A TABLE !Les coulisses gratinées de « 93, Faubourg Saint-Honoré » racontés par le menu

« On avait même mis des micros dans les chiottes » ou l’histoire de « 93, Faubourg Saint-Honoré » racontée par le menu

A TABLE !Ce vendredi, dès 21 heures, Paris Première consacre, en clair, une soirée aux 20 ans de « 93, Faubourg Saint-Honoré ». « 20 Minutes » a glané les anecdotes savoureuses de Thierry Ardisson et du producteur Stéphane Simon, sur cette émission culte
François-Xavier Demaison et Thierry Ardisson, en 2005, dans « 93 Faubourg Saint-Honoré ».
François-Xavier Demaison et Thierry Ardisson, en 2005, dans « 93 Faubourg Saint-Honoré ». - CAPTURE D'ECRAN/TELE PARIS / CipeM6
Fabien Randanne

Fabien Randanne

L'essentiel

  • Paris Première célèbre ce vendredi les 20 ans du lancement de « 93, Faubourg Saint-Honoré ». La chaîne diffuse, en clair, à 21 heures, l’inédit « 214, rue de Rivoli : Le dîner », puis, à 22h35, un documentaire en forme de best-of sur ces repas mondains télévisés.
  • « Aujourd’hui, je peux dire la vérité : avant ça, je n’avais jamais fait de dîner chez moi, parce que ça m’énerve, a confié Thierry Ardisson à une poignée de médias, dont 20 Minutes. Pour Paris Première, j’ai fait, pendant quatre saisons, vingt-cinq dîners par an chez moi. Je n’en avais jamais fait avant et je n’en ai pas refait après. »
  • « Un dîner chez moi, c’est forcément détendu, ajoute l’animateur. J’ai toujours fait des tas de fiches, mais là c’était improvisé. Je ne préparais pas vraiment, c’est l’émission où j’ai le plus compté sur ma culture générale. »

Paris Première propose un banquet d’anniversaire aux télévores. Ce samedi, la chaîne diffusera, exceptionnellement en clair, à 21 heures, « 214, rue de Rivoli : Le dîner » (voir encadré). Une émission spéciale, à la nouvelle adresse de Thierry Ardisson, afin de marquer les 20 ans de « 93, Faubourg Saint-Honoré ». Le temps de quatre saisons et d’une centaine de dîners accueillis chez lui, l’homme en noir a reçu des dizaines de personnalités venues des mondes de la culture, de la politique ou des médias. Un programme culte, dont l’histoire sera retracée à 22h35, toujours en clair, dans un documentaire en forme de best-of. Les coulisses de cette émission étaient souvent bien plus gratinées que les plats servis aux convives. La preuve avec ces confidences de Thierry Ardisson et du producteur Stéphane Simon, glanée lors d’un déjeuner de presse au Bazurto, le restaurant de Juan Arbelaez dans le sixième arrondissement…

Préparer la recette : un dîner parisien, avec quelques pincées de « Loft Story »

Thierry Ardisson : Un jour, la direction de Paris Première m’a dit : « On va arrêter "Rive droite/Rive gauche". Est-ce que tu serais d’accord pour faire une hebdo ? » Moi, une hebdo, j’en avais déjà une avec « Tout le monde en parle », sur France 2. Mais ils y tenaient. Avec Stéphane Simon, on a proposé une idée – un dîner – et un prix. Et ils ont dit oui.

Stéphane Simon : Entre le début et la fin de « Rive droite/Rive gauche », qui a duré cinq ans, il y a eu un événement très important dans l’histoire de la télévision, c’est le Loft [« Loft Story », émission de téléréalité lancée en 2001] qui a changé complètement les codes. D’un seul coup on filmait monsieur et madame Tout-le-monde enfermés en train de faire des conneries. Là où on a eu une idée nouvelle, c’était de faire une vraie soirée chez Thierry où on parlerait comme dans la vie.

Thierry Ardisson : Aujourd’hui, je peux dire la vérité : avant ça, je n’avais jamais fait de dîner chez moi, parce que ça m’énerve. Je déteste les odeurs de cuisine. Pour Paris Première, j’ai fait, pendant quatre saisons, vingt-cinq dîners par an chez moi. Je n’en avais jamais fait avant et je n’en ai pas refait après. Je préfère inviter mes amis au restaurant.

