RugbyAu rugby, les décisions arbitrales davantage contestées par les joueurs

« De plus en plus de réclamations »… Au rugby, aussi, des décisions arbitrales davantage contestées par les joueurs

RugbySur les terrains de Top 14, les joueurs contestent de plus en plus les décisions arbitrales. Un risque pour le rugby ?
Thomas Charabas lors du match Lyon-Stade Français, le 11 novembre
Thomas Charabas lors du match Lyon-Stade Français, le 11 novembre - MOURAD ALLILI/SIPA / Sipa
Antoine Huot de Saint Albin

Antoine Huot de Saint Albin

L'essentiel

  • Depuis plusieurs mois, les joueurs contestent de plus en plus les décisions des arbitres sur les terrains du Top 14.
  • « Il y a de plus en plus de demandes de vidéo, de réclamations de fautes, des choses qu’on voyait moins souvent par le passé. Ces derniers temps, ça a un peu augmenté », reconnaît le capitaine du CO, Julien Dumora.
  • Les arbitres, qui ne voient pas forcément une dégradation des relations avec les joueurs, estiment que c’est à eux d’être durs dans leurs sanctions.

La Coupe du monde de rugby a fait des dégats. Pas seulement sur l'état des internationaux français, qui peinent, à de rares exceptions, à retrouver leur meilleur niveau depuis la cruelle défaite en quart de finale face à l'Afrique du Sud. Mais aussi, et surtout, sur le respect porté aux arbitres. A croire que les critiques, venant des joueurs et des supporteurs après l'éliminatin des Bleus, a ouvert une boîte de Pandore. « Ce Mondial a généré dans l’environnement rugby une certaine amertume vis a vis de notre fonction », reconnaît Tual Trainini, arbitre du Top 14, qui officiait notamment lors de la dernière finale Toulouse-La Rochelle.

A tel point qu'on est en train de se demander si cela a influé sur le comportement des joueurs sur le terrain. Les bras qui se lèvent pour réclamer une pénalité sur pratiquement chaque contest dans les rucks. Matthieu Jalibert, Cyril Cazeaux ou Ben Tameifuna qui font de grands gestes vers l’arbitre Ludovic Cayre lors de la défaite de l’UBB à Pau. Les Rochelais pris par la patrouille à force de jacasser face au Leinster. « Ce n’est pas acceptable qu’à chaque décision, qu’elle soit bonne ou non, cinq joueurs viennent la contester, se plaignait l’Anglais Matthew Carley à Pierre Bourgarit. Est-ce que vous avez compris ? Vous êtes le capitaine, contrôlez votre équipe. »

Le rugby est-il en train de filer du mauvais coton, de se « footballiser » ? « Sur le terrain, cette relation arbitre-joueurs, c’est un joyau de notre sport, qui est enviée par d’autres fédérations, d’autres sports, relève Franck Maciello, directeur national de l’arbitrage à la FFR. Ce respect est une valeur cardinale de notre sport, et on doit tous se retrouver pour la défendre. Attaquer sans cesse des décisions d’arbitres dans un sport où la règle est quand même laissée à l’interprétation, c’est laisser la porte ouverte à des débats interminables. »

Pas forcément d’effet Coupe du monde

Accusés, levez-vous donc. A la barre, Julien Dumora, capitaine du Castres Olympique, reconnaît allégrement que certains sont allés trop loin : « Le comportement des mecs sur le terrain a évolué avec les arbitres. Il y a de plus en plus de demandes de vidéo, de réclamations de fautes, des choses qu’on voyait moins souvent par le passé. Ces derniers temps, ça a un peu augmenté. » Depuis la Coupe du monde ? Pas tout à fait.

