HAPPY BIRTHDAYAprès vingt ans de tramway, Bordeaux doit-elle tourner la page ?

Après vingt ans de tramway, Bordeaux doit-elle tourner la page ?

HAPPY BIRTHDAYLe tramway de Bordeaux fête ses vingt ans et sera célébré samedi dans toute la ville, même si la page du tram doit maintenant être tournée, reconnaissent nombre d'observateurs
Tramway place de la Comédie à Bordeaux
Tramway place de la Comédie à Bordeaux - Mickaël Bosredon / 20 Minutes
Mickaël Bosredon

Mickaël Bosredon

L'essentiel

  • Inauguré en 2003 après trois ans d’immenses travaux dans la ville, le tramway de Bordeaux fête samedi ses vingt ans.
  • « Dès que les premières rames ont circulé, tout le monde le voulait car c’est un outil fabuleux pour requalifier une ville, et un vrai booster économique », rappelle Patrick Bobet, président de Bordeaux Métropole de 2019 à 2020.
  • En revanche, le réseau de tramway est aujourd’hui saturé, et il est temps « de passer à une autre étape et de sortir du tout tramway », reconnaît le vice-président de Bordeaux Métropole en charge des mobilités.

Il avait été préféré dans les années 1990 à un métro, et les plus anciens se souviennent encore du chantier hors norme qu’il a suscité. Pendant trois ans, la ville a été entièrement retournée pour la création de ses 24,5 premiers kilomètres et de ses 54 stations. Ils se souviennent aussi de son inauguration en grande pompe, en 2003, avec le président de la République de l’époque, Jacques Chirac. Aujourd’hui, le tramway de Bordeaux fête ses vingt ans, et pour l’occasion tous les présidents de la CUB puis de la métropole qui se sont succédé, dont Alain Juppé et Vincent Feltesse, seront réunis samedi pour célébrer l’événement.

inauguration de la ligne A du tramway par Jacques Chirac et Alain Juppé en 2003
inauguration de la ligne A du tramway par Jacques Chirac et Alain Juppé en 2003 - Pascal Saura/Sipa

Président de Bordeaux Métropole de mars 2019 à juillet 2020, Patrick Bobet, maire LR du Bouscat, rappelle qu’il s’agit « d’un immense projet qui a été long à aboutir étant donné son envergure » et qui a « apporté énormément de points positifs à la métropole, qu’il a transformée ». « Dès que les premières rames ont circulé, tout le monde le voulait car c’est un outil fabuleux pour requalifier une ville, et un vrai booster économique. »

« C’est devenu un marqueur et un lien entre les communes »

« Il y avait une véritable attente après de longs mois de travaux, se souvient de son côté Clément Rossignol-Puech, l’actuel vice-président EELV de Bordeaux Métropole en charge des stratégies des mobilités, et maire de Bègles. Nous étions à la fois impatients et anxieux de savoir si cela allait répondre aux attentes du public bordelais. On a vu très rapidement que oui. Et parallèlement les espaces publics ont changé très vite, très fort, notamment les quais, cela a été une amélioration de la ville de Bordeaux et de la métropole. C’est devenu un marqueur et un lien entre les communes, et les Bordelais sont fiers de leur tramway. »

Le tramway n’a depuis cessé de grandir, pour s’étendre aujourd’hui sur 82 km de voies, répartis en quatre lignes, 139 stations, exploités par 130 rames. Le tramway, c’est encore plus de 8 millions de km parcourus et 110 millions de voyageurs par an, et 63 % du trafic de TBM. « C’est le premier réseau de tramway de France, hors Ile-de-France », ajoute Clément Rossignol-Puech.

« Enfermé dans l’idée que le tram était un outil merveilleux »

Mais n’a-t-il pas justement trop grandi ? Est-il toujours en mesure d’absorber autant de voyageurs ? Entre les pannes et les incidents, les rames bondées, il fait désormais l’objet de critiques de la part de ses usagers. Sur les réseaux sociaux, le « tram-bashing » est devenu un sport régulier ces dernières années. « Il y a eu 1.240 interruptions sur le réseau tramway en 2022, cela va des pannes aux collisions en passant par les portes qui ne s’ouvrent pas, et cela perturbe l’exploitation au quotidien », analyse Mickaël Baubonne, vice-président de l’association Métro de Bordeaux, qui milite pour la création d’un métro dans la métropole, qui serait selon elle plus adaptée pour répondre aux défis de la mobilité. « L’APS [Alimentation par le sol] est en cause, poursuit-il, ce qui doit interroger sur la possibilité de remettre des LAC [Lignes aériennes de contact] à certains endroits, mais il n’y a pas que cela. Certains tracés avec des virgules sont parfois étonnants, et la vitesse commerciale du tram, annoncée à 21 km/h, reste en dessous des 18 km/h. »

