polémiqueMacron, qui défend Depardieu, encore crédible sur le droit des femmes ?

Affaire Depardieu : Macron au secours du « monstre » à renfort de propos « choquants et maladroits »

polémiqueLes propos d’Emmanuel Macron dénonçant « une chasse à l’homme » autour de l’acteur mis en examen pour viol ont provoqué l’indignation. Et entamé un peu plus sa crédibilité sur le sujet des violences faites aux femmes ?
Emmanuel Macron a dénoncé mercredi une « chasse à l'homme » contre Gérard Depardieu, visé par deux plaintes en France pour viol et agression sexuelle. Dans l'une des affaires, il est mis en examen depuis 2020.
Emmanuel Macron a dénoncé mercredi une « chasse à l'homme » contre Gérard Depardieu, visé par deux plaintes en France pour viol et agression sexuelle. Dans l'une des affaires, il est mis en examen depuis 2020. - AFP / AFP
Octave Odola

Octave Odola

L'essentiel

  • Le président de la République a dénoncé mercredi dans l’émission « C à Vous » une « chasse à l’homme » contre Gérard Depardieu après la diffusion d’un documentaire choc sur l’acteur où il multiplie les propos misogynes.
  • Le chef de l’Etat a insisté sur la présomption d’innocence, refusant d’enlever la Légion d’honneur à l’acteur, visé par deux plaintes pour viol et agression sexuelle et mis en examen.
  • Emmanuel Macron est-il encore crédible sur les sujets de violence faites aux femmes ? Éléments de réponse avec Violaine De Filippis Abate, porte-parole de l’association Osez le féminisme ! et Mathieu Lefèvre, député Renaissance.

Un président aurait-il dû dire ça ? En quelques minutes à peine, Emmanuel Macron a réussi mercredi soir sur France 5 une triple prouesse : prendre la défense d’un homme mis en examen pour viols et agressions sexuelles, désavouer sa ministre de la Culture sur le sujet, et mettre un nouveau coup de canif à une promesse, la lutte contre les violences faites aux femmes, grande cause du quinquennat.

En recevant l’émission C à Vous à l’Elysée, le chef de l’Etat n’a pas fait que défendre la loi immigration. Il est monté au créneau pour protéger Gérard Depardieu, monument du cinéma français devenu monstre, accusé par au moins 15 femmes de violences sexistes et sexuelles. La diffusion début décembre d’un reportage de Complément d’enquête sur France 2 où l’acteur a enchaîné les propos et comportements misogynes lors d’un voyage en Corée du Nord a remis ce dossier au cœur de l’actualité.

« Macron continue à perdre en crédibilité sur la cause des femmes »

« Il y a une chose dans laquelle vous ne me verrez jamais, ce sont les chasses à l’homme. Je déteste ça », a martelé le président de la République, qui a rappelé sa grande admiration pour « un immense acteur » qui « rend fier la France ». « La procédure disciplinaire » promise par la ministre de la Culture Rima Abdul Malak engagée par la Grande Chancellerie de la Légion d’honneur à l’encontre du comédien ? Balayée d’un revers de main par le président. Sa ministre s’est « avancée », la légion d’honneur est une distinction qui « n’est pas là pour faire la morale ».

« Avec ces déclarations, Emmanuel Macron continue à perdre en crédibilité sur la cause des femmes, juge Violaine De Filippis Abate, porte-parole de l’association Osez le féminisme ! Il a tenu des propos choquants et maladroits. » Si elle estime que le président est dans son rôle en rappelant la présomption d’innocence dont bénéficie Gérard Depardieu, « ça n’implique pas de féliciter un mis en examen dans un dossier pour viol et qui a tenu des propos qui ne sont pas juste des blagues graveleuses ».

La majorité dénonce « un mauvais procès » fait au président

D’autant que l’actualité judiciaire autour de l’acteur s’épaissit : la semaine dernière, la journaliste espagnole Ruth Baza a porté plainte dans son pays pour viol contre l’acteur pour des faits remontant à 1995. La veille de la diffusion de Complément d’enquête, une plainte pour agression sexuelle a été déposée par la comédienne Hélène Darras. Enfin, l’interprète de Cyrano de Bergerac est mis en examen depuis décembre 2020 pour viols et agressions sexuelles après une plainte de la comédienne Charlotte Arnould.

« A titre personnel, j’ai été choqué par ce reportage », reconnaît Mathieu Lefèvre, député Renaissance du Val-de-Marne, tout en dénonçant le « mauvais procès » fait à Emmanuel Macron. « Il faut faire la distinction entre ce que l’on ressent et les affaires judiciaires. En ne participant pas à cette "chasse à l’homme" comme il l’a appelé et en rappelant la présomption d’innocence, le président ne justifie en rien les propos insultants envers les femmes, les comportements déplacés, et encore moins les actions pénalement répréhensibles ».

« Une politique prioritaire »

Après avoir reçu la légion d’honneur des mains de Jacques Chirac en 1996, Gérard Depardieu a dit mettre cette distinction « à disposition ». Avant donc d’être défendu par le président. « Qu’on lui enlève la légion d’honneur, ce serait le minimum, juge Violaine De Filippis Abate. Le discours d’Emmanuel Macron sur cette affaire montre l’incohérence entre son prétendu engagement pour le droit des femmes et la réalité. De manière générale, il n’y a pas eu d’actions concrètes, seulement des mesurettes ».

Un constat réfuté par le parlementaire de la majorité, qui soutient qu’aucun autre président qu’Emmanuel Macron n’a autant fait, « dans les discours et dans les actes », pour lutter contre les violences faites aux femmes. « Nous avons mis en place les bracelets anti-rapprochement, les téléphones grave danger, la législation sur les insultes de rue. C’est une politique prioritaire », martèle Mathieu Lefèvre. Une justification qui n’a pas convaincu l’opposition et les associations féministes. Avec « le président, c’est un pas en avant, cinq pas en arrière », a synthétisé Suzy Rojtman, porte-parole du Collectif national pour les droits des femmes, auprès de l’AFP.