Les nombreuses critiques contre l’arbitrage lors du Mondial en France n’ont pas foncièrement changé le comportement des joueurs, selon tous nos intervenants. Le problème est un peu plus ancien, même si les principaux concernés, les hommes en noir, ne notent pas de dégradation particulière, à l’image de Thomas Charabas, arbitre de Top 14 :

« Sur les matchs que j’arbitre, je n’ai pas ce sentiment-là. Après, c’est aussi dépendant de ce qu’acceptent ou n’acceptent pas les arbitres. Moi, les joueurs ne me parlent pas trop. Ça fait huit ans que je suis en Top 14, donc la carte de visite est déjà distribuée. Des joueurs se permettent des choses avec des nouveaux arbitres qu’ils ne se permettraient pas avec des anciens. Mes premières années de Top 14, j’avais 26 ans, c’était dur mentalement parce que les joueurs me testaient. » »

« Les joueurs connaissent mieux les règles »

Plusieurs facteurs pourraient néanmoins expliquer ce regain de réclamations de la part des joueurs :

  • « Le fait que les ralentis passent sur les grands écrans, que les joueurs soient sensibilisés de plus en plus à l’arbitrage, qu’ils connaissent mieux les règles, on sent que ça amène forcément plus d’intérêt sur les décisions qu’on peut prendre », assure Tual Trainini.
  • « Avant, dès qu’il y avait un petit doute, la vidéo était demandée. Le jeu était d’ailleurs haché par rapport à ces demandes. Maintenant, on le voit de moins en moins, pour prôner le jeu, et sur certaines décisions litigieuses, il y a des réclamations des joueurs », rapporte Julien Dumora.
  • « Ces réclamations, c’est plus pour accompagner l’arbitre pour que le jeu soit plus juste. Les arbitres sont des êtres humains, ils font des fautes, mais parfois une faute est repérée par un joueur, qui essaie de faire passer le message à travers son capitaine, dans l’optique de changer une décision qui peut faire la différence. L’évolution sans cesse des règles fait qu’il y a aussi des choses qui peuvent leur échapper », estime Beka Gorgadze, le capitaine de la Section Paloise.

De toute façon, les joueurs trouveront toujours une bonne raison de venir murmurer aux oreilles des arbitres. Certains en étaient même devenus spécialistes, comme les coquins Sergio Parisse (désormais à la retraite) ou Rory Kockott (Stade Français, ancien de Castres). « Ça m’est déjà arrivé, en avant match, de prévenir les capitaines, en leur disant que tel ou tel joueur ne devait pas me faire la messe tout l’après-midi, ajoute Thomas Charabas. Après, je pense qu’il ne faut pas attendre des joueurs qu’ils ne contestent pas. Ils sont dans leur match, obnubilés dans le résultat à très court terme, donc c’est à nous, arbitres, d’être très durs avec ça. »

Un large panel de sanctions

Et le catalogue des sanctions permet aux officiels de gérer au mieux certaines situations. Demandez donc à Julien Dumora, dont l’équipe a été moult fois pénalisée après certaines contestations. « La discipline, c’est notre point noir à Castres depuis quelques saisons. Si, en plus de ça, on commence à réclamer des décisions à l’arbitre...Ce sont vraiment des choses dont on parle, et on veut faire évoluer les choses dans le bon sens pour nous. Il y a un capitaine, c’est à lui d’aller voir l’arbitre s’il y a besoin, le reste du groupe doit se concentrer sur le jeu et faire abstraction de la frustration qu’il peut y avoir sur certaines décisions. »

Concrètement, les arbitres possèdent plusieurs sanctions possibles : bras cassé, pénalité, 10 mètres supplémentaires, carton jaune… « On ne fera pas respecter les arbitres en disant seulement : “Il faut les respecter parce que c’est bien”, complète Thomas Charabas. Au foot, ils ont un carton jaune qui ne vaut rien et un carton rouge qui va déséquilibrer le match. Nous, on a une gradation dans les sanctions qui nous permet d’avoir plus d’armes pour nous faire respecter. » Et ce n'est pas Julien Dumora qui dira le contraire. « Mais Castres a fait un énorme travail là-dessus. Ils sont beaucoup moins contestataires qu’ils ne l’ont été ces dernières années », reconnaît Thomas Charabas. Comme quoi, si Castres l'a fait, tout le monde peut le faire.