Dresser la table : « J’ai vécu quatre ans avec des rails au plafond »

Thierry Ardisson : A l’époque, mon appartement était entièrement blanc, avec des moulures blanches. Frédéric Cerato, qui a fait tous mes décors, a voulu le redécorer en le transformant en l’appartement que les gens croyaient que j’avais. Il avait tout peint en rouge Rothmans, la marque de cigarettes que je fume, ajouté des portraits de Beatles et des saintes vierges, c’était un décor complètement imaginé. Tout est faux, c’est la magie de la télé et du cinéma de faire croire quelque chose qui n’existait pas.

Stéphane Simon : La première fois, on s’est dit qu’on ferait tout au salon. Thierry a pensé que ce serait bien qu’il y ait un moment dans la cuisine. C’était une toute petite pièce avec des chaises en paille, ce n’était pas très confortable, mais il y avait le côté bonne franquette.

Thierry Ardisson : Il y avait des branchements, des fils partout. J’ai vécu quatre ans avec des rails au plafond. On avait même mis des micros dans l’ascenseur et dans les chiottes. Une fois, Beigbeder y est allé et on a entendu sniiiiiiiiiff (rires).

Convier les chefs : « Je ne savais pas qui étaient Frechon, Alléno et Piège »

Stéphane Simon : Ce qu’il y avait dans l’assiette, ça comptait beaucoup. La plupart des personnalités qui font de la télé vont dans les studios de la Plaine Saint-Denis, se retrouvent dans une loge à la lumière blafarde, mangent des chips et des Bounty, c’est pas très plaisant.

Thierry Ardisson : Je ne savais pas qui étaient Eric Frechon, Yannick Alléno, Jean-François Piège. Ils venaient chez moi, ils s’affairaient en cuisine, mais je m’en foutais complètement. Après, quand je suis allé dans leurs restaurants, je me suis rendu compte qu’ils valaient très cher.

Stéphane Simon : L’ambition des dîners était de passer un bon moment. Quand on est dans cet état d’esprit là, qu’on rend hommage à la cuisine française et qu’on a de bons pinards pour nous accompagner, les langues se délient. On trouve des choses qu’on ne trouve pas ailleurs. Ça glissait sur des confidences, des intuitions…

Plan de table : « Dans l’oreillette, Stéphane me disait parfois "Ça baisse un peu" »

Thierry Ardisson : Un dîner chez moi, c’est forcément détendu. J’ai toujours fait des tas de fiches, mais là c’était improvisé : « Qu’est-ce que tu fais en ce moment ? » La promo passait comme une lettre à la poste. Je ne préparais pas vraiment, c’est l’émission où j’ai le plus compté sur ma culture générale. J’avais Stéphane dans l’oreillette. Il était dans le car régie avec de la bière chaude et des sushis, il me disait parfois « là, ça baisse un peu ». Gérard Darmon a été le meilleur client du dîner. Franz-Olivier Giesbert, lui, a toujours quelque chose à dire. Si la conversation tombe un peu, il parle de Chirac, de Bardot, c’est le mec qu’il faut avoir.

Stéphane Simon : Bernard Tapie n’a jamais été aussi loin dans les confessions. Quand il raconte comment il a organisé une partouze avec ses joueurs juste avant un match de Coupe de France, c’est extraordinaire.

Thierry Ardisson : On a aussi eu Sophie Davant qui parlait des femmes fontaines… Les conversations étaient amenées par tout le monde. Le seul truc qui aurait pu les empêcher c’était les caméras robots sur rail parce que normalement, dès que le dîner est parti, il faut oublier qu’elles sont là.

Fallait pas les inviter ?

Thierry Ardisson : Je suis partisan de donner la parole à tout le monde, c’est mon côté 1968, cette année-là, j’avais 19 ans. J’ai reçu Zemmour. Au début, il était journaliste, il bossait au Quotidien de Paris, au Figaro, à RTL, il n’avait pas le côté sulfureux qu’il a aujourd’hui.

Stéphane Simon : Aujourd’hui, certaines séquences de « 93, Faubourg Saint-Honoré » prennent une résonance particulière mais, lors des dîners, il y a eu plein de moments très avant-gardistes [sic] par rapport à la société.

