus, si jeune, sans ses parents. »

Selim Olivier ne cherche pas à défendre sa mère, à lui trouver une quelconque excuse. A l’entendre ce mercredi, sa colère est à la hauteur de sa déception. « J’ai été horrifié de voir que ce n’était pas une victime. Elle avait conscience de ce qui se passait, elle savait ce qu’il allait faire. » Il dépeint une femme « manipulatrice » et sans émotion. Il bat en brèche l’image de l’épouse soumise, rappelant que lors de l’interpellation, en 2003, de Michel Fourniret, la première chose qu’elle a fait a été de déménager pour se rapprocher de la prison où il était détenu. « J’ai vécu 15 ans avec des acteurs. Papa acteur, maman acteur… Ils me cachaient leur vraie nature, ce qu’ils faisaient vraiment. Je n’ai pas soupçonné les personnes qu’ils étaient vraiment », insiste-t-il.