REPORTAGEA Saint-Etienne, les salariés pleurent « la grande famille » de Casino

A Saint-Etienne, les salariés dans la rue contre « la fermeture de Casino qui serait une catastrophe »

REPORTAGEDimanche matin, plus de 2.000 personnes ont manifesté dans les rues de Saint-Etienne pour protester contre la mort annoncée du groupe Casino, « fleuron économique » de la ville
Dimanche matin, plus de 2.000 personnes ont manifesté dans les rues de Saint-Etienne pour protester contre la mort annoncée du groupe Casino, « fleuron économique » de la ville.
Dimanche matin, plus de 2.000 personnes ont manifesté dans les rues de Saint-Etienne pour protester contre la mort annoncée du groupe Casino, « fleuron économique » de la ville. - OLIVIER CHASSIGNOLE/ AFP / AFP
Caroline Girardon

Caroline Girardon

L'essentiel

  • Endetté à hauteur de plus de six milliards d’euros, le groupe Casino a été placé en procédure de sauvegarde accélérée.
  • Un « traumatisme » pour les habitants de Saint-Etienne, où l’enseigne a vu le jour, il y a cent vingt-cinq ans.
  • Dimanche, près de 2.000 personnes ont manifesté pour protester contre la mort annoncée de l’enseigne qui fait vivre tout le bassin stéphanois. « Ce serait une catastrophe », redoutent les salariés.

De notre envoyée spéciale à Saint-Etienne

Sur une pancarte qu’elle brandit avec détermination, le visage grimé de Jean-Charles Naouri, PDG du groupe Casino. Et cette inscription « Casino à Saint-Etienne, le caddie de ses soucis ». Tout un symbole. Dimanche, plus de 2.000 personnes ont battu le pavé pour protester contre la mort annoncée du groupe stéphanois. Avec le sentiment d’être laissés sur le carreau, abandonnés à un triste sort sans que cela n’émeuve au-delà des frontières foréziennes. Ici, Casino, c’est l’enseigne qui fait la fierté de la ville depuis cent vingt-cinq ans. Celle qui est imbriquée dans toutes les institutions de la ville, à commencer par son club de football. Alors personne ne résout à la voir disparaître.

« J’avais 19 ans quand j’ai été embauchée et j’y ai travaillé pendant quarante ans », lâche Joëlle, emmitouflée dans son manteau. Si l’heure de la retraite a déjà sonné pour elle, la sexagénaire n’accepte pas de voir son entreprise de cœur disparaître. Tout comme sa copine Monique, 45 ans de carrière au sein du groupe. « Ça fait très mal, c’est quand même un emblème de Saint-Etienne et de la région. C’était un repère pour tous les Stéphanois », relève-t-elle. « Ça n’a pas toujours été facile mais on a tenu le choc, la boîte vivait. Et il y avait une très bonne ambiance, on était considéré du temps des Guichard », se remémore Joëlle. « Lui, on ne l’a jamais croisé, poursuit-elle en désignant sa pancarte, se désolant par ailleurs d’avoir vu au fil des années « partir les clients » et « les prix augmenter ».

« L’identité du territoire »

« Casino, c’est une grande famille. On est tous soudés dans la tristesse et dans la colère », lâche Stéphanie, 50 ans, vêtue d’un bonnet bleu et du maillot de Verts. Depuis deux décennies, elle travaille pour l’enseigne, au siège social de l’entreprise. « On a vraiment envie que la marque Casino perdure sur Saint-Etienne, c’est l’identité du territoire. C’est comme si on défendait l’estampille de la ville », assure-t-elle, ajoutant avoir « l’impression de vivre un second Manufrance ».

Autre fleuron stéphanois, la manufacture d’armes avait vécu des heures sombres dans les années 80 avant de disparaître du paysage. « Je n’ai pas connu cette période mais on me l’a raconté », poursuit Stéphanie, estimant que « la fermeture de Casino serait un traumatisme pour la ville et un séisme pour le marché de l’emploi ». Dans le bassin, le groupe recense entre 4.000 et 5.000 salariés.

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« Ce serait une énorme catastrophe. Tous les fournisseurs et prestataires qui gravitent autour du siège, tous les magasins qui dépendent du groupe vont également en faire les frais », abonde Cécile en tête de cortège. Elle, se dit « très pessimiste » et n’imagine pas de solution miracle. Pour elle, Casino « représente » 27 ans de carrière et « toute une vie », un « métier qu’elle aime » : « Malheureusement, tout va s’arrêter », prédit-elle tout en soulevant le portrait de Geoffroy Guichard, épicier et fondateur de l’empire stéphanois.

« Mon arrière-grand-père doit se retourner dans sa tombe »

« Mon arrière-grand-père doit se retourner dans sa tombe en voyant ça, rebondit Xavier Kemlin, l’un des héritiers de la famille. Je ne peux pas accepter de voir son œuvre détruite à ce point, lui qui a été un créateur des allocations familiales, lui qui a créé le stade à son nom. On ne peut pas laisser faire ça. Ce n’est pas possible. Non, ce n’est pas possible. »

L’homme annonce vouloir « proposer un plan global de reprise aux salariés » mercredi prochain. « Je n’ai pas un milliard sous la main… mais ça se trouve », glisse-t-il. Et de répéter : « On ne peut pas laisser faire ça. ». A la fin de l’année 2022, la dette du groupe, qui emploie 50.000 salariés en France et 200.000 dans le monde, s’élevait à plus de six milliards d’euros.

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« Mais comment a-t-on pu en arriver là ? », s’interroge Nathalie Devienne, porte-parole de l’intersyndicale avant de fondre en larmes. « On nous a laissé aucune chance. C’est toute une histoire qui s’en va », poursuit-elle les yeux encore rougis, indiquant avoir le sentiment que « l’histoire se répète ». En 1997, le groupe avait déjà connu d’importantes difficultés financières. A l’époque, « les organisations syndicales avaient travaillé main dans la main avec la direction pour sauver Casino » sur lequel lorgnait Promodès. « On y était arrivés et ça nous a permis de tenir jusqu’à maintenant, poursuit-elle. Cette fois, on est tous seuls, la direction n’est pas avec nous. Mais on va se battre car… c’est inimaginable, impensable de clôturer Casino. »