Thierry Ardisson : Quand Tristane Banon a raconté ce qui lui est arrivé avec Dominique Strauss-Kahn [en 2011, plusieurs années après le tournage de l’émission, la romancière a porté plainte contre l’homme politique pour tentative de viol. Les faits remontant à 2003, le délai de prescription était dépassé. La plainte a été classée sans suite, le parquet a cependant considéré que le fait que DSK ait avoué avoir tenté d’embrasser l’autrice pouvait être « qualifiable d’agression sexuelle »], on n’était pas en pleurs en disant « C’est terrible ce qui t’est arrivé ». On était un peu goguenards, moi et les autres. Notre jugement portait plutôt sur Strauss-Kahn. Jean-Michel Apathie était outré que l’on dise du mal de DSK. On a arrêté le tournage, il voulait partir. Je lui ai dit de ne pas s’en faire, que l’on biperait son nom. Et puis on a bipé à la Ardisson [c’est-à-dire de manière que le nom de Dominique Strauss-Kahn soit intelligible si l’on se concentre bien].

Stéphane Simon : Tristane, l’histoire lui a rendu justice, et elle reparle aujourd’hui des faits. Quand on fait le best-of d’une émission, il faut considérer ce qui a été fait à l’époque tout en regardant avec les yeux d’aujourd’hui. Revoir le passage avec Pierre Palmade est malaisant. On a choisi de ne pas le remettre. [L’humoriste et comédien n’apparaît que brièvement dans le documentaire best-of diffusé ce vendredi].

Thierry Ardisson : Pierre Palmade, on l’a coupé, et j’en suis content, parce qu’il a tué quelqu’un. Nous, on va au maximum de la rigolade, on parle de tout avec tout le monde parce qu’on est des esprits libres, mais il y a un moment où tu dis : « Attention, le mec il a tué quelqu’un parce qu’il a trop pris de drogue ». D’un commun accord avec Catherine [Schöfer, directrice générale de Paris Première] et Stéphane, on a donc décidé de ne pas conserver la séquence.

Bien choisir la date : « Si vous ne vous cassez pas un peu le cul, je vais me coucher ! »

Stéphane Simon : On a eu la mauvaise idée de décaler un dîner et de le faire un dimanche soir. Or, ce jour-là, on est dans un état particulier où on a envie d’être chez soi. Il y avait Guillaume Canet, Kad Merad…

Thierry Ardisson : La connerie était que le casting était homogène. A un moment, je leur ai dit : « Si vous ne vous cassez pas un peu le cul, je vais me coucher ! »

Stéphane Simon : Et cela a aggravé la situation. Ils ne savaient plus quoi dire. Heureusement, le magique Jean-Louis Aubert a commencé à jouer de la guitare. Guillaume Canet l’a imité, a joué à son tour, c’est devenu un peu sympa à la fin. Mais c’est le dîner pour lequel le tournage a duré le moins longtemps.

Débarrasser la table et le plancher : « Il y avait des odeurs de graillon »

Thierry Ardisson : Après les tournages, je partais au Mathi’s pour boire des coups pendant que Stéphane et son équipe remettaient l’appartement en ordre. Quand je rentrais à 3 heures du matin, c’était clean, mais il y avait une odeur de graillon qui traînait chez moi. Au bout de trois saisons, Patrick de Carolis [alors président de France Télévisions] m’a dit : « Tu arrêtes de faire le dîner sur Paris Première ». J’ai répondu : « Je t’emmerde ». Il m’a foutu dehors et a arrêté « Tout le monde en parle » qui n’était pas n’importe quelle émission. Aujourd’hui, et c’est une des raisons pour lesquelles j’ai arrêté de faire des talk-shows, les invités ne veulent plus rien dire à la télé, ils ont peur des réseaux sociaux. Dubosc est un des derniers que j’ai reçus sur C8 [dans « Salut les Terriens ! »]. Son attachée de presse m’a demandé de ne pas lui parler des gilets jaunes. Alors quand je l’ai interviewé, je lui ai demandé : « C’est quoi cette histoire de gilets jaunes ? ». L’attachée de presse est revenue me voir à la fin : « Vous avez bien compris Thierry, vous n’aurez plus jamais Franck Dubosc ». J’ai dit que je n’allais pas me suicider pour autant.

«214, rue de Rivoli : Le dîner »

Thierry Ardisson n’habite plus le Faubourg Saint-Honoré, mais exceptionnellement, il remet le couvert à sa nouvelle adresse pour marquer les 20 ans de la création de son ancienne émission. Pour l’occasion, il sera rejoint par la journaliste Audrey Crespo-Mara, sa compagne. Autour de la table, il réunira les comédiennes Muriel Robin et son épouse Anne Le Nen, Gérard Darmon, Franz-Olivier Giesbert, Laurent Baffie et Bertrand Chameroy. Ils dégusteront un repas préparé par le chef Juan Arbelaez.