Faut-il faire sauter la coiffe des bouteilles de champagne ?

Rassurante mais pas écolo, faut-il faire sauter la coiffe des bouteilles de champagne ?

POPUn nouveau règlement européen rend facultatif le petit papier brillant qui recouvre le goulot des vins mousseux. Mais, tradition oblige, le champagne ne compte pas l’abandonner
Julie Urbach

Julie Urbach

L'essentiel

  • Un récent règlement européen stipule que les vins effervescents peuvent désormais se passer de leurs coiffes, en vue de la réduction des coûts ou de la prévention des déchets.
  • Mais les bouteilles de champagne garderont ce packaging, a décidé il y a quelques jours le comité interprofessionnel, ne souhaitant pas abandonner ce « code visuel identitaire ».

C’est la première chose à faire avant de faire péter une bonne bouteille de champagne. Arracher le petit papier brillant qui recouvre le bouchon et le muselet, ce fil de fer entortillé. Pour continuer dans le jargon, sachez que cette première couche s’appelle une coiffe, et son avenir est au coeur de vifs débats ces derniers temps. Depuis quelques mois en effet, « les producteurs de vins mousseux (…) peuvent décider de ne pas revêtir l’attache d’une feuille », stipule un nouveau règlement européen.

Autrement dit, les vins effervescents, champagne y compris, peuvent désormais se passer de coiffe, inventée à l’origine pour dissimuler d’éventuels dépôts ou différences de niveaux visibles à travers le goulot. Et ce « pour des raisons opérationnelles, telles que la réduction des coûts, la prévention des déchets ou l’amélioration de la commercialisation », indique le texte réglementaire.

Le comité Champagne décide de la garder

Pour autant, ce n’est pas demain la veille que votre Réveillon se déroulera en compagnie de bouteilles en partie dénudées. Car après plusieurs semaines de réflexion, le comité interprofessionnel du vin de Champagne a annoncé il y a quelques jours que ce surbouchage resterait obligatoire pour toute bouteille qui voudrait se faire appeler ainsi.

« La coiffe contribue au prestige et à la valeur du Champagne », indique le directeur général Charles Goemaere, qui ne manque pas d’arguments pour plaider à son maintien. « Code visuel identitaire indissociable des vins de Champagne », la coiffe garantirait « au consommateur l’authenticité » du produit, détaille encore Charles Goemaere. Des études auraient en effet montré qu’en scellant la bouteille, elle le « rassure sur l’origine du vin ainsi que sur l’hygiène et la sécurité ».

Le papier contre l’alu

Des considérations principalement commerciales qui se heurtent aux exigences environnementales actuelles. Car s’il semble anodin, ce petit emballage le plus souvent composé d’aluminium et de plastique représenterait une importante filière de déchets non-recyclables quand on sait que plus de 325 millions de bouteilles ont été expédiées l’an passé. Près de Reims, c’est pour cela que l’on a voulu depuis deux ans remplacer cet alliage par du papier, d’abord sur une cuvée spéciale.

« On a dû essuyer les platres au début, avec un coût de la coiffe trop important et un papier un peu trop épais pour les machines, rapporte Emeline Cordy, responsable marketing de la maison Pierre Trichet. Mais ça fait tout à fait l’affaire, avec un résultat plutôt joli et harmonieux et d’excellents retours de la part des clients. On souhaiterait d’ailleurs l’élargir à d’autres parties de la gamme pour 2024. » Des initiatives qui ne sont pas isolées, même si la coiffe pèserait « seulement 0,6 % des émissions totales de gaz à effet de serre de la filière », tente de rassurer le comité interprofessionnel.

Le Crémant hésite, le cidre s’émancipe

En alu ou en papier, on n’est pas encore prêts à se libérer de la coiffe, qui « vient finir la bouteille ». C’est aussi ce que l’on ressent du côté de la Fédération nationale des producteurs et élaborateurs de Crémant. « Contrairement au champagne, nous n'avons pas encore pris de décision au sujet de la réglementation, mais on sent qu’il y a un réel attachement, pour le côté traditionnel et esthétique, observe Edouard Cassanet, animateur. Et puis, il ne sera pas si simple de dire « je l’enlève » du jour au lendemain. Il y a aussi l’aspect industriel, avec une pose facile et rodée, qu’il faudrait complètement revoir. »

S’il n’est pas du tout concerné par la nouvelle réglementation, le poids lourd des cidres Kerisac, lui, a décidé de s’en passer. « La coiffe en aluminium, signe distinctif qui permettait aux consommateurs de repérer les bouteilles de cidre Kerisac parmi les autres, n’est plus, annonce l'entreprise dans un communiqué. Cette suppression s’inscrit dans une volonté de réduire l’impact environnemental de la cidrerie ». Avec deux millions de coiffes en moins, l’entreprise espère réaliser une économie de 2,8 tonnes d’aluminium par an.