#MeTooLes coordinateur d’intimité ou le consentement sur un plateau

Coordinateur d’intimité, la nouvelle arme contre les violences sexistes et sexuelles au cinéma ?

#MeTooMonia Aït El Hadj est l’une des premières coordinatrices d’intimité à s’être lancée en France, il y a trois ans. Elle aide à chorégraphier les scènes de nu, de sexe et de violences sexuelles
Cette photo prise le 14 février 2023 montre des acteurs s'embrassant alors qu'ils travaillent sur le tournage d'une série télévisée à Kawasaki.
Cette photo prise le 14 février 2023 montre des acteurs s'embrassant alors qu'ils travaillent sur le tournage d'une série télévisée à Kawasaki.  - AFP / AFP
Elsa Provenzano avec Caroline Vié

Elsa Provenzano avec Caroline Vié

L'essentiel

  • Les coordinateurs d’intimité aident à chorégraphier les scènes de nue, de relations sexuelles ou de violences sexuelles, en s’assurant que les limites posées par les acteurs sont respectées.
  • C’est sur la série « The Deuce », de David Simon, que ce métier est né, à la demande d’une actrice qui devait jouer de nombreuses scènes de sexe.
  • Aujourd’hui, les jeunes générations, qui sont davantage sensibilisées aux questions des violences sexistes et sexuelles, ont plus facilement recours aux services des coordinateurs d’intimité.

Ils promettent d’apporter le consentement sur un plateau. Depuis quelques années, des coordinateurs d’intimité font leur apparition sur les tournages de films et séries en France, à la demande soit des producteurs, des metteurs en scène ou encore des acteurs. Leur rôle est d’aider à chorégraphier les scènes de nu, de relations sexuelles ou de violences sexuelles, en s’assurant que les limites posées par les acteurs sont bien prises en compte. Une petite révolution à bas bruit alors que les scandales de violences sexistes et sexuelles n’épargnent pas le milieu du cinéma.

C’est aux Etats-Unis, sur le tournage de la série télévisée The Deuce, de David Simon et produite par HBO, que ce métier a pris racine. Sortie en 2017, elle se penche sur le développement de l’industrie pornographique à New York au début des années 1970. « Une comédienne [Emily Meade] qui avait énormément de scènes d’intimité a demandé à sa production d’être accompagnée sur ce travail-là », raconte à 20 Minutes Monia Aït El Hadj, l’une des premières coordinatrices d’intimité à s’être lancée en France, il y a trois ans. Après The Deuce, le mouvement #MeToo et l’affaire Weinstein aux Etats-Unis ont contribué à accélérer le développement de ce métier.

« Les jeunes ne comprennent pas pourquoi mon métier n’existait pas avant »

En France, ces nouveaux professionnels sont intermittents du spectacle et s’ils sont encore peu nombreux, ils pourraient avoir beaucoup d’avenir. « Les comédiens des générations précédentes ont travaillé sans, donc il faut leur prouver l’utilité du métier, estime, lucide, Monia Aït El Had. Et les jeunes générations, ce n’est pas qu’elles ne veulent pas faire d’intimité, mais, elles veulent un cadre professionnel qui permette de les travailler en amont. Souvent, elles ne comprennent pas pourquoi mon métier n’existait pas avant. »

Auparavant, les scènes d’intimité étaient gérées différemment d’un réalisateur à l’autre, mais souvent laissées à l’improvisation. « C’est compliqué de dire ''non, je n’ai pas envie de faire ça, de me mettre nue, etc.'' face à son réalisateur, pointe Monia Aït El Had. Une tierce personne vient faciliter les choses et apporter des solutions, dans un processus collaboratif. » Quand elle est sollicitée, Monia Aït El Had rencontre individuellement les acteurs bien en amont du tournage, et échangent avec eux sur ce qu’a imaginé le metteur en scène et sur leurs attentes. Des précautions qui n’empêchent pas une certaine dose d’improvisation, mais dans un cadre prédéfini. « Notre rôle est d’arriver à trouver la chorégraphie commune, il n’est pas question que l’un prenne le dessus sur l’autre », souligne la coordinatrice d’intimité.

L’actrice Laure Calamy, 48 ans, raconte que, avant le tournage du film Les Inséparables d’Anne-Sophie Bailly, qui sortira en 2024, a eu lieu « une réunion sur zoom avec une coordinatrice » pour évoquer les scènes de sexe qu’elle devait tourner avec l’acteur belge Geert Van Rampelberg. « C’était nécessaire de le faire avant, ce qui nous a permis d’être à l’aise sur le tournage », pointe la comédienne qui, travaillant en confiance avec la réalisatrice, n’a pas éprouvé le besoin que la coordinatrice soit à ses côtés le jour J. Elle n’a pas eu recours à un coordinateur sur son film Iris et les Hommes, de Caroline Vignal, qui sort le 4 janvier. « Mais je trouve que c’est une bonne initiative, surtout pour des actrices et acteurs moins expérimentés », conclut Laure Calamy.

« On ne vient pas sauver la pauvre actrice d’un méchant réalisateur »

Ce ne sont pas seulement des actrices qui sollicitent les services des coordinateurs d’intimité. « On ne vient pas sauver la pauvre actrice d’un méchant réalisateur, ce n’est pas du tout le propos, clarifie Monia Aït El Hadj. Je rencontre beaucoup de comédiens qui ont des limites, des gênes et qui ont besoin qu’on travaille les scènes d’intimité ».

Pour les accompagner, il existe des « vêtements d’intimité », c’est-à-dire des dispositifs qui permettent de cacher certaines parties du corps ou participent à donner l’illusion d’une sexualité simulée. S’ils pouvaient être auparavant confectionnés au coup par coup, selon la sensibilité et la disponibilité du département costumes, des marques commencent à en proposer. Et, les coordinateurs d’intimité ont aussi vocation à en créer des sur-mesure.

Tout sur le mouvement #MeToo

« On vient créer une culture du consentement à l’échelle de la production et on ouvre un espace où chaque artiste peut exprimer ses limites », résume la coordinatrice, qui compare son rôle à celui du coordinateur de cascades qui règlent chutes et bagarres, en amont du tournage. Sur les scènes de violences sexuelles, coordinateurs de cascade et d’intimité travaillent de concert. « Là, cela doit être encore plus chorégraphié, parce qu’on peut encore plus se blesser », pointe-t-elle.

Si ce ne sont que les débuts de ce nouvel accompagnement des artistes, elle espère « que cela devienne un automatisme dans les prochaines années. »