« cher au km »Le projet du tram nord à Strasbourg a-t-il déraillé ?

Strasbourg : Le projet du tram nord, en passant de 140 millions à 268 millions, a-t-il déraillé ?

« cher au km »L’extension de la ligne de tramway nord à Strasbourg dont le coût était initialement estimé à 140 millions d’euros en 2021, passe finalement en ce mois de décembre 2023 à 268 millions d’euros
Illustration. Un tram à Strasbourg.
Illustration. Un tram à Strasbourg. - G . VARELA / 20 MINUTES / Pixpalace
Gilles Varela

Gilles Varela

L'essentiel

  • L’extension de la ligne du tram nord de Strasbourg, initialement estimé à 140 millions d’euros en 2021, voit son coût final en ce mois de décembre 2023 passer à 268 millions d’euros.
  • Un budget surprise qui a été âprement discuté mardi 12 décembre lors du conseil municipal de Strasbourg.
  • Un projet « mal évalué » et sans « véritable concertation », au coût « suicidaire » qui « plombera les capacités de financement » de la ville et de l’Eurométropole, dénonce en chœur l’opposition municipale strasbourgeoise.
  • Un constat que ne partage pas le premier adjoint à la ville qui rappelle l’ampleur du projet et explique principalement cette différence par l’inflation et la hausse des coûts de travaux, ainsi que les études complémentaires nécessaires et d’aménagements supplémentaires.

Le très attendu tram nord à Strasbourg n’est pas encore près d’arriver en station, et pour cause. Initialement estimé à 140 millions d’euros en 2021, le coût final en ce mois de décembre 2023 a pris de l’embonpoint au point de passer la barre des… 268 millions. Un wagon de billets supplémentaires difficile à faire passer et qui a mobilisé mardi pendant plus de trois heures le conseil municipal strasbourgeois. La majorité municipale a cependant validé le texte de délibération permettant de continuer le développement de ce projet laissant aux élus d’opposition le vif sentiment d’une erreur d’aiguillage pour les finances de la collectivité.

« Ça va être le kilomètre de tram le plus cher de France, plus cher que celui d’un TGV ! On va droit dans le mur », assure à 20 Minutes Pierre Jakubowicz, conseiller municipal d’opposition et coprésident du groupe « Centristes et progressistes ». Comme d’autres élus, il dénonce un déni de démocratie malgré les consultations publiques. Mais aussi un investissement qui hypothéquera tout autre projet pour d’autres quartiers. « Un budget suicidaire pour les 4,8 kilomètres de voies supplémentaires » qui « plombera les capacités de financement » de la ville, de l’Eurométropole, et donc de ses habitants qui « devront bien mettre in fine, la main à la poche ».

Une extension de ligne rentable ?

Les reproches et les inquiétudes fusent parmi les rangs de l’opposition. « Pas de prise en compte de tous les éléments des projets lors de la présentation à la population », « pas d’études des opérations connexes comme le déplacement des entrées d’autoroutes, l’aménagement de la place de Haguenau, de la route de Bischwiller »… La liste est longue. « Depuis le début, il y a une partie des coûts que nous n’arrêtons pas de demander. On nous répondait que tout était compris », assure Pierre Jakubowicz.

Résultat, « on arrive aujourd’hui à avoir en même temps le projet tram le plus cher de l’histoire de Strasbourg et celui qui a un TRI, (taux de rentabilité interne), ce qui permet de voir si le projet est pertinent, le plus faible. En moyenne, à Strasbourg, les projets tram avaient un TRI de 15 % détaille le conseiller d’opposition. Mais avec un coût de 268 millions d’euros, on ne sait même pas si on sera au-dessus des 4 %, ce qui est nécessaire si l’on veut que le projet puisse être cofinancé par l’Etat. On ne connaît toujours pas ce TRI et on ne l’obtiendra qu’avec l’enquête publique qui commencera au printemps, ajoute. En fait, on nous demande un chèque en blanc à 268 millions. »

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Un constat et des chiffres que ne partage évidemment pas Syamak Agha Babaei, premier adjoint à la maire écologiste de Strasbourg, Jeanne Barseghian. Ce dernier n’a d’ailleurs pas manqué, lors du conseil municipal du 12 décembre, de rappeler l’ampleur du projet et de donner quelques chiffres expliquant cette différence d’une centaine de millions. « Un premier coût travaux, mais hors aménagements, a été annoncé à 140 millions d’euros HT, a assuré le premier adjoint. Depuis, il y a eu l’inflation et les coûts de travaux qui ont pris 13 %, ce qui nous mène à 161,2 millions d’euros HT. Puis 22,5 millions d’euros HT de travail sur les réseaux et l’ingénierie, les mesures d’accompagnement comme le parc de 14,1 millions d’euros, pour un coût total HT qui s’élève à 224 millions d’euros auquel s’ajoutent 44 millions d’euros de matériel roulant », a précisé Syamak Agha Babaei.

Un tramway nord qui pourrait bien s’appeler désir si, à l’issue de l’enquête publique qui sera menée au printemps prochain, les commissaires enquêteurs déterminent qu’il y a de trop grosses réserves au projet, ou bien encore si des recours au tribunal prouvent que les règles ne sont pas été respectées…. D’ici là, le texte de la délibération sera cette fois soumis aux élus de l’Eurométropole le 20 décembre prochain, avant un lancement des travaux, si tous les feux passent au vert, prévus fin 2024.