« Le tram a eu beaucoup de succès, et sans le tramway, Bordeaux aurait certainement continué à plonger dans le marasme dans lequel elle s’était enfoncée sur la fin du dernier mandat de Chaban-Delmas, relève tout de même Mickaël Baubonne, par ailleurs maître de conférences et enseignant-chercheur en droit public. Mais le problème originel est que l’on a imaginé un réseau de tramway structurant pour l’agglomération de son époque, et on a mal anticipé les conséquences, qui ont été que le tramway a ramené des habitants dans la ville. » Résultat : « La marge d’erreur sur la fréquentation a été considérable, cela a généré des tensions sur le réseau dès 2009, ce qui aurait dû appeler une réaction des collectivités beaucoup plus rapide. » Or, « tout le monde s’est enfermé dans l’idée que le tram était un outil merveilleux avec lequel on pouvait tout faire ».

Patrick Bobet partage l’analyse : « le tram est saturé et il est parfois difficile de rentrer dans une rame, on arrive clairement au bout de l’exercice. Nous sommes à 550.000 passagers par jour, et on nous annonce 800.000 passagers d’ici à 2030-35, ça ne peut plus passer. » En revanche, il rappelle que sous sa mandature, « on le sentait déjà. » « Ce n’est par hasard si mes seize mois de présidence ont démarré par une demande d’étude pour un métro. C’était il y a quatre ans, et nous l’évoquions depuis un an déjà avec Alain Juppé. »

« Sortir du tout tramway »

Clément Rossignol-Puech ne nie pas les difficultés non plus : « je comprends le mécontentement des usagers. Plus on étend un réseau de tramway, plus c’est difficile à gérer en matière de maintenance et de pannes, mais nous travaillons pour améliorer encore la qualité de service aux usagers. » La métropole mène actuellement une étude d’optimisation et de robustesse du tramway, dans le but de réduire le nombre de pannes, notamment liées à l’alimentation. « Les solutions passeront certainement par des points de retournement supplémentaires, voire une baisse du nombre de stations. » De nouvelles liaisons pour connecter des lignes entre elles vont aussi voir le jour, afin de soulager le réseau. L’exploitant Keolis s’est par ailleurs engagé à renforcer l’ensemble des fréquences, dont un passage à 2'30 minutes sur une partie centrale du réseau.

Si le vice-président de Bordeaux Métropole soutient que le tramway « reste le mode de transport préféré des habitants de la métropole » et qu’il représente « l’histoire de l’agglomération de ces vingt dernières années », lui aussi admet qu’il est temps de tourner la page. La nouvelle majorité s’apprête ainsi à « passer à une autre étape puisque nous voulons sortir du tout tramway ». Pour Bordeaux Métropole, les solutions passeront par la création de lignes de bus express, le développement du réseau de vélo, et la connexion avec le futur RER métropolitain.

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En revanche, l’association Métro de Bordeaux, ainsi que les élus d’opposition de droite, plaident pour un métro. Celui-là même qui avait été abandonné dans les années 1990. « On ne dit pas que le tram est une absurdité, mais qu’il ne peut plus assurer son rôle de colonne vertébrale des transports à Bordeaux, rôle que seul un métro peut supporter », dit Mickaël Baubonne. « Face à la saturation du tram, la seule solution est de passer par le sous-sol, pour moi il faut repenser au métro très sérieusement », abonde Patrick Bobet. Si elle reste méfiante quant au coût de cette option, la majorité de Bordeaux Métropole a accepté de relancer une étude pour analyser cette solution. Réponse en 2024.

Des événements auront lieu tout le week-end pour célébrer les 20 ans du tram, place Pey-Berland à Bordeaux : samedi et dimanche, de 10 heures à 17 heures : animations, jeux (acrobates, piano-bulles, atelier dessin...), samedi à 12 heures : événement « soufflons ensemble les bougies du tram ! », et à 13 heures : départ de la « chenille-tram. »